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Jérusalem -

Israël étrangle les vies des Afro-Palestiniens de Jérusalem

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Article du 14 mars 2016.

Les mesures de sécurité israéliennes introduites depuis la résurgence de la violence en fin d'année dernière étranglent l'économie du Quartier Musulman de la Vieille Ville de Jérusalem, et la communauté la plus durement touchée est la communauté peu connue de Palestiniens d'ascendance africaine. Les Afro-Palestiniens, comme ils se nomment eux-mêmes, vivent dans un quartier qui jouxte la mosquée Al-Aqsa, pris au piège entre deux checkpoints de la police israélienne à travers lesquels seuls les résidents peuvent passer pendant la journée. En conséquence, leurs magasins sont coupés de la foule des fidèles qui vont à la mosquée, laissant la communauté au seuil de la pauvreté.

Israël étrangle les vies des Afro-Palestiniens de Jérusalem

Yasser Al-Qous au micro, lors d'une conférence contre l'apartheid israélien, à Paris le 18 mars 2016. A sa gauche, Kristian Davis Bailey, de Black4Palestine. Yasser al-Qous est le frère de Sheikh Mousa Qous interviewé dans l'article
Dans les quartiers musulman et chrétien de la Vieille Ville, 35 pour cent des magasins ont fermé et ceux qui restent ouverts ont perdu jusqu'à 80 pour cent de leurs revenus depuis la mise en place des mesures de sécurité supplémentaires, selon l'association locale des commerçants. Le gouvernement israélien ne divulgue pas de données économiques pour la Vieille Ville.

Rihab Kafr’ani, afro-palestinienne d'un certain âge, reste assise juste derrière l'un des checkpoints israéliens du matin au coucher du soleil, tous les jours, par défi. De sa chaise en plastique blanc à l'ombre d'un passage couvert, elle se dispute à l'occasion avec les officiers de police ou discute avec les voisins, faisant en sorte qu'ils soient autorisés à entrer et à sortir du quartier.

"Ça ne fait qu'empirer. Je suis assise ici depuis trois mois maintenant - ils ont tiré des grenades lacrymogènes dans cette direction à plusieurs reprises," dit Mme Kafr'ani à The National la semaine dernière, montrant les officiers de police en train de surveiller les passants et d'arrêter les hommes jeunes pour vérifier leurs papiers et parfois les fouiller.

"La situation s'est agravée depuis octobre dernier maintenant qu'ils restreignent les mouvements des résidents tous les jours, sauf le vendredi et le samedi," dit-elle. "Nous comptons sur la charité : l'étranglement du quartier ne nous permet plus de travailler, et nous n'avons aucun moyen de subsistance."

Son petit étal de vente de vêtements et de foulards colorés n'a plus de clients, dit-elle.

Il y a sept stands dans le petit quartier afro-palestinien, qui vendent des vêtements, des bijoux et des en-cas, principalement pour les gens qui vont à la mosquée Al-Aqsa pour prier et en reviennent. Mais l'entrée habituellement animée de l'esplanade d'Al-Aqsa est aussi désertée maintenant parce que la recrudescence de mesures de sécurité a dissuadé de nombreux fidèles.

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L'Afro-palestinien Shahlin Husani déjeune avec Muron, son fils, après la prière du vendredi, ce mois-ci. M. Husani montre la photographie d'un parent, Ossama Jebdeh, dont il affirme qu'il fut l'un des premiers Palestiniens à être tué au début de la deuxième Intifada (photo Heidi Levine pour le National)


Derrière le poste d'observation de Madame Kafr'ani se trouve le point d'entrée du Quartier africain, appelé Bab al-Majles Al-Islami ou Bab al-Nazer, où la communauté d'environ 350 Afro-Palestiniens vit dans de petits appartements entre la rue al-Wad et l'une des principales entrées orientales d'Al-Aqsa et de son esplanade.

Il y a près d'un siècle, des pélerins musulmans du Tchad, du Nigéria, du Sénégal et du Soudan sont venus à Jérusalem et ont décidé de s'installer dans deux maisons individuelles qui aujourd'hui, trois générations plus tard, se sont agrandies en cinq immeubles d'habitation construits autour des cours qui sont presque invisibles depuis la rue principale qui va à la mosquée Al-Aqsa.

Les résidents paient un loyer très symbolique au Waqf islamique, propriétaire du bien, et quelques-uns des Afro-Palestiniens sont gardiens à al-Aqsa comme service communautaire.

Les quartiers chrétien, arménien, musulman et juif de la Vieille Ville de Jérusalem sont très connus, mais le quartier africain est l'une des quelques micro-communautés qui ne reçoivent que peu d'attention. Ses immeubles originaux ont plus de 900 ans. Lorsque Jérusalem a fait partie de l'Empire ottoman, du 16ème siècle à 1917, les deux maisons initialement occupées par les pélerins musulmans africains étaient des prisons - d'un côté les gens condamnés à la prison à vie, de l'autre les condamnés à mort. L'ensemble était appelé "la prison du sang".

Aujourd'hui, on dirait que Bab al-Majles est redevenue une prison, disent les résidents. Ali Jiddah, qui a autour de 65 ans, dit que les résidents ne savent pas s'ils rentreront chez eux à la fin de la journée tant les tensions montent dans la Vieille Ville et que les checkpoints et les mesures de sécurité se déplacent et changent chaque jour. Ils vivent dans la peur d'être tués ou arrêtés, dit-il. Deux enfants de moins de 12 ans ont récemment été assignés à résidence pour avoir jeté des pierres sur des caméras de sécurité nouvellement installées.

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Ali Jiddah, guide à al-Quds (recommandé par ISM-France) quand l'occupation sioniste ne le harcèle pas


Les Afro-Palestiniens sont farouchement impliqués dans la cause nationaliste palestinienne et disent que la police les a identifiés comme groupe-cible. Beaucoup ont fait de la prison. M. Jiddah était membre du Front populaire de libération de la Palestine et il a passé 17 ans dans les prisons israéliennes dans les années 1970-1990.

Une autre membre de la communauté, Fatima Barnawi, fille d'un père nigérian et d'une mère palestinienne, fut la première palestinienne arrêtée sur des accusations de terrorisme. En tant que membre du Fatah, elle a posé une bombe au Théâtre Zion, au centre de Jérusalem, en 1967. La charge n'a pas explosé mais elle a été condamnée à 30 ans de prison et en a fait 10 avant d'être exilée.

"Notre contribution à la lutte nationale palestinienne nous donne un statut spécial parmi les Palestiniens - nous sommes acceptés, très respectés et je n'ai jamais ressenti de discrimination à cause de ma couleur," dit M. Jiddah.

Mais dans une société israélienne glissant à droite - un sondage la semaine dernière a révélé que près de la moitié des citoyens juifs soutiennent l'expulsion de tous les Palestiniens - les immigrants et réfugiés africains sont devenus des cibles pour la rhétorique politique xénophobe et la violence.

En octobre 2015, au début de la dernière vague de violence en Israël et en Cisjordanie occupée qui a fait près de 200 morts Palestiniens et environ 30 Israéliens, un Ethiopien a été abattu et lynché lorsqu'il a été pris par erreur pour un attaquant palestinien. On a relaté d'autres attaques contre des demandeurs d'asile africains non-juifs. Même des Ethiopiens juifs ont manifesté l'année dernière contre la brutalité de la police israélienne.

Dans un tel climat, les Afro-Palestiniens disent qu'ils sont particulièrement vulnérables. "Si vous prenez notre situation côté israélien, les Palestiniens sont opprimés mais en tant qu'Afro-Palestiniens, nous subissons une double oppression : en tant que Palestinien et à cause de notre couleur. Ils nous appellent les "Kushi", ce qui veut dire nègre, ou sambo. Dès qu'il y a des tensions politiques entre les Palestiniens et les Israéliens, les premiers à être touchés par les mesures sont les Afro-Palestiniens," dit M. Jiddah. Les Afro-Palestiniens sont les premiers à perdre leurs boulots dans les commerces gérés par les juifs israéliens, ajoute-t-il.

La majorité de la Vieille Ville arabe et sa principale entrée orientale, la Porte de Damas, sont rapidement devenues un point focal pour les tensions arabo-juives après qu'une attaque au couteau le 3 octobre de l'an dernier dans la Vieille Ville a fait 2 morts et deux blessés côté israéliens. L'attaquant palestinien a été abattu.

Photo
Basel Bassam Sidr, 20 ans, assassiné par l'armée d'occupation à la Porte de Damas le 14 octobre 2015


Depuis octobre, 12 Palestiniens accusés d'attaques ou de tentatives d'attaques contre des Israéliens à la Porte de Damas ont été abattus par les forces israéliennes. Les Palestiniens l'appellent maintenant "la Porte des Martyrs".

La zone marchande autrefois animée est maintenant étrangement calme. Les étals et les boutiques qui bordaient la porte ont été enlevés après que des armes automatiques et des bombes artisanales ont été découvertes, cachées dans des charrettes-étals à proximité le mois dernier. Les Afro-Palestiniens n'étaient pas impliqués dans la cache d'armes.

Il y a maintenant une présence policière lourde. Début mars, 6 officiers de police israéliens étaient de garde à la Porte de Damas, vérifiant les papiers d'identité et questionnant les jeunes palestiniens essentiellement. Les Palestiniens âgés passaient en silence.

La police a multiplié les contrôles, qui comprennent maintenant des fouilles au corps des gens considérés comme suspects - et elle demande parfois aux gens d'enlever des couches de vêtements dans la rue.

Le porte-parole de la police israélienne Micky Rosenfeld a dit que maintenant, jusqu'à 600 policiers des frontières et la police de district de Jérusalem travaillent par roulements dans la Vieille Ville. Il n'a pas précisé combien de policiers supplémentaires ont été déployés, mais on pense qu'il y a des centaines de personnel supplémentaire dans et autour de la Vieille Ville. Le gouvernement israélien a annoncé le déploiement de 1.000 policiers supplémentaires à travers Jérusalem en octobre dernier.

Alors que la petite communauté afro-palestinienne a été particulièrement touchée, l'économie plus large de la Vieille Ville dépend de ses nombreux petits commerces et les difficultés récentes ont été ressenties dans toute la cité arabe.

Khaleb Saheb, président de l'Association des commerçants palestiniens de la Vieille Ville, qui représente 1400 propriétaires de magasins, a dit qu'on estime la chute des revenus entre 65 et 80 pour cent depuis le début de la dernière flambée de violence.

M. Saheb a dû fermer son magasin de vêtements pour hommes lorsque les forces israéliennes ont installé un checkpoint juste devant, bloquant les clients potentiels. Il n'a reçu aucune indemnisation et maintenant lutte pour nourrir sa famille, dit-il.

Les responsables israéliens nient que les mesures de sécurité aient un impact économique sur les Palestiniens. "Je parcours la Vieille Ville tout le temps, et elle fonctionne à plein," a dit M. Rosenfeld.

Les restrictions étouffent aussi la vie sociale de la Vieille Ville. Sheikh Mousa Qous, qui dirige le centre de l'Association africaine, a dit qu'il a été contraint de fermer à cause des restrictions sur les non résidents entrant par les deux checkpoints, qui sont à moins de 100m de distance.

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Un jeune palestinien fouillé par la police du régime d'occupation à la Porte de Damas, le 13 octobre 2015


"Les soldats ont une nouvelle politique de fouilles des Palestiniens d'une manière très humiliante," a-t-il dit. "Cela laisse une empreinte sur les gens - quand ils voient la manière humiliante dont sont traités des femmes et des hommes religieux, en plein milieu des rues, ils décident de ne pas venir dans la Vieille Ville."

Selon M. Qous, l'impact économique du soulèvement en cours est le plus important qu'il ait vu depuis la première Intifada, qui a débuté en 1987.

Mana Subliman dirige un centre communautaire dans la Vieille Ville jusqu'à décembre 2015, lorsqu'il a été obligé de fermer ses portes. "Les restrictions de voyage de l'année passée, mais surtout depuis octobre, ont provoqué l'effondrement progressif du centre," dit-elle. "Pendant la semaine il y a des restrictions au passage des checkpoints - seuls les habitants du quartier sont autorisés à passer, et quelquefois [seulement] les hommes de plus de 50 ans."

Le groupe israélien de défense des droits de l'homme B'Tselem a dit que les restrictions constituent "une punition collective". Il a également condamné la restriction de circulation pour entrer et sortir du Quartier africain.

"Restreindre la liberté de mouvement de tous les Palestiniens à Jérusalem Est, dont la plupart n'ont rien à avoir avec les attaques contre des Israéliens, constitue une punition collective interdite par le droit international," a dit le groupe.

Source : The National

Traduction : MR pour ISM

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