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ISM France - Archives 2001-2021

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Bilin -

Le village palestinien de l’espoir

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Ramallah est fatiguée. Le sentiment qui se dégage ici, au détour des rues, est que les Palestiniens sont las de lutter contre la destruction croissante de leur patrie qui se produit en ce moment pendant que le monde regarde ailleurs. Vous entendez des choses comme, « Notre lutte dure depuis longtemps, et elle ne nous a menés nulle part ». Et les gens demandent comment le monde peut rester inerte alors que les Israéliens annexent toujours davantage de terre. C’est une bonne question.

Le village palestinien de l’espoir


Il y a un village où la flamme de la résistance non violente continue de brûler. La semaine dernière, nous sommes allés à la manifestation hebdomadaire contre le mur d’annexion à Bil’in, où il pénètre profondément dans les terres arables du vieux village palestinien et de la Ligne Verte (la frontière reconnue au niveau international d’Israël-Palestine). Depuis qu’Israël a démarré la construction du mur ici en 2005 (volant environ 60% de la terre du village), les gens de Bil’in ont résisté, avec inventivité et sans violence.

Alors que le sentiment d’impuissance se répand en Palestine occupée, les tactiques réussies de la population de Bil’in donne quelque espoir et inspiration. Abdullah al-Rahman, chef du Comité de résistance populaire à Bil’in, a décrit les différentes tactiques que les villageois ont utilisé pour retarder l’érection d’une nouvelle colonie (appelée « Mattiyahu Ouest » en jargon juridique israélien, pour dire que c’est juste « un quartier » d’une colonie existante).

D’abord, les habitants de Bil’in se sont attachés à leurs oliviers pour empêcher les bulldozers de raser leur terre. Puis une nuit, en vue des colonies, ils ont bâti une maison d’une pièce, de l’autre côté du mur, construction qui est devenu la base d’un défi juridique. La haute cour a rejeté deux fois leur recours avant qu’eux et leur avocat israélien, Michael Sfard, réalisent qu’Israël s’était trompé sur ses propres lois injustes. Généralement, les Israéliens utilisent deux excuses pour l’appropriation de terres : un, la terre n’est pas cultivée, et deux, il y a des menaces à la sécurité. Avec Bil’in, ils ont essayé les deux.

Pour entretenir l’intérêt des médias, essentiels au succès de ses manifestations, le Comité populaire lance de nouvelles initiatives chaque vendredi, dans sa lutte non violente. Le mois dernier, alors que l’hystérie sur la grippe porcine culminait, les habitants de Bil’in ont participé à la manifestation avec des masques, pour dire qu’ils étaient tous porteurs de la grippe de l’occupation depuis des décennies. Lorsque nous y sommes allés vendredi, ils avaient adopté une tactique légèrement moins subtile mais tout aussi créative, avec des ballons remplis de fientes de poulets qu’ils ont jetés à la figure des soldats.

Tandis que les habitants de Bil’in continuent d’adhérer à la non violence, on ne peut pas en dire autant des forces israéliennes de défense (d’occupation, NdT). Le mois dernier, un activiste bien-aimé du village, Bassem Abu Rammah, a été tué par une grenade lacrymogène à haute vélocité, et un jeune de 16 ans à qui nous avons parlé a survécu à une balle réelle à la tête. Il ne fait aucun doute qu’il n’y a pas « erreur » et que lorsque vous tirez une grenade lacrymogène à haute vélocité horizontalement et non en l’air, vous n’avez qu’un seul objectif. Ils ont réussi à assassiner Bassem d’un tir en plein cœur. C’est de là que vient l’idée des fientes de poules. « Ils nous tirent dessus à balles, alors nous répondons avec les excréments de nos animaux, » dit al-Rahman. Lors de la manifestation, ils nous ont lancé des centaines de bombes lacrymogènes, et des balles caoutchouc-acier visaient les enfants jeteurs de pierre.

Cette tactique israélienne de répression dure et violente a un objectif : mettre fin à la résistance palestinienne en instillant la peur.

C’est ce qui s’est produit pendant la Deuxième Intifada, et c’est ce qui se produit aujourd’hui tandis que des poches de résistance se forment contre l’annexion des terres. Et ça marche. Nous avons demandé à notre amie palestinienne si elle voulait venir avec nous vendredi. « Non, » a-t-elle répondu. « Je ne veux pas mourir pour rien. »

Ces derniers mois, depuis la guerre contre Gaza, l’armée israélienne a commencé à utiliser un nouveau cocktail d’armes contre les manifestants de Bil’in, dont des grenades lacrymogènes neurotoxiques plus fortes, des grenades lacrymogènes à haute vélocité et des balles en aluminium qui ont estropié les manifestants. L’armée israélienne a fait aussi sienne la tactique de venir dans le village au milieu de la nuit pour arrêter les membres du Comité populaire, et des enfants de 13 ans, et aussi pour tirer au hasard des grenades assourdissantes et lacrymogènes.

Selon Farhan Burnat, 30 ans, fermier de Bil’in, qui a passé huit mois en prison après que les soldats l’aient arrêté lors d’une manifestation du vendredi, les Israéliens mettent des gamins en prison en Israël et les y laissent pendant quatre à six mois, pour les punir d’avoir participé à la manifestation. « A la prison d’Ofer, environ 25% des prisonniers sont des enfants, » dit-il. « Ces très longues périodes d’emprisonnement retardent considérablement le cursus scolaire de nos enfants. »

Nous sommes allés jusqu’au mur la veille de la manifestation et avons discuté avec Wahid Salaman, 44 ans, fermier de Bil’in, alors qu’il revenait chez lui après le travail. « Notre possibilité d’aller sur nos terres dépend de l’humeur du soldat, » dit-il. « Quelquefois, ils nous font attendre cinq ou six heures. » La terre de Salaman est du « mauvais » côté du mur ; il doit donc passer un checkpoint tous les jours pour aller travailler. Il nous montre un poteau immense, avec une caméra de surveillance au sommet. « Et en plus ils nous observent tout le temps, » dit-il. Les Israéliens assignent à chaque fermier un nombre correspondant à des endroits où il est autorisé à aller travailler.

Ensuite, nous rencontrons un jeune garçon qui traverse le checkpoint avec son troupeau de chèvres. « Je m’occupe des chèvres après l’école pour mes parents, » dit-il. « Le mur prend 60% de nos terres, et en punition de la manifestation, nous ne sommes pas autorisés à travailler les vendredis. » Il dit que ses chèvres se sont blessées aux barbelés à lames du mur.
Comme chacun à Bil’in, il dit que son ami Bassem lui manque. « Je suis très triste, » dit-il, « mais ça ne m’empêchera pas d’aller à la manifestation. Nous sommes assez forts pour continuer à la faire, ils ont tiré sur Bassem parce qu’ici, nous réussissons quelque chose. »

Le comportement brutal de l’armée israélienne pendant la manifestation a poussé un grand nombre de militants du monde entier et d’Israël à descendre à Bil’in tous les vendredis – parce qu’ils savent que l’armée sera moins encline à assassiner à volonté s’ils ont des passeports appartenant à des pays qui lui vendent les fusils.

Lorsque nous y étions vendredi, il y avait un contingent de 15 personnes, syndicalistes, artistes et travailleurs humanitaires du Canada, avec un groupe de jeunes Israéliens. La politique explicite de l’armée est de ne pas tirer à balles réelles lorsque des Israéliens ou des internationaux sont dans le secteur, ce qui vous donne une indication de leur attitude sur le caractère superflu de la vie palestinienne. Cela montre aussi combien il est vital que des brigades d’internationaux et d’Israéliens continuent de se montrer et de protester aux côtés des Palestiniens.

Dans une période sombre pour les Palestiniens, alors qu’ils observent en direct la destruction de tout espoir d’un Etat viable dans le futur, la résistance héroïque et réussie des gens de Bil’in (et leurs semblables tout le long du mur d’annexion) donne une lueur d’espoir, et un modèle de comment lutter contre cette injustice épique avec un mélange de constance, de courage et de créativité.

Source : Guardian

Traduction : MR pour ISM

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