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Israël -

Israël ne se sent plus

Par

in Al-Ahram Weekly (hebdomadaire égyptien) du jeudi 21 octobre 2004

Les attentats du Sinaï donnent à Sharon l’opportunité de marginaliser encore un peu plus la cause palestinienne. Il va les exploiter avec délectation, pense Azmi Bishara.
Le fait que la dévastation semée à Gaza par Israël n’était pas simplement une réplique aux tirs de missiles Qassam ne signifie nullement que nous devrions souscrire à l’assertion selon laquelle Israël n’a pas besoin de prétexte pour agir.

Cet argument, avec son corollaire – aucun moyen de lutte n’est susceptible d’influer sur la politique ou le comportement d’Israël – est autodestructeur.

La dernière en date des incursions israéliennes à Gaza n’était pas sans rapport avec l’arme rudimentaire – parler de « missile » pour désigner ces projectiles serait sans doute faire preuve de grandiloquence – que les Gaziotes ont développée afin de se battre contre la situation où ils ont été enfermés : une situation sans précédent dans l’histoire moderne, qui se caractérise essentiellement par l’enfermement d’un million et demi de personnes dans une prison munie, en tout et pour tout, de deux portails.

La violence israélienne à Gaza, à Jénine et à Naplouse fait structurellement partie intégrante des problèmes du désengagement – vous ne pouvez pas imposer une solution unilatérale à un conflit sans recourir à des niveaux de violence extra-ordinaires.


A la différence du retrait israélien du Liban, où un Etat souverain revendiquait le contrôle et la responsabilité sur les zones évacuées, le problème, à Gaza, ne se résume pas simplement à un retrait unilatéral : il s’agit d’un redéploiement intervenant dans des conditions qu’Israël considère renforcer son contrôle sur certaines zones de la Cisjordanie .

Israël espère contrôler Gaza, avec moins de frictions provenant de l’extérieur et des parties secondaires de la Cisjordanie , tout en améliorant son standing international et en allégeant les pressions internationales poussant Israël à s’engager dans un processus dont ni il ne veut, ni il ne peut s’y engager, étant donné son leadership politique et l’état de son opinion publique actuels. [La détermination de Sharon à faire avorter toute éventualité de négociations avec la Syrie a été étalée à la une de tous les quotidiens israéliens.]


Ce sont bien les missiles Qassam, en revanche, qui ont mis en relief les prétextes usés jusqu’à la corde qu’Israël invoque pour édifier son mur de sécurité et son désengagement unilatéral de Gaza. Le mur ne sert à rien, même face à une arme aussi primitive. Israël sait pertinemment qu’après le redéploiement des troupes israéliennes, les habitants de Gaza n’accepteront jamais leur sort de prisonniers. Ils n’accepteront jamais une occupation à portée de main, depuis l’autre côté d’un mur.

Certainement pas, en l’absence ne serait-ce que de la promesse d’un règlement équitable et d’une résolution de la question de la souveraineté nationale palestinienne…

Israël ne se prend pas lui-même au piège de sa démagogie creuse autour de la culture du « terrorisme ». Il a parfaitement conscience de ses causes, et il sait exactement ce à quoi il doit s’attendre. Il fera tout, absolument tout, pour minimiser l’éventualité d’une réaction palestinienne, en recourant à toutes ses capacités militaires afin de produire un climat de terreur.

L’assaut brutal contre Gaza est, dès lors, une tentative d’apporter une réponse à un nœud de problèmes entremêlés. Il y a, par exemple, les questions politiques internes, soulevées par ceux qui remettent en cause la faisabilité de l’éradication de la résistance palestinienne au moyen de la force brute.

La réponse du gouvernement israélien consiste à passer d’un type de violence à l’autre, d’un palier dans l’escalade au suivant ; d’où, les incursions militaires dans des zones pauvres densément peuplées et d’où, les assassinats ciblés en plein Damas. Il y a aussi des questions stratégiques autour de la façon d’empêcher le développement de la capacité des Palestiniens à résister, après un retrait unilatéral.


Les efforts israéliens, à cet égard, ont été grandement facilités par les attentats à la bombe du Sinaï, qui représentent la première opération à avoir permis d’établir un lien entre les réseaux terroristes internationaux et les Palestiniens. Ce fut aussi la première fois que des opérations terroristes internationales étaient montées si près des frontières de la Palestine.


Sans égard à leur position vis-à-vis du traité de paix égypto-israélien, les factions palestiniennes veillent à entretenir de bonnes relations avec l’Egypte et, cela, elles veulent absolument continuer à le faire. Si on leur posait la question, elles répondraient, toutes, qu’il ne saurait résulter qu’un mal d’une tentative de déstabiliser l’Egypte, tant économiquement que politiquement.

Plus important encore : les organisations politiques palestiniennes ont dit très clairement qu’elles ne viseraient pas de citoyens israéliens à l’étranger. S’abstenir de (ou cesser) toute violence de quelque sorte qu’elle soit contre des civils, dans des pays autres que la Palestine, fut une sage décision, même si les Israéliens n’ont pas rendu aux Palestinienne la monnaie de leur pièce.


Les attentats du Sinaï offrent à Sharon, sur un plateau d’argent, une opportunité historique de resserrer la coordination sécuritaire dans la région et ils lui fournissent un prétexte pour lier la coordination sécuritaire à des intérêts économiques et politiques. La réponse de l’opinion publique égyptienne aux attentats de Louxor, en 1994, avait été assez véhémente pour altérer le cours de la violence fondamentaliste, obligeant beaucoup d’organisations à modifier leur manière de penser.

S’il en fut ainsi, alors même que les perpétrateurs étaient Egyptiens, je vous laisse imaginer la réaction de l’opinion égyptienne, cette fois-ci, les attentats ayant été attribués à des formations (terroristes) non-égyptiennes !


Impossible de se tromper sur la réaction de l’opinion publique égyptienne aux opérations du Sinaï et, en dépit des tentatives déployées par le gouvernement égyptien pour minimiser la magnitude et les causes des attentats afin d’éviter qu’un vent de panique ne souffle sur l’industrie touristique, vous pouvez être certains qu’il prend la question vraiment au sérieux.
La première réaction de plusieurs ministres israéliens consista à agonir l’Egypte de critiques : elle était trop lente à donner l’autorisation d’entrer en territoire égyptien à des sauveteurs israéliens.

Ce genre d’inanités et de fictions sont concoctées à l’usage des médias, en temps d’hystérie collective. Sharon s’est empressé de mettre le bouchon sur tout ça, reprochant leur mesquinerie à ses ministres et réitérant son avis, et celui de divers « experts » : eussent toutes les victimes été égyptiennes, les autorités égyptiennes n’auraient pas fait preuve d’une compétence supérieure : elles étaient au maximum de leurs capacités.


Sharon tenait une occasion en or de tendre les bras à l’Egypte sur la question de la coordination sécuritaire en matière de lutte contre le terrorisme. Il a dit à ses ministres de ravaler leurs réactions épidermiques et de garder par-devers eux leurs opinions à l’emporte-pièce sur l’Egypte. Israël, comme nous le savons tous, utilise « terrorisme » à la manière d’un terme générique.

Désormais, agissant suivant les directives de Sharon, les ministres israéliens se retrouvent, tout soudain, à chanter les laudes de l’Egypte, dans l’espoir de flatter Le Caire et de l’inciter à resserrer avec eux sa coopération sécuritaire, même si cela signifie qu’ils devront satisfaire les exigences égyptiennes en matière d’amendement du traité de paix de Camp David, en autorisant un renforcement de la présence militaire égyptienne dans le Sinaï.


Que l’Egypte réponde, ou non, à ces ouvertures, Israël a saisi l’occasion des attentats du Sinaï pour accélérer l’établissement d’un réseau de liens bilatéraux de coopération sécuritaire dans la région, tout en procédant, exactement au même moment, à son assaut brutal contre Gaza.

Sur ces entrefaites, on ne peut faire autrement que remarquer ce qui semble être des efforts arabes visant à minimiser les agissements d’Israël à Gaza. Certains journaux arabes ont exclu le sujet de leur une, même au premier jour de l’opération, alors que d’autres en parlaient, mais en bas de première page. Ceci suggère une tendance à créer de toutes pièces un climat d’inquiétude au sujet de la cause palestinienne, à créer de la lassitude dans l’opinion publique arabe.

Les seuls sujets inusables qui semblent dignes d’être relevés, de nos jours, ce sont les conciliabules au sein de la direction palestinienne, ou encore au sujet du leadership palestinien et des candidats putatifs. Voilà qui, pour quelque raison qui m’échappe, semble un sujet suscitant un intérêt inoxydable. Et cela permet de réduire la cause palestinienne, et le crime israélien, à une focalisation constante sur le rôle de la direction palestinienne et le besoin d’en changer.



Ceux qui avaient tendance à conseiller les Palestiniens en toutes choses sont revenus de tout, mais ils continuent à gloser sur cette crise (interne). Ils persistent obstinément. Les crimes israéliens ne semblent plus représenter qu’un détail secondaire, et les déclarations des Israéliens avertissant qu’ils vont se venger sur la société palestinienne, visant essentiellement à faire pression sur les diverses factions afin qu’elles cessent leurs opérations armées, semblent tomber dans l’oreille de sourds.

La définition américaine officielle du terrorisme, tel que défini dans le Patriot Act, consiste à dire que le terrorisme consiste « à soumettre des civils américains à des actes de violence, dans l’intention d’influencer la politique de leur gouvernement ». Eh bien, on peut dire que Tel Aviv a très clairement et abondamment indiqué que s’il bombarde les Palestiniens, c’est afin d’influencer la politique de leur leadership.

Néanmoins, les Etats-Unis ont mis leur veto à une résolution du conseil de sécurité condamnant l’agression israélienne à Gaza. Et quelle est la position arabe, à ce sujet ? Ce n’est pas en lisant la presse arabe que vous le saurez !


Fut un temps où nous parlions de phases américaines, dans la région. Il y eut la phase Truman, la phase Kissinger, la phase Carter, et la phase Baker. Sans doute pouvons-nous parler aujourd’hui de phase Sharon : il s’agit d’une phase emplie de schémas et de projets israéliens.

Ses traits les plus frappants sont à trouver dans les structures et les opérations militaires et politiques rendues nécessaires par la volonté de marginaliser la cause palestinienne, y compris dans le monde arabe, faisant du plan de désengagement la seule alternative disponible, sans feuille de route, et même sans chemin des écoliers.


Cette phase israélienne continuera à se caractériser par des tentatives d’internationaliser le boycott de la Syrie approuvé par le Congrès des Etats-Unis. La récente résolution du conseil de sécurité de l’Onu sur le Liban – qui n’a rien à voir avec la constitution libanaise et, en revanche, tout à voir avec l’encerclement de la Syrie et les coups à prévoir contre ce pays – ne peut être interprétée autrement que comme une pierre de taille apportée à ce processus.

Je parierais que les Etats-Unis, et le conseil de sécurité, auraient laissé tomber toute cette histoire de constitution, si Damas avait reculé sur tout un ensemble de points, fondamentaux pour la mise en place de la phase israélienne. Inutile de préciser que la réforme constitutionnelle au Liban n’en fait pas partie.


La situation de la Syrie est tellement absurde qu’elle ferait éclater de rire l’observateur le plus prudent et coincé. Si la Syrie veut vraiment la paix, dit Israël, elle doit le montrer « par des faits, pas par des mots ». Et en même temps, sans sourciller, Israël refuse de négocier avec cette même Syrie parce que ces négociations ne pourraient aboutir qu’à son retrait jusqu’aux frontières antérieures à juin 1967…


Israël fait courir le faux bruit que la Syrie le supplie, à genoux, de négocier, puis relève le nez sur ses instances imaginaires, pour aussitôt se pavaner et jouer le fier-à-bras qui bouscule les passants, sur le trottoir.

Mais la Syrie n’a fait aucune nouvelle ouverture, d’aucune sorte : elle s’est contentée de réitérer son engagement vis-à-vis de positions déjà formulées, en matière de résolution du conflit et de processus de négociation.


En concoctant cette image d’une Syrie s’aplatissant comme une carpette, Israël veut mettre en évidence l’équilibre des pouvoirs dans la région.

Les Etats-Unis n’ont pas varié d’un iota. Ils continuent à souffler dans le col de la Syrie et ils continueront à souffler dans le col de la Syrie jusqu’à ce que la Syrie obtempère. Mais étant donné qu’il n’y a aucune justification, pas même selon la logique américano-israélienne, pour déclarer la guerre à la Syrie, la seule possibilité qui leur est ouverte c’est de faire tout ce qui est en leur pouvoir afin d’affaiblir la Syrie, de saper sa souveraineté et d’encourager d’autres pays à en user de même.


Ce sont là simplement quelques-uns des traits de la nouvelle phase qu’Israël s’efforce d’initier dans la région. Bien entendu, la suite ne sera pas aussi facile. Mise à part la configuration politique israélienne, Israël aura aussi à faire face à certains problèmes structurels.


La seule puissance qui serait capable d’occuper d’autres pays est actuellement empêtrée dans la guerre qu’elle a fabriquée de toutes pièces, en Irak. Cette puissance se retrouve incapable de contrôler le rythme et la logique – ou plutôt, l’absence de logique – de cette guerre. Israël, dans sa tentative d’inaugurer sa propre phase dans la région, doit s’attendre à rencontrer des obstacles en comparaison desquels ceux auxquels l’Amérique est confrontée, en Irak, sembleront bénins.

Aussi la prudence requiert-elle d’Israël qu’il prenne conscience de son importance réelle dans la région.

Cela ne gâchera rien, non plus, si les Arabes en prennent eux aussi conscience, et ne se laissent plus intimider à si bon compte.



Article paru dans le Point d'information Palestine
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