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Jérusalem - 9 juin 2011
Par B'Tselem
"Leaving in East Jerusalem - a video interactive", The Guardian, 8 juin 2011.
Dans ce projet innovant, B'Tselem et le Guardian ont donné à quatre Palestiniens et à deux Israéliens des caméras pour qu'ils filment des chroniques-vidéos de leurs vies à Jérusalem Est occupée, à l'ombre de l'entreprise coloniale. Ces reportages donnent un aperçu de l'impact de la réalité explosive sur leurs vies. C'est l'un des aspects du projet-vidéo de B'Tselem, par lequel l'organisation a remis à quelques 200 familles palestiniennes des caméras pour qu'elles documentent les violations de leurs droits.
Qu'est-ce qu'est Jérusalem Est ?
Le secteur connu actuellement comme Jérusalem Est a été circonscrit en 1967, quand Israël a occupé la Cisjordanie et en a annexé quelques 70km² à Jérusalem Ouest. Israël a appliqué à Jérusalem Est le droit israélien, tandis que le reste de la Cisjordanie est resté sous occupation militaire. Pourtant, l'application du droit israélien dans le secteur est partial et discriminatoire : les environ 270.000 Palestiniens qui vivent à Jérusalem Est ne sont détenteurs que d'un statut de "résident permanent" israélien qui peut être facilement révoqué, contrairement au statut de citoyen qu'ont les Israéliens dans toute la ville. De plus, la municipalité de Jérusalem néglige gravement l'infrastructure à Jérusalem Est, impose aux Palestiniens des restrictions d'urbanisme sévères et n'alloue pas les ressources adéquates au secteur. La communauté internationale ne reconnaît pas l'annexion unilatérale de Jérusalem Est, qu'elle considère comme un territoire occupé, comme le reste de la Cisjordanie .
Les colonies à Jérusalem Est
Israël a bâti 12 vastes colonies sur la terre annexée à Jérusalem Ouest, s'appropriant la terre des Palestiniens. Quelques 200.000 Israéliens y vivent maintenant, et de nombreux Israéliens les considèrent comme des quartiers légitimes de Jérusalem, bien qu'elles soient illégales selon le droit international. De plus, des organisations de colons fondamentalistes, soutenues par l'Etat, travaillent systématiquement à créer des enclaves israéliennes à l'intérieur des quartiers palestiniens, dans le but de garder la main-mise sur ces zones dans de futures négociations. Ces enclaves sont maintenant peuplées d'environ 2.000 Israéliens ; elles ont été créées dans le quartier musulman de la Vieille Ville, à Silwan, Ras al-Amud, A-Tur, Abu Dis, et Sheikh Jarrah, entre autres, et provoquent des frictions violentes et une tension constante dans ces quartiers.
La barrière de séparation
En 2002, en réponse à une série d'attaques de Palestiniens à l'intérieur d'Israël, le gouvernement a décidé d'ériger une barrière physique, prétendument pour empêcher d'éventuels attaquants d'entrer en Israël. Cependant, 85% du tracé de la barrière entre profondément à l'intérieur de la Cisjordanie , annexant de facto à Israël de grands pans de terre et une soixantaine de colonies. Dans le secteur de Jérusalem, le mur de béton de 9m de haut coupe de nombreuses communautés rurales palestiniennes de leur centre de vie dans la cité et d'autres quartiers palestiniens, et quelquefois les partage même en deux. Il restreint le mouvement de quelques 250.000 Palestiniens, impactant leurs droit à l'enseignement, au traitement médical, à un niveau de vie satisfaisant et à une vie de famille durable.
THAER QIRRESH
14 ans, Palestinien du quartier musulman dans la Vieille Ville de Jérusalem.
La vidéo de Thaer
Quelle est son histoire ?
Thaer se sert de la caméra pour documenter la vie de sa famille nucléaire depuis qu'un organisme colonial s'est emparé de l'immeuble où la famille élargie était locataire depuis les années 1930. L'organisme a acheté l'immeuble à ses propriétaires palestiniens il y a 20 ans, mais le droit de la famille élargie à continuer à y vivre en tant que "locataires protégés" est toujours contesté devant un tribunal. En juillet 2010, avant que le tribunal ait rendu son verdict sur l'affaire, des colons se sont emparés de tous les appartements de l'immeuble, sauf celui où vivent Thaer, ses parents et ses frères et sœurs.
Enclaves coloniales
A Jérusalem Est, les enclaves coloniales encerclent le bassin de la Vieille Ville au sud, à l'est et au nord, et certaines d'entre elles sont positionnées sur les routes principales qui mènent à la Vieille Ville, permettant le contrôle de mouvement le long de ces routes. Des enclaves coloniales ont été également établies dans les quartiers musulman et chrétien de la Vieille Ville, dans l'objectif d'entourer le Mont du Temple.
Ces enclaves enfreignent le droit des Palestiniens locaux à la liberté de circulation, à la vie privée et à la sécurité. Les gardes de sécurité des colons intimident les résidents et limitent leurs mouvements près des enclaves, même ceux des enfants qui veulent jouer près de leurs maisons. Dans des immeubles dans lesquels des colons vivent à côté des Palestiniens, la mobilité des Palestiniens est également restreinte à l'intérieur même des immeubles. De plus, la police fait de la discrimination contre les Palestiniens. Lorsque des frictions se produisent entre les deux populations, elle ne protège que les droits des colons.
'ABD AL-FATAH 'ABED RABU
51 ans, fermier palestinien de al-Walajah, au sud-ouest de Jérusalem
La vidéo d'Abd al-Fatah
Quelle est son histoire ?
‘Abd al-Fatah, Palestinien de 51 ans, est né et a grandi dans le camp de réfugiés Dheishe, mais sa famille est originaire de al-Walajah - village de Cisjordanie qui a été annexé, en partie, aux limites municipales de Jérusalem après la guerre de 1967. La famille y a toujours un peu de terre. Il y a dix-sept ans, après que des entrepreneurs aient commencé à s'intéresser à la terre, ‘Abd al-Fatah a décidé d'aller y vivre, pour en revendiquer physiquement la propriété. Il vit maintenant sur la terre, dans une ancienne grotte cananéenne, de quelques cultures et de l'hébergement d'amis palestiniens, israéliens et internationaux, ainsi que de son activité dans l'initiative de paix All Nation's Café.
Récemment, le projet a été publié de construire une nouvelle colonie dans le secteur qui inclut sa terre. Pendant la même période, ‘Abd al-Fatah a été accusé de construction illégale d'une remise, d'un poulailler et de toilettes près de la grotte, et l'affaire est maintenant devant les tribunaux.
Pourquoi 'Abd al-Fatah fait-il tout ce chemin à pied ?
Dans le film, on voit 'Abd al-Fatah allant à Jérusalem pour une discussion judiciaire sur son affaire. Il a interdiction de prendre la route directe et rapide pour Jérusalem qui passe près de chez lui, et qui lui prendrait environ une demie-heure. Il doit d'abord, par avance, aller au Bureau de Liaison et demander un permis. Ensuite, le jour de son rendez-vous, il doit prendre un chemin de terre jusqu'à la ville de Beit Jala, puis un taxi jusqu'au checkpoint de Bethléhem, la seule entrée sud à Jérusalem pour les Palestiniens, et prendre un autre taxi jusqu'au tribunal. Le trajet dure trois heures, à l'aller comme au retour.
Quel problème pose la barrière de séparation ?
En 2010, Israël a entamé la construction du mur autour de al-Walajah. Le tracé prévu encerclera la zone construite du village, coupant les villageois de la plupart de leurs terres agricoles, des pâturages et de la route qui mène à Jérusalem, et ne leur laissera que le seul chemin de terre qui va à Beit Jala.
ZUHEIR AL-RAJABI
40 ans, Palestinien du village de Silwan, au sud de la Vieille Ville de Jérusalem
La vidéo de Zuheir
Quelle est son histoire ?
Des colons se sont emparés de deux immeubles dans la rue de Zuheir, au coeur de Silwan, un quartier palestinien densément peuplé. Leur présence donne lieu à des conflits quotidiens avec les résidents locaux déjà étouffés par la politique municipale de Jérusalem faite d'ordres de démolition, de restrictions d'urbanisme et d'un grave manque d'entretien. Zuheir a décidé d'installer des caméras de vidéosurveillance autour de sa maison pour documenter les affrontements fréquents entre les Palestiniens, les colons israéliens et les forces de sécurité.
Pourquoi Silwan est-il si important ?
Comme tant d'autres endroits de Jérusalem Est et Ouest, le village de Silwan est situé sur un site religieusement et historiquement important. Selon la Bible, cette vallée serait le lieu même que le Roi David aurait arpenté il y a quelques 3000 ans. Malheureusement, les riches découvertes archéologiques sont utilisées comme outil politique pour chasser les Palestiniens. C'est exactement ce que Yonathan Mizrahi s'efforce de dénoncer (voir plus bas).
Des émeutes éclatent à Silwan
Le 22 septembre 2010, des Palestiniens ont jeté des pierres sur un garde de sécurité des colons conduisant dans la rue principale de Silwan. Le garde a tiré et a tué Samer Sarhan. Selon les médias, le garde a dit qu'il avait craint pour sa vie parce que sa voie de sortie avait été bloquée. Les caméras de Zuheir ont jeté le doute sur cette allégation : dans la vidéo diffusée sur une chaîne d'informations israélienne importante, on peut voir le garde quittant les lieux rapidement, la voie libre. La police a ouvert une enquête sur le meurtre et a confisqué l'ordinateur de Zuheir, ainsi que toutes les vidéos, sans explication. Les semaines qui ont suivi ont vu des émeutes à Silwan et la violence des gardes de sécurité israéliens.
MUNA ET MOHAMMAD AL-QURD
12 ans, jumeaux palestiniens de Sheikh Jarrah, Jérusalem Est
La vidéo de Muna et Mohammad
Quelle est leur histoire ?
Sheikh Jarrah est un quartier palestinien où a vécu, avant 1948, une très petite communauté juive. Le gouvernement jordanien, qui en avait le contrôle jusqu'en 1967, y a installé 28 familles de réfugiés palestiniens qui vivaient avant 1948 dans ce qui est maintenant Israël. récemment, des organisations de colons fondamentalistes ont gagné un procès en reconnaissance de propriété de plusieurs parcelles devant un tribunal israélien. Plusieurs des familles ont été expulsées de tout ou partie de leurs maisons, et les colons ont pris leur place dans ce qui représente une démarche déclarée de judaïsation du secteur.
Qu'est-il arrivé à la famille des jumeaux ?
Des colons se sont emparés de la partie avant de la maison de la famille al-Qurd, et la famille continue de vivre dans la partie arrière. L'ironie abonde, puisque la partie avant a été déclarée "extension illégale" par la municipalité de Jérusalem, qui n'a pourtant pas hésité à approuver le déménagement des colons dans cette partie. D'autres familles ont été jetées à la rue. Des activistes palestiniens, internationaux et israéliens, et parmi eux Sara Benninga (voir plus bas), ont initié un mouvement de solidarité croissant et manifestent dans le quartier toutes les semaines pour dénoncer l'injustice d'Israël qui accepte les revendications de propriété d'avant 1948 des Juifs, mais pas celles des Palestiniens.
YONATHAN MIZRAHI
39 ans, archéologue juif israélien, vit à Jérusalem Ouest
La vidéo de Yonathan
Quelle est son histoire ?
Yonathan a cessé de travailler pour l'Autorité du Patrimoine israélien lorsqu'il a réalisé que la science qu'il aime était utilisée pour glorifier l'histoire juive dans le secteur tout en minimisant le rôle des autres strates historiques. Après avoir quitté le service public, il a créé Emek Shaveh qui organise des visites guidées alternatives sur un site de fouilles particulièrement important : le village palestinien de Silwan, où vit Zuheir al-Rajabi.
Pourquoi Silwan est-il si important ?
Comme tant d'autres endroits de Jérusalem Est et Ouest, le village de Silwan est situé sur un site religieusement et historiquement important. Selon la Bible, cette vallée serait le lieu même que le Roi David aurait arpenté il y a quelques 3000 ans. Malheureusement, les riches découvertes archéologiques sont utilisées comme outil politique pour chasser les Palestiniens.
Quel est l'objectif de Yonathan ?
Il emmène les gens faire des visites pour dénoncer ce qui se cache derrière l'attraction touriste ostensiblement culturelle appelée "La Cité de David", qui est gérée par l'organisation coloniale Elad. En fait, ces organismes ont investi des sommes énormes dans cet entreprise, et d'autres autour de la Vieille Ville, pour contrecarrer la division de la ville dans tout futur accord de paix. La municipalité de Jérusalem est en train de créer un parc archéologique sur un site adjacent à la zone contrôlée par l'organisation Elad, et a annoncé qu'elle projetait de démolir des dizaines de maisons à Silwan, soi-disant parce qu'elles sont situées sur un site prévu pour un parc national et parce qu'elles ont été construites illégalement.
SARA BENNINGA
27 ans, activiste juive israélienne du Mouvement Sheikh Jarrah Solidarity
La vidéo de Sara
Quelle est son histoire ?
Sarah est l'une des responsables du mouvement non violent collectif d'activistes israéliens, palestiniens et internationaux qui protestent contre l'entreprise coloniale dans le quartier de Sheikh Jarrah, à Jérusalem Est. Elevée dans une famille traditionnelle qui vit à Jérusalem Ouest, Sara a fait ses études dans une école religieuse. Elle étudie et enseigne les Beaux-Arts et écrit une thèse sur le sujet.
Pour quoi Sara se bat-elle ?
Des colons se sont emparés plusieurs maisons dans le quartier palestinien de Sheikh Jarrah, parmi elles une partie de la maison de Muna et Muhammad al-Qurd (voir plus haut). Beaucoup pensent que c'est une injustice particulièrement criante car ces familles descendent de Palestiniens qui sont devenus des réfugiés après 1948, et ont été installées dans le quartier par le gouvernement jordanien. Les revendications de propriété des parcelles par les colons remontent à l'époque Ottomane et ont été acceptées par la cour suprême israélienne. Cependant, les revendications de propriété de la terre à l'intérieur de l'Israël d'avant 1948 par les Palestiniens ne sont pas possibles selon le droit israélien. Le mouvement de solidarité a réussi à attirer l'attention du public sur cette injustice et son but est de réinstaller les familles dans leurs maisons.
Source : B'Tselem
Traduction : MR pour ISM
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