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Paris - 1 août 2014
Par Sarah Solo
Le samedi 26 Juillet 2014, je suis interpellée bien avant l’heure du début de la manif, aux abords du métro Filles du Calvaire, à bord d’un véhicule transportant du matériel (pancartes, mégaphones, drapeaux).
Suite à mon interpellation, les faits reprochés ont été les suivants : « organisation de manifestation interdite ». J’ai fait alors 24 heures de garde à vue et j’ai été convoquée pour une deuxième audition le lendemain de ma libération.
Le témoignage que j’apporte tient à mettre en lumière un enjeu important de la lutte que nous menons : la lutte contre le pouvoir colonial.
Durant toute la procédure judiciaire aussi injuste qu’elle puisse être, j’ai été bien traitée. Et cette manière-là dont j’ai été traitée s’explique par le fait que je suis blanche et de catégorie socioprofessionnelle « respectable » aux yeux du pouvoir : je suis professeur de français.
Ces deux caractéristiques font de moi une privilégiée dans un système politique néo-colonial tel que celui de la France.
Je n’ai jamais connu de violences policières. Je n’ai jamais connu de contrôles d’identité. Outre le fait que je sois blanche et prof, un troisième élément joue en ma faveur : je suis une militante. J’évolue dans un milieu qui sait appréhender la répression d’Etat.
Je suis une militante donc je prends le risque de subir la répression d’Etat quand je me range du côté de mes frères et sœurs oppressés, mais je ne peux pas dire que je subis la répression de la même manière. Je ne peux pas dire qu’elle est aussi violente que celle qui s’acharne contre les arabes et les noirs particulièrement quand ces arabes et ces noirs affirment une identité musulmane.
J’ai fait deux auditions devant un officier de police judiciaire.
Lors de la deuxième audition, j’ai été convoquée pour « participation à une manif interdite », ce qui était absurde puisque je n’avais pas pu assister à cette manif quand bien même je l’aurais voulu puisque j’étais en garde à vue durant tout le rassemblement.
J’étais beaucoup plus confiante que lors de la première audition. Je me suis défendue avec bien plus de convictions et si le policier cherchait à me déstabiliser, il savait qu’il ne réussirait pas à me manipuler.
Je détenais le pouvoir des mots. Je lui ai bien rappelé la différence principale qui résidait entre « organisation » d’une manif interdite et « participation » à une manif interdite.
Il m’a reproché de jouer avec les mots mais je lui rappelais sans cesse que les mots étaient importants. Durant toute ma déposition, je lui disais de bien inscrire les mots que je choisissais et pas autre chose. À la fin de mon audition, lorsque j’ai dû relire ma déposition, il m’a demandé de ne pas la lire comme si je corrigeais une copie car il devait y avoir des fautes qu’il corrigerait rapidement avec le correcteur automatique.
Cette scène paraît banale mais elle révèle quelque chose de très important. Ce flic me traitait comme une personne qui a un capital culturel suffisant pour être respecté et qui pourrait le défier ou qui pourrait du moins ne pas se laisser avoir.
Le policier qui m’a interrogée est noir. Mais il est du côté du pouvoir blanc, colonial, qui opprime les noirs, les arabes et musulmans. Il est un noir « intégré » comme dirait les blancs qui détiennent le pouvoir. Il est le noir parfaitement intégré au système colonial. Moi, je suis blanche et je suis du côté des opprimés. Mais ça ne me retire pas mon privilège.
Je ne dis pas qu’un blanc lorsqu’il milite ne subit pas de répression mais elle ne sera jamais aussi violente et elle sera beaucoup moins passée sous silence que les innombrables injustices que des arabes et des noirs subissent.
Jamais je ne subirai ce qu’a vécu Mohamed S, ce jeune homme de 24 ans, condamné à 4 mois ferme de prison après avoir subi un contrôle d’identité au faciès et violences policières.
Jamais je ne subirai un racisme aussi violent que lui a vécu lorsqu’il s’est trouvé devant un juge qui l’a méprisé.
Jamais je ne subirai les violences policières que celles-ci soient verbales ou physiques que peuvent vivre des détenus arabes et noirs lorsqu’ils sont en garde à vue.
Quand on est blanc, il faut le reconnaître. Il faut reconnaître ces privilèges que le pouvoir blanc entretient, que nous le voulions ou non.
Et quand on le reconnaît, il faut se battre, aux côtés de ceux et celles qui n’ont pas ces privilèges, pour qu’ils disparaissent, pour qu’aucun d’entre nous n’en est.
Ici, en France, il ne s’agit pas seulement d’un combat pour la libération de la Palestine. A travers le combat pour la Palestine, il s’agit d’un combat pour la libération de tous les arabes, noir-e-s, musulman-e-s qui subissent racisme colonial, discriminations et lois d’exception, ici même en France.
Sarah Solo
Source : Facebook
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