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Palestine 48 - 26 septembre 2014
Par Oudeh Basharat
La Cour suprême israélienne a validé le 17 septembre une loi autorisant les petites localités à refuser l'installation de nouveaux résidents pour des raisons d'"incompatibilité sociale ou culturelle". Il s'agit d'une mesure de discrimination antiarabe, estime le journaliste arabe israélien Oudeh Basharat.
Quand mon fils était petit, j'ai passé une demi-heure à tenter de contourner un terrain miné : lui expliquer le sens de momis [prostituée], un mot d'arabe littéraire qu'il avait lu dans un roman. Avec beaucoup de chutzpah [culot en hébreu], il m'a dit, comme s'il venait de découvrir l'Amérique : "Ça veut dire charmouta [pute en arabe] !"
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En somme, les vénérables juges de la Cour suprême israélienne n'ont nul besoin d'écrire 135 pages d'explication philosophique, comme ils l'ont fait en donnant leur feu vert à la loi sur les comités d'admission [de nouveaux résidents dans les petites localités], pour expliquer que l'Etat d'Israël considère la légitimité du racisme.
C'est tout Israël. Un jour, j'ai rendu visite au poète Taha Muhammad Ali, aujourd'hui décédé. Il me montra un chèque de 6 shekels (1,50 euro) qu'il avait reçu d'Israël Electric Corporation [principal fournisseur d'électricité] à la suite d'un trop-perçu. Avec son sens de l'humour unique, il m'a dit : "Voilà un pays qui suit scrupuleusement la loi. Ils volent tout un territoire sans demander la permission, mais ils vous remboursent 6 shekels sans faute."
Une bande de racistes
Mais il avait tort. Après tout, Saffouriyya, le village [arabe en Galilée] d'où il a été déraciné, est passé sous contrôle juif dans le cadre de la loi sur la propriété des absents [utilisée pour saisir les terres des Palestiniens qui avaient été forcés de les quitter], qui reste une page sombre dans l'histoire de la civilisation.
Cette loi, j'ai beau avoir grandi avec et y avoir été confronté quand on m'a interdit l'accès aux terres de mes parents, elle ne passe pas, je n'arrive pas à la digérer. Et voici maintenant la loi sur les comités d'admission : après avoir été chassés de leurs terres en toute légalité, les Arabes qui cherchent un endroit où vivre se font envoyer paître tout aussi légalement.
J'aimerais signaler que, même si l'on m'offrait une grande maison dans l'un de ces quartiers [juifs des petites localités], je refuserais d'y emménager. Après tout, comment pourrais-je accepter de vivre entouré d'une bande de racistes qui rejetteront très certainement tout Arabe souhaitant s'y installer ? Ils pourraient bien aussi rejeter toute personne qui ne leur ressemble pas.
Surpopulation
Ce qui me met hors de moi, c'est qu'on présente les Arabes comme des gens avides de profiter d'une société riche et cultivée, des gens qui fuient des villages primitifs ravagés par les conflits familiaux et la violence, pour emménager dans le paradis créé par l'homme blanc. Tout ça est absurde.
La plupart des maux qui touchent les villages arabes résultent directement de leur horrible surpopulation. Ainsi, dans le village arabe de Yafia, les gens se battent pour une place de parking, tandis qu'il y en a en quantité dans [la ville juive] de Nazareth (la haute).
Nous qui possédions cette terre les premiers sommes maintenant considérés comme les mendiants aux portes de la ville. Les Arabes d'aujourd'hui partagent le sentiment du poète arabe de jadis : "Comme les chameaux dans le désert... tués par la soif... et portant l'eau de la vie".
Quartiers partagés
Voilà ce que ressentent les Arabes en passant près de Malul, de Saffouriyya ou d'Umm Al-Zinat [anciens villages arabes vidés et repeuplés par une population juive israélienne]. Leurs parents y possédaient beaucoup de terres, mais ils vivent maintenant "comme des cafards drogués dans une bouteille", pour reprendre les termes du général [israélien] Rafael Eitan.
Voici donc ma proposition : rendez-nous nos terres, laissez-nous construire de nouveaux quartiers qui correspondent à notre mode de vie, à notre idée de l'hospitalité, avec des jardins, de la vigne, des pruniers et des oliviers, entourés d'une bonne vieille clôture rustique, et je vous promets que nous garderons nos distances. Je travaillerai même à créer des quartiers partagés pour les membres des deux nations.
Rassurez-vous, la décision de la Cour suprême ne va pas empêcher les Arabes de dormir. D'abord parce que les Arabes n'attendent rien de cette Cour. Mais aussi et surtout parce que les Arabes ne veulent pas vraiment vivre dans ces quartiers, de toute façon. Toute personne qui est obligée d'y emménager le fait parce qu'elle n'a pas d'autre choix, pas parce qu'elle en a envie. Qui aime les racistes, après tout ?
Article paru en anglais dans l'édition pour les abonnés du Ha'aretz sous le titre : "To those who reject Israëli Arabs: We don't want to live among you anyway" [A ceux qui rejettent les Arabes israéliens : nous ne voulons pas vivre parmi vous de toute façon] (note ISM-France).
Source : Courrier International
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