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Jérusalem - 17 janvier 2016
Par ISM
Jeudi 7 janvier, des militants d'ISM sont allés rendre visite à Kifaya Rishek, une veuve qui vit à Beit Hanina, à l'est de Jérusalem occupée, et qui attend que sa maison soit démolie. Mais Kifaya n'est pas seule, elle vit dans cette maison avec ses 5 enfants et ses 16 petits-enfants, dont Malak, 11 ans, qui est handicapée. Leur situation financière est très précaire : Murad et Ashraf, qui ont 4 enfants chacun, s'occupent de l'entretien ménager du Cinéma City. Sharif a 5 enfants, et est vendeur de jouets dans un magasin. Mohannad a un enfant et travaille dans la construction, mais son salaire n'est pas régulier puisqu'il ne travaille que lorsque l'entreprise l'appelle. Faiza, la fille de Kifaya, est divorcée et elle vit aussi ici avec ses 2 enfants. Ces 5 familles seront bientôt sans abri.
L'ami Nuredin Amro et son fils fils, Abedkarim, sont assis à gauche. Sept des enfants qui vivent dans la maison sont, de gauche à droite : Mira, Mayaan, Ahmad, Yara. Au-dessus, Fajer. Assis sur le sol, Mohammad and Badar.
En 2012, la municipalité israélienne de Jérusalem est venue dire à Kifaya qu'ils envisageait de construire une route qui passerait sur le terrain sur lequel elle habite et qu'ils ne démoliraient que la cuisine extérieure, sur la terrasse. Depuis, les autorités d'occupation ont modifié leurs projets et ont décidé de démolir toute la maison.
Kifaya a saisi la cour, dans l'intention que l'avocat convainque la municipalité de modifier le trajet de la route de manière à ce qu'elle passe par un autre terrain qui appartient à la famille de Kifaya et à une autre famille, les Zaloum. Elle a assisté aux audiences mais elles se déroulaient toujours en hébreu, qu'elle ne comprend pas. Au final, elle a perdu son procès devant la Haute Cour et elle et sa famille n'ont pas d'autre recours selon le système juridique sous contrôle israélien. Pourtant la maison et le terrain leur appartiennent, toutes les factures sont payées, y compris les taxes mensuelles.
La décision de la cour et des autorités israéliennes sont la preuve qu'en réalité, l'intention qui sous-tend la démolition de la maison de Kifaya fait partie du projet sioniste bien plus large de nettoyer ethniquement les Palestiniens qui vivent à Jérusalem et d'en faire des réfugiés à l'intérieur de la Cisjordanie occupée.
L'ordre de démolition est entré en vigueur depuis une semaine, ce qui veut dire que la famille vit dans sa maison et s'attend tous les jours à ce que les ouvriers arrivent avec le bulldozer.
Ce genre de punition collective rend la vie des Palestiniens épouvantable car ils sont en permanence anxieux, tristes et dans l'incertitude absolue de quand ils perdront leur maison, parce qu'Israël ne donne aucune avis préalable sur la date de l'arrivée du bulldozer. La démolition peut intervenir n'importe quand, peut-être dans une semaine, un mois ou un an. Et la famille ne perdra pas seulement sa maison, puisque le projet est la construction d'une route, elle perdra également son terrain. Contrairement à d'autres familles qui, après la démolition, peuvent reconstruire une maison sur le même terrain, la famille Rishek sera expropriée.
La salle de séjour de Kifaya
Les instituteurs des enfants constatent des signes de détresse. Ils ont dit aux parents qu'ils n'arrivent pas à se concentrer et que leurs résultats scolaires sont en baisse. Malak dit, "Quand je pars à l'école, j'ai peur de ne pas retrouver la maison quand je reviens le soir."
Mais l'ampleur de cette perte va bien au-delà de la perte de leur maison et de leur terre. Parce que la famille est très pauvre, elle ne peut pas se permettre de déménager dans un autre quartier à l'intérieur de Jérusalem ; ils seront par conséquent obligés d'aller s'installer en Cisjordanie , et de devenir ainsi des réfugiés. Lorsque la famille aura quitté Jérusalem, ses membres perdront leurs cartes d'identité de Jérusalem, l'école des enfants, ainsi que tous leurs avantages sociaux (selon le règlement de la municipalité de Jérusalem), la pension de veuve, l'assurance maladie et l'assurance spéciale invalidité et le programme de thérapie de Malak. Les hommes perdront leurs emploi car ils ne pourront pas se déplacer sur de longues distances et passer les checkpoints pour se rendre à leur emploi actuel. Les enfants sont scolarisés dans le camp de réfugiés de Shuafat. Si la famille déménage en Cisjordanie , ils devront trouver une nouvelle école. Ils vont perdre tous leurs copains et probablement l'année scolaire aussi. Le programme de physiothérapie de Malak, qui est pris en charge par l'assurance à l'hôpital Alyn, devra également être abandonné et ses parents craignent de ne pas pouvoir payer un autre programme de thérapie en Cisjordanie .
Malak, 11 ans, a une jambe handicapée. Elle suit un traitement à l'hôpital pédiatrique Alyn, à Jérusalem
Dans une situation qui produit de tels niveaux d'anxiété et le sentiment de n'avoir aucun contrôle sur sa propre vie, Kifaya a pris l'habitude de rassembler toutes ses affaires importantes et de les remettre à leur place. La famille n'a aucune idée du lieu où elle ira vivre ensuite.
Dans un second entretien, nous avons rendu visite à Rajeh et Nadia Hawareen (photo ci-dessous), les voisins qui vivent la porte à côté et qui sont exactement dans la même situation. La route passera aussi au bout de leur terrain, et la démolition de cette maison sera la deuxième punition collective que subiront Rajeh et Nadia.
Le couple vit dans la maison avec ses 4 enfants. 2 d'entre eux sont fiancés et projettent de se marier en août de l'an prochain, mais vivre avec ce genre de menace ne leur permet pas de planifier leurs mariages de façon normale.
Rajeh explique combien ils souffrent de la même détresse psychologique que la famille de Kifaya. Leurs économies ont servi à payer les avocats, les ingénieurs et les professionnels pour trouver un moyen d'empêcher la démolition. Mais exactement comme Kifaya, ils ont perdu leur procès.
"C'est notre terre. Ils peuvent tuer notre peuple, mais nous resterons. Nous ne la quitterons jamais," affirme Rajeh. "Quand vous préparez votre maison, vous préparez vos rêves. Et Israël la détruit. J'ai 50 ans, et je n'ai pas à nouveau 50 ans pour reconstruire ma vie. C'est très stressant, en particulier pour mon épouse."
Rajeh explique aussi comment la situation à l'intérieur du tribunal est absolument inéquitable. Les Palestiniens n'ont pas le droit de parler et les audiences ont lieu en hébreu. La loi est bien sûr différente pour les Palestiniens et les Israéliens. Israël a aussi adopté des lois spéciales pour les Palestiniens qui vivent à Jérusalem, de manière à les expulser.
Les bulldozers en action sur le terrain voisin. Ils arriveront tôt ou tard au seuils des maisons des familles.
"J'en ai assez de 60 ans de documentation par les organisations internationales," continue Rajeh. "Nous perdons notre dignité, ils nous traitent moins bien que des animaux. Nous perdons tout, on nous jette à la rue. C'est pour ça que je n'aime pas les organisations internationales, les établissement ou les institutions, parce qu'ils reçoivent les ordres des gouvernements."
"65 ans de rédaction de rapports, et personne n'écoute, personne ne veut entendre. J'ai fait des milliers de documents pour les Nations-Unies et OCHA à New-York, mais personne ne fait quoi que ce soit. Il n'y a aucun résultat. Nous avons besoin de réponses, même si ces réponses sont négatives, pour savoir à quoi nous attendre. Les gouvernements sont hypocrites. Ils ne s'intéressent qu'à leurs relations et leurs bénéfices mutuels. Ils se fichent des questions humanitaires, des peuples opprimés. Les hommes politiques sont sans pitié."
"Mais nous n'abandonnerons jamais. Nous croyons qu'un jour, ils nous entendront."
Source : Palsolidarity
Traduction : MR pour ISM
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