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Naplouse - 13 septembre 2003
Par Hugo
Camp de Balata
Ce soir là nous avons esquivé les patrouilles de tanks et de jeeps en marchant péniblement de Balata à Naplouse...
Finalement nous avons trouvé une ambulance d'UPMRC qui a emmené Mustapha ainsi que les cerveaux des nouveaux martyrs à Rafidia , puis nous sommes rentrés dans la vieille ville de Naplouse pour une patrouille de nuit et dormir , sommeil seulement interrompu par des cris de soldats et des tirs, obligeant les personnes à sortir de chez eux tôt le matin.
Nous sommes en train de creuser dans le sable, mercredi, tard dans la nuit, a l’extérieur du camp de Balata. Quatre d'entre nous sont accroupis pres de la mosquée, qui se situe a cote de la station de taxis. Les rues sont vides et silencieuses. Tout le monde est à l'intérieur, les portes verrouillées - un plus grand nombre de soldats est prévu cette nuit. Deux petites piles de sable marron clair se trouvent à l'entrée du camp. Nous nous agenouillons autour de l'une d'entre elles, alors que Mustapha explore le sable, retournant des mottes et examinant le dessous des cailloux.
« Bouge la lumière ici. Maintenant, ici ».
« Qu'est ce que c'est ? » demande Mustapha. J'essaie d'ignorer les grondements distants de véhicules militaires et de me concentrer à diriger la lampe sur ses doigts qui vagabondent rapidement. Chaque motte ou morceau est examiné avec soin. Certains sont jetés d'autres placés à l'intérieur d'un sac plastique transparent, son ouverture repliée pour qu'il reste ouvert. Un rat qui furète dans une poubelle à proximité nous fait sursauter. Shadi et Kelly sont debout et surveillent l'approche des militaires. Les gants blancs chirurgicaux de Mustapha sont devenus marron avec le sable. Certaines mottes sont grosses d'autres petites, certaines collées sur le fond des cailloux. Certaines sont glissantes et difficiles à ramasser avec les doigts - Shadi prend une paire de pinces de la trousse médicale UPMRC de Mustapha.
« Silence, sshhh !!! » le grondement d'un tank qui se rapproche du camp d'Askar, d'abord lointain et faible devient lentement plus fort. Nous pouvons entendre les chenilles grincer, laissant leur marque blanche sur la route, éclatant la chaussée quand le conducteur dévie de sa route.
« Préparez vous à partir , cela vient de ce côté »
Mustapha se hâte, nous prenons nos sacs. Le flash lumineux de la jeep qui précède le tank est en vue, bougeant lentement. Nous nous immobilisons, prets à nous précipiter dans les ruelles étroites de Balata pour nous mettre en sécurité. Mais la jeep s'arrête derrière un arbre, sur un terre-plein, 100 mètres plus bas sur la route. Le tank s'immobilise dans un grincement juste derrière, hors de notre vue.
Nous nous concentrons de nouveau sur le sable, cette fois en travaillant plus vite. Plus Mustapha retourne le sable plus il est rouge. A plusieurs reprises les pinces se perdent dans la saleté et nous arrêtons de les chercher.
Pour Mustapha, 17 ans, c'est difficile, mais il le dissimule en déclarant que son père sera fâché parce qu'il rentrera en retard à la maison - il a école demain. Kelly propose de le remplacer mais il n'y a qu'une seule paire de gants et une fois retirés ils ne peuvent plus servir. Le sac se remplit. Il semble qu'il y ait deux tasses pleines dedans ; à ce moment là, le grondement du tank revient, les véhicules militaires se replient, tournent et reviennent. Cette fois la jeep reste hors de vue dans un coin de rue, mais nous pouvons voir les flashs lumineux sur le bâtiment opposé. Par trois fois nous sursautons, alors que des véhicules viennent de différentes directions - pour nous détendre à la vue d'une ambulance, d'un taxi , d'un camion.
Alors que nous « creusons « l'odeur nauséabonde d'entrailles devient plus forte. A un moment donné, l'un des gants se déchire. Agenouillé pres de Mustapha, 17 ans, nos deux têtes prés du sol, nous sommes concentrés à ramasser dans le sable. Par deux fois j'ai failli embrocher mon oeil dans sa chevelure bardée de gel.
« Bouge ta lampe ici. A quoi tu penses ? « « Ce n'est rien mais il y a plus de brillance rouge sous ce morceau «
Maintenant à la fois les gants de Mustapha et le sable sont d'un rouge marron fade. Cependant, des formes molles et grasses rougeâtres continuent d'attirer notre regard, apparaissant de dessous le sable. Alors que Mustapha tire sur les bouts étroits de ces formes pour essayer de les rassembler et les mettre dans le sac, elles glissent souvent entre ses doigts potelés et glissent le long de sa main. Une fois il s'arrête pour une brève pose et pour s'essuyer le visage, disant « c'est difficile de tenir un cerveau dans ses mains « Nous essayons de détourner la conversation sur un autre sujet, mais nous revenons toujours au silence ou aux questions « caillou ou crâne ? », est ce un morceau de cerveau ou du sable ensanglanté ? ». Lentement le sac se remplit jusqu'à ce que nous ayons plusieurs tasses de liquide sirupeux rougeâtre : sables et cailloux, cerveau, crâne et sang. Mustapha ferme le sac.
Il nous faut le porter à l'hôpital Rafidia du côté éloigné de la ville. Là son contenu sera uni aux corps préparés pour l'enterrement de demain.
Mustapha les connaissaient tous les deux : Mahmud al - Tirawi 20 ans, et Mohamed Assi 20 ans, abattus par un tank qui s'approchait avec des jeeps, alors qu'ils trainaient dans la station de taxis. Les soldats ont tiré de loin, avant même que les deux jeunes qui flânaient ne puissent rentrer dans le camp ou jeter des pierres sur les véhicules blindés.
Ces deux là sont morts trois autres ont été blessés ; l'un d'eux ( Ibrahim Jamal ) n'a plus d'estomac.
Ce soir là nous avons esquivé les patrouilles de tanks et de jeeps en marchant péniblement de Balata à Naplouse. Finalement nous avons trouvé une ambulance d'UPMRC qui a emmené Mustapha et les cerveaux des nouveaux martyrs à Rafidia , et nous sommes rentrés dans la vieille ville de Naplouse pour une patrouille de nuit et dormir - sommeil seulement interrompu par des cris de soldats et des tirs, obligeant les personnes à sortir de chez eux tôt le matin.
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