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ISM France - Archives 2001-2021

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Grande Bretagne -

Ce salaud de Balfour et son sale legs

Par

Rauymond Deane est membre du conseil d’administration de la Campagne irlandaise de solidarité avec la Palestine (Ireland Palestine Solidarity Campaign)

En 1919, deux ans après son infâme Déclaration offrant aux juifs d’Europe un 'foyer national" en Palestine, le Secrétaire aux Affaires étrangères britannique Arthur Balfour affirmait que "le sionisme, que cela soit juste ou injuste, que cela soit bon ou mauvais, est enraciné dans une tradition ancestrale, dans des besoins actuels, dans des espoirs futurs, bien plus importants que les désirs et les préjugés des 700 000 Arabes qui habitent actuellement cet antique pays…"

Près de quatre-vingt dix ans après, l’Occident soutient inconditionnellement l’Etat israélien hors-la-loi qui a émergé des machinations de Balfour, tout en ignorant royalement "les désirs et les préjugés" de l’entièreté du monde islamique.

Cette position intrinsèquement raciste nie à tout bout de champ l’image dans laquelle l’Occident se complaît lui-même, de havre de la démocratie, des droits de l’homme et du pluralisme.

A son tour, cette négation est une des raisons majeures pour lesquelles la Palestine reste la question la plus brûlante au monde, et aussi pour lesquelles la résolution de cette question est une condition sine qua non de la solution d’autres conflits, dans le monde entier. C’est aussi pourquoi les rengorgements moraux de l’Occident continueront à sonner creux, aussi longtemps qu’il ne fera rien pour faciliter cette solution.


La décision qu’a prise l’Union européenne de suspendre tout financement au gouvernement palestinien fait définitivement un sort à l’illusion selon laquelle l’Europe, par opposition aux Etats-Unis, serait un partisan humain du "pouvoir soft".
Le but est de punir les Palestiniens pour avoir élu le Hamas, au cours de ce qui fut la première élection législative démocratique exemplaire dans le monde arabe, et afin de les réduire à la famine jusqu’à ce qu’ils remettent leur choix en question.


Il y a un précédent : l’annulation des élections en Algérie, en 1991, dès lors qu’il était évident que le Front Islamique du Salut était sur le point de remporter une victoire décisive. Ce coup d’état fut acclamé en Occident, et la dictature militaire et les plus de cent mille morts qui s’ensuivirent furent estimées un prix modique à acquitter pour exclure les islamistes du pouvoir.

Déjà, avec l’intensification des bombardements israéliens sur la bande de Gaza, et les victimes civiles qui s’ensuivent (largement ignorées par les médias), et avec le dernier attentat suicide à Tel Aviv (lourdement couvert par les médias), nous avons assisté à l’inauguration d’un nouveau cycle de massacres que, bien entendu, nos gouvernements européens considèrent le prix modique à payer pour le maintien de l’intransigeance israélienne et pour sa dissuasion contre les velléités démocratiques des Palestiniens.


Autre précédent : la campagne massive et illégale de chantage par laquelle les Etats-Unis contraignirent le peuple nicaraguayen à voter pour Violeta Chamorro, lors des élections de 1990.

Les Nicaraguayens, disciplinés et obéissants, ayant jeté le gouvernement sandiniste qui avait succédé au dictateur Somoza soutenu par les Américains, onze ans plus tôt, le résultat de cette élection fut saluée par les Américains comme le rejet du socialisme plutôt centriste des Sandinistes, plutôt que qu’une dernière tentative désespérée de se défendre contre la brutalité et la famine imposées par la Contra [la contre-révolution, opposée aux Sandinistes].

A l’époque, on avait assisté, dans les capitales occidentales, à beaucoup de désapprobation et de moues dégoûtées ; aujourd’hui, toutefois, dès lors que ce sont "les désirs et les préjugés" de simples Palestiniens qui sont en jeu, les Européens et les Américains se retrouvent du même côté !

Voilà qui expose en pleine lumière la nature symbiotique de la relation proverbiale "bon flic / mauvais flic" entre l’Union européenne et les Etats-Unis, en particulier au Moyen-Orient, et fait un sort aux fantasmagories qui continuent à flotter, de-ci, de-là, selon lesquelles la politique étrangère de l’Union européenne serait indépendante de celle de l’hégémonie globalisée !

On rappellera que les "crimes" du Hamas : son refus de « reconnaître » l’Etat d’Israël ; son refus de se plier aux accords signés par des régimes palestiniens précédents, depuis les accords d’Oslo, de 1993, comme l’ainsi dite "feuille de route" et son refus de rejeter la violence (bien qu’il observe une trêve unilatérale depuis au moins un an !).

Le fait que l’Etat d’Israël n’ait jamais reconnu le droit du peuple palestinien à l’autodétermination, le fait qu’il ne connaisse d’autre loi que celles qu’ils adopte lui-même afin de légitimer ses propres crimes (cercle vicieux cynique, qui mériterait une étude plus approfondie), qu’il n’ait jamais respecté les accord d’Oslo et le fait qu’il n’ait jamais entériné la feuille de route : tous ces facteurs n’ont pas, jusqu’ici, incité les gouvernements occidentaux à restreindre le soutien qu’ils lui apportent, ni à le couvrir de couronnes de fleurs au motif qu’il s’agirait de "la seule démocratie au Moyen-Orient".


L’Allemagne, le plus grand et plus puissant des pays de l’Union européenne, se vante du fait que sa démocratie est fondée sur la reconnaissance totale de crimes perpétrés contre les juifs, dans le passé. Elle offre son "soutien inconditionnel" à l’Etat d’Israël, alors qu’elle est débitrice envers le peuple juif, et non envers un Etat qui n’existait pas à l’époque du nazisme.

De fait, l’Allemagne s’est contentée de transférer le fardeau de sa repentance sur les Palestiniens, faisant derechef d’un peuple sémite ses boucs émissaires, et échouant pitoyablement à faire face à ses propres responsabilités.

Une fois encore, la Palestine démasque la vacuité des prétentions européennes, et révèle que ses vieilles habitudes de victimiser autrui sont coriaces.


Israël jouit de privilèges commerciaux en vertu de l’Accord d’Association Euro-Méditerranéen, qui sont conditionnés à son respect d’une clause stipulant le respect des droits de l’homme.

Le Parlement européen a voté, à deux reprises, la suspension de cet Accord, en raison des violations de cette clause conditionnelle par Israël, et néanmoins ce vote a été ignoré, les deux fois.

L’Avis consultatif de la Cour Internationale de Justice, rendu en juillet 2004, demandant à Israël de démanteler sa Muraille de Séparation et exhortant tous les autres pays "à ne pas reconnaître la situation illégale créée par la construction de cette Muraille, et à ne pas participer, ni assister, à la pérennisation de la situation créée par cette construction" a, lui aussi, été ignoré par l’Union européenne.


Si ni le Parlement européen, ni les plus hautes instances juridiques mondiales ne sont en mesure d’inciter l’Union européenne à ralentir quelque peu le soutien qu’elle apporte aux crimes de l’Etat d’Israël, si son allégeance envers les Etats-Unis peut fouler au pieds le respect pour le choix démocratique du malheureux peuple palestinien et pour l’opinion publique européenne (un sondage commandé en 2003 par la Commission européenne ayant révélé que 59 % des Européens considéraient qu’Israël représentait la plus grande menace pour la paix mondiale), alors que devons-nous en conclure, en ce qui concerne le respect de la démocratie par l’Union européenne ?


Récemment, un défilé de vieux matériel militaire est passé devant la Grande Poste de Dublin [cette Grande Poste avait été la dernière poche de résistance des révolutionnaires irlandais, en 1916], marquant la célébration du quatre-vingt-dixième anniversaire de l’Insurrection qui amena notre pays à l’indépendance et à la souveraineté.

Le débat suscité par cette extravagance de mauvais goût ayant révélé une nation rancunière et déchirée par l’interprétation de sa propre histoire récente, il s’avère que s’il est un sujet sur lequel les citoyens et les parlementaires irlandais de tout poil sont unis, c’est bien la Palestine.

Il y a eu des discours étonnant, dans les commissions du Dail [le Parlement irlandais], au cours desquels les députés Fianna Fail, Fine Gael et même Démocrates Progressistes [trois partis de droite, classés de plus en plus à droite] étaient unis pour défendre mordicus le droit des Palestiniens à élire qui bon leur semble et rejetant l’idée de les punir en raison de leur choix.

Néanmoins, c’est précisément le type d’action dans laquelle l’Union européenne s’est embarquée, avec l’accord scandaleux de notre gouvernement.


Une fois de plus, la question de Palestine, plus que tout autre, a représenté la ligne de faille qui met en pleine lumière notre prétendue souveraineté, la vacuité de notre démocratie et notre asservissement total – en tant qu’Européens et que citoyens irlandais – à l’hégémonie d’Outre-Atlantique.

Arthur Balfour, baptisé "ce salaud de Balfour" en raison de son opposition impitoyable à l’indépendance de l’Irlande, nous a laissé un héritage honteux. Il est grand temps de signifier à notre gouvernement qu’il n’a reçu nul mandat pour participer à la gestion dudit héritage.

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