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ISM France - Archives 2001-2021

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France -

Entretien avec Youssef Girard : "L’islamophobie est une idéologie hégémonique en France"

Par

Entretien avec Echourouk en décembre 2011. L'article n'est plus accessible sur ce site, mais on peut le retrouver, en arabe, sur le site du Centre d'Etudes Assala.

Youssef Girard a grandi dans une famille « de gauche » avant de se convertir à l’islam à l’âge de dix-huit ans. Il a entamé une recherche historique et il a découvert la propagande mensongère de la politique française. De même, il met en avant le racisme occidental qui cherche à réduire le monde entier à son histoire spécifique. Youssef Girard a soutenu une thèse de doctorat en histoire sur le mouvement nationaliste algérien. Dans cette interview, il explique sa conversion à l’islam et dénonce les mensonges derrière lesquels se retranche l’Occident notamment la France où les droits des autres peuples sont niés. Il affirme que la France n’est pas prête à reconnaitre la liberté religieuse et la pluralité culturelle qu’elle brandit uniquement comme un slogan. Youssef Girard explique les moyens mis en œuvre pour écarter les musulmans de la vie sociale et politique et les pressions exercées quotidiennement sur eux en France.

Entretien avec Youssef Girard  : 'L’islamophobie est une idéologie hégémonique en France'

France, 2011 : manifestation contre l'islamophobie
Comment vous-êtes vous converti à l’islam ?

J’ai grandi dans un « quartier populaire » de la banlieue parisienne dans lequel vivaient des gens d’origines diverses notamment des Africains et des Maghrébins. J’avais des relations amicales avec des jeunes de ces communautés. Rares étaient ceux qui étaient des musulmans pratiquants. La plupart se contentait de jeûner durant le mois de ramadan. A la fin de l’adolescence, avec un groupe d’amis, nous avons commencé à chercher notre voie. Ainsi, j’ai découvert l’islam et j’y ai adhéré comme l’ont fait d’autres amis qui se sont convertis ou qui se sont mis à pratiquer l’islam avec assiduité. Par la suite, chacun a suivi son propre chemin. Certains, par exemple, sont partis en Égypte pour poursuivre des études et apprendre le Coran. J’ai entrepris des études d’histoire sur le mouvement nationaliste algérien car j’étais persuadé que la colonisation de l’Algérie était un élément central dans les débats sur l’islam en France. En effet, la façon dont l’islam est traité en France est liée à l’histoire de la colonisation de l’Algérie.

Comment avez-vous vécu votre appartenance à l’islam et comment s’est comportée la société française avec vous après votre conversion ?

Séparée de mon père, ma mère s’est chargée de notre éducation. Ma mère étant « de gauche », la religion n’avait pas sa place à la maison même si elle n’y était pas personnellement opposée. Ma mère n’a pas fait obstacle à ma conversion à l’islam, ni à celle de ma sœur.
La société française n’est pas ouverte aux musulmans y compris aux Français convertis. Depuis douze ans que je suis musulman, je suis exposé aux pressions de la société française. Au cours de mes études, mon appartenance à l’islam a été utilisée comme un argument contre moi. La société française reste fermée aux musulmans, qu’ils soient français ou non. Mon épouse marocaine et musulmane (de nationalité française) s’est vue refuser une bourse d’étude en raison de son hijab, malgré ses résultats probants aux examens. On lui a clairement fait comprendre qu’elle obtiendrait cette bourse uniquement si elle acceptait de se dévoiler.

En France, il y a eu, ces derniers temps, de nombreux débats autour de l’islam (hijab, prières de rue…). Pensez-vous qu’il s’agisse de problématiques purement politiques ou que cela relève de causes plus profondes ?

Non, cela n’est pas purement politique mais cela puise ses racines dans l’histoire de la société française. Le racisme et l’islamophobie sont enracinés dans l’histoire de la France. Dès le Concile de 680, l’Église déclara que le Prophète (BSDL) était l’antéchrist et l’antichrist. Ce concile est toujours d’actualité car au cours d’un concile, c’est le Saint-Esprit qui s’exprime et donc un concile ne peut contredire ou annuler un autre concile. De fait, l’hostilité à l’islam a des racines profondes dans la société française. On la retrouve au sein de l’université, de la vie publique et des représentations culturelles. En France, de nombreux livres expliquent que l’Islam n’a rien apporté à l’humanité (1). Ces convictions et ces représentations dépassent la conjoncture politique. Si l’islamophobie ne relevait que de la conjoncture politique, cela serait finalement moins problématique.

La nature laïque de l’État français n’est-elle pas en opposition avec cette politique ?

La loi sur la séparation des cultes et de l’État a été votée en 1905 alors que l’Algérie colonisée était divisée en trois départements français. Selon cette loi, les musulmans auraient dû pouvoir gérer leur culte de manière indépendante sans ingérence de l’administration française. Cette loi ne fut jamais appliquée à l’islam en Algérie. L’administration coloniale voulait contrôlée les lieux de culte musulmans car ils n’étaient pas uniquement des lieux de prière et d’enseignement mais aussi des lieux de résistance à la colonisation. Aujourd’hui en France, la situation n’a pas véritablement évolué à l’égard des musulmans. Les responsables français s’ingèrent dans la vie privée des musulmans jusque dans leur manière de s’habiller. Pourtant, ces questions devraient relever uniquement du choix des musulmans.

L’islamophobie est-elle plus encouragée par la droite ou par la gauche ?

L’islamophobie est une idéologie partagée par tous les courants politiques, de l’extrême gauche à l’extrême droite. En 2003, des professeurs d’extrême gauche (LCR et LO) ont lancé la campagne pour l’exclusion des élèves portant le hijab (2). Malgré leurs slogans antiracistes, nombre de militants d’extrême gauche développent des idées islamophobes. Malgré ces slogans, ils développent la même politique que la droite à l’égard des musulmans. La différence entre la gauche et la droite est que la politique de cette dernière s’affirme sans ambigüité.
Récemment, le Sénat français a étudié un projet de loi, proposé par le groupe socialiste, visant à interdire la garde d’enfants aux nourrices à domicile portant le hijab. Cela signifie qu’ils veulent interdire le port du hijab à l’intérieur de domiciles privés. Pourtant, il faut savoir que cette activité professionnelle est l’une des rares que les femmes portant le hijab peuvent exercer en France, même si elles sont diplômées, en raison des discriminations dont elles sont victimes.

Pensez-vous que le problème réside dans la façon dont la France perçoit l’islam ou dans les agissements des musulmans ?

L’islam n’est pas le problème. La France a des problèmes avec tout ce qui est étranger à sa culture. Durant la colonisation, la France s’est efforcée de dépouiller le peuple algérien de sa culture, de sa religion et de sa langue. Aujourd’hui, la France reproduit cette politique, dans des conditions différentes, par des moyens différents, contre l’immigration et la communauté musulmane. La France développe une politique assimilationniste en voulant effacer l’identité culturelle de la communauté musulmane. Il n’y a jamais réellement eu de pluralité religieuse en France. Malgré sa devise, la France reste fermée à la pluralité culturelle et religieuse.

En tant que Français, d’après-vous, quelles sont les raisons pour lesquelles la France refuse de reconnaitre son passé colonial en Algérie ?

Vous m’interrogez en tant que Français alors que la France ne me reconnait pas véritablement en tant que tel depuis ma conversion. Je vous répondrai donc en tant qu’historien ayant étudié cette question. La France doit reconnaitre les crimes qu’elle a commis en Algérie. Ces crimes qui ont été étudiés par les historiens, sont des faits établis. La France continue de vivre dans une mythologie en prétendant qu’elle n’a commis aucun crime en Algérie. Affirmer les aspects positifs de la colonisation, comme le fait Nicolas Sarkozy, relève de la folie.
Dans ce cadre, l’ensemble de la loi du 23 février 2005, votée par la droite et par la gauche, pose problème et pas uniquement l’article quatre comme certains voudraient le faire croire. Cette loi montre que la France est incapable de reconnaitre ses crimes coloniaux en Algérie comme dans l’ensemble de ses anciennes colonies.

En tant qu’historien, quel est votre opinion sur le « printemps arabe » ?

Je récuse les termes de « printemps arabe » car ils renvoient aux révolutions européennes de 1848 qui furent appelés « printemps des peuples ». Ce type d’expression signifie que les Arabes sont des Européens attardés revivant cent cinquante ans après l’histoire de l’Europe. Le monde arabe a son histoire propre avec ses dynamiques spécifiques. En 2011, il vit sa propre histoire et non la reproduction de l’histoire européenne.
Au-delà de ce problème de dénomination, il me semble que nous ne pouvons pas regrouper sous le même terme des dynamiques différentes et propres à chaque pays. La Syrie n’est pas la Tunisie. Par exemple, en Tunisie, la France a soutenu le régime de Ben Ali alors qu’elle fait pression sur le régime syrien.


(1) Cf. notamment Gouguenheim Sylvain, Aristote au mont Saint-Michel: les racines grecques de l'Europe chrétienne, Paris, Ed. Seuil, 2008

(2) Il s’agit de Pierre-François Grond et de Georges Vartanianz respectivement responsables nationaux de la Ligue Communiste Révolutionnaire et de Lutte Ouvrière à l’époque.

Source : Echourouk

Traduction : Souad Khaldi

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