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ISM France - Archives 2001-2021

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Naplouse -

Balata : Regardez ce que l'on fait de vos impôts.

Par

Le 19 février, j'ai reçu un appel de M.A. disant que les Forces de l'Occupation Israélienne avaient envahi le camp de réfugiés de Balata et tué deux adolescents. Ils utilisaient l'école des filles du camp comme base des opérations.
M.A. disait qu'ils avaient besoin des ISMers à Balata pour aider aux évacuations sanitaires parce que souvent les Forces de l'Occupation Israélienne ne permettent pas aux ambulances de sortir du camp.

Balata : Regardez ce que l'on fait de vos impôts.


Un jeune de 17 ans est porté dans les rues dans un cortège funéraire en son honneurainsi qu'en l'honneur d'un autre jeune du même âge. Les deux martyrs étaient non armés, ils regardaient l'attaque depuis un toit quand un sniper israéliens les a abattus d'une balle dans le cou pour l'un et dans le visage pour l'autre.

Les soldats avaient arrêté des personnes blessées que l'on conduisait à l'hôpital.

Notre présence permettrait peut-être aux soldats de conserver leur humanité dans ces situations. En outre, la présence des internationaux a pour effet d'inciter les soldats à probablement moins tuer des Palestiniens inutilement.

Trois autres ISMers et moi sommes partis pour le Nord, à Naplouse, la ville à côté du camp de réfugiés de Balata.

Une fois à Naplouse, on nous a emmenés mais on ne pouvait pas nous conduite jusqu'au camp. Nous avons dû descendre à environ 200 mètres de l'entrée.

J'ai appelé M.A. pour demander des instructions complémentaires. Il a dit que deux volontaires médicaux viendraient à notre rencontre pour nous escorter jusqu'à la clinique à l'intérieur du camp.

Nous avons commencé à marcher vers l'entrée alors que les habitants de Naplouse nous faisaient des signes, en nous demandant de nous arrêter et que nous ne devrions pas y entrer parce que c'était dangereux.

Un tank et une jeep bloquaient l'entrée principale du camp.

Nous nous sommes arrêtés quand nous avons vu les deux volontaires sortir.

Ils nous ont fait signe de continuer et nous avons commencé à marcher en direction du tank. Je ne me sentais pas très fière quand une voix provenant du tank a crié dans un mégaphone "ALLEZ-VOUS-EN."

J'ai eu un peu peur mais j'ai suivi les volontaires qui changeaient de direction et j'ai descendu une série de ruelles étroites. Nous avons abouti sur une grande rue et nous avons vu que le tank s'était déplacé pour nous arrêter à environ 200 mètres de la rue. Ils ont tiré en l'air.
J'ai crié, j'ai saisi la main de Wendy et nous avons traversé la rue à toute vitesse.

Nous avons continué à suivre les deux volontaires mais je commençais à avoir de moins en moins confiance en eux.


À un moment, ils nous ont emmenés en bas d'une rue tout droit vers une jeep de l'armée dont le conducteur demandait à voir nos passeports. Je savais que s'ils prenaient nos passeports, ce serait terminé.
Nous serions arrêtés pour avoir été dans une zone militaire fermée et/ou mis sur la liste noire – ce qui signifie que nous ne pourrions plus jamais entrer dans le pays, et emmenés hors de Balata.

J'ai hurlé à mes quatre amis, "nous devons partir MAINTENANT, yalla!"

J'ai couru vers la ruelle la plus proche suivie des autres et nous nous sommes cognés dans un groupe jeunes hommes étonnés et confus. J'ai essayé de demander si leur maison était un endroit où nous pourrions nous cacher tout en appelant M.A. au téléphone pour demander où nous devions aller.

J'étais vraiment paniquée à ce moment-là mais heureusement nous étions très près de M.A. et il nous a trouvés immédiatement.

M.A. nous a emmenés à la clinique et a expliqué que nous aiderions les volontaires médicaux à évacuer les blessés et à porter de la nourriture aux familles dans les maisons occupées.

Laissez-moi expliquer ce qu'est une maison occupée.

Quand les Forces de l'Occupation Israélienne veulent utiliser une maison ou un toit comme base des opérations, ils enferment la famille dans une pièce et utilisent la maison comme bon leur semble. Souvent, ils refusent de laisser la famille utiliser les toilettes ou manger.

C'est une expérience très traumatisante pour les familles. Les volontaires vont dans ces maisons et essayent de raisonner les soldats, essayent de voir si quelqu'un est malade ou blessé et doit aller à l'hôpital, et apportent de la nourriture et des médicaments.

Il y a des ordures et une misère noire partout dans Balata. En dehors de ça, les deux aspects les plus uniques sont la densité de la population (25.000 personnes sur deux kilomètres carrés) et des affiches de martyrs sur les murs de tous les bâtiments.

La plupart de ces hommes (et des quelques femmes) ont été tués pendant les attaques militaires de Balata.
Un petit nombre est mort dans les attaques contre des Israéliens.
La tragédie de Balata est évidente sur ces affiches.

Certains des martyrs sont des garçons et la plupart posent avec des armes. Ce sont des portraits de studio de photo avec des armes comme accessoires (les armes sont ici des accessoires de studio de photo comme des nounours sont des accessoires de studio de photo ailleurs.) Tous les garçons et les hommes se font prendre "juste au cas où."

Juste au cas où, comme Ibrahim et Naim, 17 ans, dont j'assisterai aux funérailles plus tard. Nablus et Balata ont eu environ 500 martyrs depuis le début du deuxième Intifada en 2000.

Pendant la journée, nous sommes sortis par groupes de deux ou trois internationaux et deux ou trois médecins palestiniens à la recherche de personnes blessées.
J'ai été étonnée qu'il n'y avait pas plus de blessés ce jour-là pendant les heurts entre les Forces de l'Occupation Israélienne et les gosses.

Quand les médias américains parlent de ce genre de heurts, ils disent que les gosses palestiniens se comportent mal en jetant des pierres sur les soldats qui n'ont pas d'autre choix que leur tirer dessus pour se défendre.
Ce n'est pas exactement comment cela que ça se passe. Ces gosses, qui pnt entre 5 et 25 ans, n'ont pas d'école pendant les invasions. (peut-être parce qu'elle est occupée par les soldats?)

Tout qu'ils peuvent faire, c'est de traîner dans les rues pour collecter les seules munitions disponibles afin de défendre leur ville.

Si vous pouvez les condamner pour ça, alors je vais vous poser la question suivante :
Si des soldats envahissaient votre ville, ne feriez-vous rien pendant qu'ils occupent vos maisons et tuent vos jeunes hommes? Ou répondriez-vous en utilisant la méthode de votre choix?

Ces gosses répondent avec des pierres comme armes, des ordures et des débris comme barrages routiers, et moi, je salue leur courage. Ils n'ont rien à perdre.

Quand les jeeps ont besoin de descendre la rue, un bulldozer passe devant pour nettoyer le chemin. Les gosses alors rassemblent les pierres et récupèrent des gros morceaux de ciment des maisons et bombardent le bulldozer. Alors les jeeps arrivent, tirent du gaz lacrymogène, des balles en caoutchouc et parfois des balles réelles.

Nous nous cachions dans des ruelles jusqu'à ce que les véhicules soient passés et nous ressortions ensuite pour voir les gosses récupérer à nouveau des pierres et scander : "Allahu Akbar," Dieu est grand.

Cela s'est produit à de nombreuses reprises. D'abord, c'était terrifiant, puis c'est devenu légèrement alarmant, et après c'est devenu normal.

Que faisaient les Forces de l'Occupation Israélienne à Balata? Apparemment leur mission était de tuer et/ou arrêter des combattants.
Les médias appelleraient probablement les combattants des "terroristes."
D'autres pourraient employer le terme : combattants de la liberté.

Cela dépend probablement de la personne à qui vous le demandez : l'occupant ou l'occupé.


La nuit nous avons dû rester à l'intérieur de l'appartement de l'ISM dans Balata. Nous avons entendu les tirs jusqu'à 1h du matin, mais nous n'avions aucune idée ce qui se passait à l'extérieur. Deux autres sont restés éveillés toute la nuit au cas où quelque chose se produirait et que nous devrions aider.

Cette nuit-là fut la plus effrayante que je n'ai jamais vécu. Je dis ça avec la culpabilité de quelqu'un qui vit avec beaucoup de privilèges.

Pour les gens de Balata, la nuit dernière était juste une autre dans une vie d'actions militaires traumatisantes. Les volontaires médicaux palestiniens ont souvent essayé de calmer les internationaux pour qui tout ça était une nouvelle expérience.

Le 20 février, je me suis réveillé au bruit des gosses qui riaient et jouaient dans la rue et j'ai pensé : "L'invasion doit être terminée." J'avais tort.

C'est un exemple de la partie la plus inquiétante de l'invasion de Balata. Il est normal que les gosses soient dehors à rire et à jouer dans la rue même s'il y a des jeeps et des humvees militaires à un paté de maison.

Les gens étaient calme parce que cela n'était pas nouveau pour eux.

La chose suivante que j'ai entendue alors que je me réveillais, ce fût : “Nablus….itnayn shaheedayn”, Naplouse a deux martyrs.
Deux combattants avaient été tués dans la ville de Naplouse, à côté du camp de réfugiés de Balata où j'étais et qui était actuellement assiégé.

Les neuf volontaires internationaux et plusieurs médecins palestiniens étaient tous assis dans la clinique à écouter le bruit des jeeps et des pierres à l'extérieur quand nous avons entendu des tirs à balles réelles.

C'était si proche qu'après que j'aie hurlé et fait un bond de trois mètres, j'ai regardé autour de moi pour voir si quelqu'un avait été touché.

Tout le monde dans la clinique allait très bien, mais, de l'autre côté de la rue, la cible du tir avait été touchée. Il avait été abattu par la fenêtre à côté de laquelle il était assis.

La balle avait été dévié par le grillage métallique installé à l'extérieur de la fenêtre. Il a dû être abattu par un tireur isolé des Forces de l'Occupation Israélienne positionné sur un toit voisin.

Nous nous sommes précipités dans la rue et sommes entrés dans la maison. Tout le monde était paniqué; les femmes criaient et les enfants pleuraient. J'ai essayé de consoler une petite fille pendant que les médecins couraient.

Quelques minutes plus tard, la victime était évacuée sur une civière. Il avait été visé à la poitrine et il avait perdu beaucoup de sang. Il a été mis dans une ambulance qui attendait dehors.

Quelques minutes plus tard, un autre membre de la même famille qui semblait être enceinte de huit ou neuf mois a été sortie et mise dans une ambulance. Elle n'avait pas été blessée, heureusement, mais le stress lui avait provoqué des contractions.

Les soldats, qui attendaient dehors dans les jeeps et les humvees et observaient le chaos ont ordonné à la famille de sortir la maison et de nous éloigner de la rue. De l'intérieur de la clinique, nous pouvions entendre d'autres tirs et explosions venant de l' extérieur. J'étais tellement effrayée que j'ai commencé à pleurer.

Après qu'ils aient saccagé la maison, les soldats sont partis et la famille a pû revenir. Nous avions reçu des nouvelles de l'hôpital et Mohammad, l'homme qui s'était fait tirer dessus, allait vivre.


Le lendemain, ce fût la même chose. Nous avons mis un adolescent qui avait reçu une balle dans la poitrine sur une civière et nous l'avons envoyé à l'hôpital.

Nous avons tenté d'apporter de la nourriture à une famille dans une maison occupée mais après avoir frappé à la porte pendant cinq minutes et avoir expliqué que nous étions des volontaires qui essayaient d'apporter de la nourriture et de prendre des nouvelles de la famille, on nous a dit de partir.

Alors que nous descendions une ruelle, un homme a tiré Ahmad, un des médecins palestiniens qui était avec nous, et il nous a demandé d'entrer dans une maison où nous avons vu quatre femmes assise sur le sol qui pleuraient en silence.
J'ai pensé qu'elles étaient seulement effrayées. Elles ne semblaient pas plus boulversées que n'importe lequel d'entre nous la nuit précédente, juste assise là à pleurer en silence...

Ahmad a essayé de réconforter l'une d'elles. Nous avons été appelés à l'extérieur quelques minutes et c'est alors que j'ai appris d'Ahmad que c'était la famille d'un des garçons qui étaient morts deux jours avant. Savoir cela m'a noué l'estomac.


À un moment, Ahmad a été détenu pendant trente minutes pour un contrôle d'identité.
Les soldats ont insisté sur le fait que ces contrôles d'identité prennaient un bon moment, ils doivent les mettre dans une base de données pour s'assurer qu'ils ne sont pas suspectés d'être des terroristes. Hé les soldats, vous ne pouvez pas me duper, je suis une pro maintenant à foce d'observer les contrôles d'identité palestiniens!!

Je sais combien de temps cela prend de vérifier l'identité de quelqu'un; à Tel-Rumeida, si les soldats sont dans un de leurs rares bons jours, cela ne prend pas plus de cinq minutes!

Un ISMer a discuté avec le soldat jusqu'à ce qu'Ahmad soit libéré.

Cette nuit, les soldats ont décidé de quitter une maison qu'ils occupaient près de la clinique. On nous a dit de rester à l'intérieur de la clinique car les soldats sont très nerveux et vulnérables quand ils sortent d'une maison occupée.

Ils emmènent souvent à l'extérieur les résidants avec eux comme boucliers humains jusqu'à ce qu'ils montent dans des leurs véhicules et qu'ils partent.

D'autres pierres, d'autres tirs et explosions, le gaz lacrymogène entre dans la clinique. Quelqu'un a reçu une balle en caoutchouc dans la tête.

Pour faire face au stress, j'ai dessiné des caricatures dans mon cahier de dessin, nous avons fait des plaisanteries débiles, et Wendy et moi avons parlé des martyrs les plus mignons. Mon kuffiya est devenu ma couverture de sécurité et je m'endors avec la nuit.

Nous étions tous un peu fous quand le 21 février, M.A. nous a indiqué que l'attaque était terminée. Cinq morts au total, quarante blessés, cinq amis de M.A. ont été arrêtés.

Je dois rendre hommage à M.A., il était le responsable à Balata, on se référait tous à lui et il a fait un travail impressionnant.

Je suis également épatée par les volontaires internationaux avec qui j'ai travaillé, ils ont tous fait ce qu'il fallait, personne n'a paniqué et pour la plupart d'entre eux, c'était la première fois qu'ils se retrouvaient dans une invasion.


Ce matin, nous avons regardé le cortège funèbre d'Ibrahim et de Naim depuis un toit et quand j'ai vu ces visages de gosses, c'est là que je me suis effondrée en sanglots. Ils étaient si jeunes, si beaux et je ne peux pas faire sortir leurs visages de ma tête.

Et si c'étaient eux qui allaient mener leur peuple vers la liberté? J'espère que j'aurai une occasion de me renseigner pour savoir qui ils étaient.

Moins de 24 heures après mon retour à Tel-Rumeida, il y avait une nouvelle attaque sur Balata. Une camarade ISMer américaine a été touchée au bras par un éclat d'explosif à Balata.

Les services secrets israéliens ont interrogé et tabassé un ISMer palestinien pendant trois heures en l'accusant d'avoir des liens avec les terroristes.

Un activiste israélien a reçu balle en caoutchouc dans l'oeil à Beit Sira.

Quatre cents colons à Hebron ont effectué un défilé énorme où ils ont dit qu'ils n'auraient pas de repos jusqu'à ce que l'ensemble d'Hebron soit contrôlé par "les Juifs."

Si vous avez tout lu, je vous remercie. Votre connaissance de cet événement signifie que le reste du monde n'a pas abandonné Balata.


S'il vous plait, aidez comme vous pouvez.



Voir les photos prises par les ISMers lors de l'attaque de Balata


Source : http://www.palsolidarity.org/

Traduction : MG pour ISM

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