13 novembre 2013

L'innominé ou le non étant - Ce qui ne se nomme pas ou ce qui n’existe pas

Par Badia Benjelloun

Il existe des entités aux noms imprononçables qui ne se disent qu’en chuchotant au creux de l’oreille. Parmi elles se dénombrent au moins deux catégories.
La série des innominées honteuses comme l’arête anatomique du bassin pelvien humain qui traverse l’os coxal en délimitant le détroit supérieur, porte osseuse de la filière génitale, dont l’adéquation autorise le passage céphalique de l’enfant à naître, laquelle a fini par se faire désigner en devenant ligne arquée. Celle des abstractions sacrées que l’on ne saurait interpeller, même si par ailleurs on la tutoie et on lui désobéit, par respect ou parce que la nommant, on risque de s’attirer ses foudres comme le Yahvé de la Bible.

Mgr Fouad Twal, patriarche latin de Jérusalem, a protesté contre la destruction d’un maison appartenant à l’Eglise à Jérusalem-Est par l’armée israélienne.
Jack Straw, l’ancien ministre des Affaires Étrangères de Sa Majesté a fait l’expérience de braver l’interdit et/ou d’outrepasser les règles de bienséance. Lors d’un forum diplomatique international à la Chambre des Communes, listant les obstacles à la paix, il a cité l’argent illimité de l’AIPAC capable de contrôler la politique étasunienne dans l’Orient arabe sans oublier l’obsession de l’Allemagne à défendre Israël. Une ancienne élue de la Knesset était présente.(1)

L’équipe actuellement au pouvoir dans l’état militaro-ethnique sioniste obéit aux injonctions de renouer avec la comédie du processus de paix de son protecteur financier étasunien en libérant une poignée de prisonniers palestiniens d’un côté tout en emprisonnant bien davantage de l’autre.

26 Palestiniens détenus avant les accords d’Oslo en 1993 ont été sortis de leurs geôles alors que les autorités de l’occupation en ont arrêté 390 courant octobre, parmi eux 3 femmes, deux députés, 67 enfants dont 17 ont moins de 15 ans. Il reste plus de 4800 prisonniers dont 80 ont des maladies graves. Un jeune homme de 22 ans Hassan Turabi arrêté en janvier 2013 vient de décéder de leucémie connue et n’a été transféré dans un hôpital que pour y agoniser ses 15 derniers jours.

Cette fonction de l’autorité d’occupation d’emprisonnement des Palestiniens quand ils ne sont pas expulsés sert l’axe de sa politique, son essence, occuper et annexer. Cette semaine passée, annonce a été faite que 1500 nouveaux logements vont être construits pour de nouveaux colons à Jérusalem-Est. Une maison appartenant au Patriarcat latin de Jérusalem (Église catholique romaine) vient d’être détruite par l’armée d’occupation à titre d’opération inaugurale. (2)

Kerry, qui en échange de quelques dizaines de millions octroyés à Mahmoud Abbas, a obtenu de lui l’accentuation de la courbure de son échine devant une table de négociations vide de comparses, en visite dans l’Orient arabe, a lancé négligemment sa remarque clinique que cette manœuvre est une présentation devant le détroit supérieur d’une troisième Intifada.

Déjà le 29 octobre, le club à l’identité incertaine et au nom imprononçable s’était invité dans le salon de la Maison Blanche. Que du beau linge. L’Anti-Defamation League, l’American Israël Public Affairs Committee, l’American Jewish Committee, trois groupes de l’indicible. Étaient présents en particulier Abraham Foxman, celui qui traque l’antisémitisme là où il n’est pas et ce faisant le suscite, Alan Solow le leveur de fonds pour Obama I et II et Malcom Hoenlein vice-président de la Conference of Presidents of Major American Jewish formée de 51 organisations juives, formation distincte de l’AIPAC , récemment décoré par Mohammed VI. Au menu, les petits fours de l’enrichissement de l’uranium par l’Iran.

Les amuse-gueules servis à la presse n’entament pas l’appétit pour l’enjeu réel, les sanctions économiques qui frappent l’Iran doivent redoubler, être amplifiées pour affaiblir le pays et lui interdire à jamais d’émerger comme puissance même moyenne dans la région. Israël serait retardé dans son ambition d’expansion illimitée aux dépens de ses voisins, il ne s’est pas inquiété de dessiner ses frontières, il les repousse sans fin.

Le blocus est un acte de guerre

Le blocus sur l’Irak entre 1991 et 2003 avait si bien fonctionné. Il a abouti à 500.000 morts infantiles sans qu’une seule balle ni qu’un misérable missile n’aient été tirés en douze ans, et au ravalement de l’économie à un système de troc. L’invasion puis l’installation d’une division tribale ont alors laissé un paysage en ruine peuplé d’orphelins et de veuves et déchiré par des manœuvres de partition.

L’Iran n’a pas l’ambition de construire une arme nucléaire, le monde du renseignement étasunien le sait et l’a opposé officiellement depuis fin 2007 (3) par la publication de son rapport à l’entité qui n’a pas de nom, celle qui continue d’affirmer le contraire et en persuade les pétro-monarques.
Tout l’art du prestidigitateur consiste à captiver le regard et détourner les yeux du spectateur à distance de son tour.
L’arrivée de Hassan Rouhani au pouvoir coïncide avec la volonté de l’exécutif iranien d’obtenir un relâchement du contrôle de l’économie du pays par des sanctions qui pénalisent le moindre de ses échanges internationaux. Il n’est pas nécessaire d’avoir des écoutes de ce que dit ou tait la NSA, le système de compensation interbancaire du réseau Swift par lequel transitent toutes les transactions financières est sous autorité étasunienne. Il est impossible par exemple aux compagnies aériennes iraniennes publiques ou privées d’acquérir des pièces de rechange pour leurs avions fatigués d’une flotte âgée.

Celle Au Nom Imprononçable (CANI) mais à l’existence mesurable à son ombre projetée sur la scène de la politique extérieure étasunienne persiste dans ses allégations pour maintenir un état d’alerte permanent sur la population israélienne persuadée depuis les bancs de l’école élémentaire d’une haine irrationnelle de la part du reste du monde à son égard.

CANI résulte de besoins frénétiques en armement puisque l’entité qui l’a fait naître est d’abord militaire secondairement ethnique, en retour elle a sécrété des organes de promotion, de recherche et des entreprises spécialisées dans la sécurité au sens large. Au sens préventif, elle a généré tout un secteur industriel, les pièces d’identité biométriques infalsifiables, les systèmes de pare-feux évitant ou limitant les intrusions sur internet, le Dôme anti-missile, tous produits à l’efficacité plus que modeste mais vendus au monde entier car éprouvés sur la population palestinienne-test. Elle revendique en tant qu’allié servant la cause occidentale dans la jungle des orientaux barbares une suprématie militaire par l’exclusivité des dernières avancées technologiques. Elle l’obtient aussi par la pérennité de son allocation annuelle de 4 milliards de dollars alors qu’elle est devenue un pays riche et que le gouvernement fédéral ampute le programme de l’aide alimentaire aux 42 millions d’étasuniens qui y sont éligibles.

Cave, la CANI change de cheval

Quand CANI échoue en Syrie, ses recommandations appuyées pour une offensive aérienne contre le peuple du Sham n’ont pas été suivies d’effets récemment, plus qu’une réduction de sa puissance d’influence, cela indique son incapacité d’intégrer dans ses analyses la situation d’impotence militaire relative des US(a) dans l’orient arabe.
Tout point dans l’espace multidimensionnel de la géopolitique dans l’orient arabe résulte d’un équilibre dynamique entre tensions complexes.

B.H. Obama n’a pas été le candidat de CANI en 2008 ni en 2012, une campagne assez lourdingue sur sa prétendue confession musulmane a vite été résorbée par la désignation du futur chef de cabinet parmi les plus néoconservateurs sionistes qui soient, Rahm Emanuel, fils d’un terroriste de l’Irgoun, et par son adhésion au plan de B.S. Bernanke du sauvetage au prix fort de Wall Street.

Il a d’emblée été vécu comme l’ennemi d’Israël par Netanyahu. Pourtant, il n’a pas énoncé la moindre critique pour l’accueil phosphorescent qui a salué sa nomination fin 2008 début 2009 lors du massacre de Gaza ‘Plomb durci’. Pourtant, il a récompensé le grignotage continu éhonté des terres palestiniennes par des aides financières et militaires accrues.

CANI se réduit à une caricature d’elle-même quand par la voix du magnat du jeu (et du proxénétisme ? (4)) Sheldon Adelson, elle soutient ostentatoirement l’improbable Romney en 2012. Quand les doigts de ce qui devrait rester une abstraction redoutable deviennent aussi outrageusement visibles, sa force de persuasion proportionnelle à sa capacité de rester dans l’ombre entre dans son déclin.

Elle allie perte de sagacité à un désordre nourri à l’amaigrissement involontaire des bourses de ses contributeurs encore sonnés du choc financier de 2008. Elle s’est trouvé de nouveaux officiants plus que zélés dans l’exécutif de la France menée par un Parti et un Président qui obéissent aux injonctions d’une collégienne expulsée du territoire, de parents étrangers sans documents.

Fabius a étonné ses partenaires à Genève alors que les discussions avec le représentant iranien étaient avancées concernant les efforts que se consentiraient les deux parties, les 5 versus le 1. Il a insisté pour que ne soient pas omis les intérêts d’Israël et sa sécurité, voire que ceux-ci soient mis au premier plan. Netanyahu n’avait pas besoin d’être physiquement présent chez les Helvètes, son porte-parole y a été dépêché. Plus que jamais, la formule de René Naba, "Sous la Syrie et l’Iran, le Hezbollah" (5) est justifiée.

Le Président du mariage gay et de Leonarda va rendre visite à Netanyahu la semaine prochaine, il espère être reçu à la Knesset malgré la rebuffade du président de cette dernière.

Mais surtout, Fabius surgi comme un responsable de sa boîte jamais coupable entre la Russie et les US(a) profite de l’alignement vectoriel renforcé entre Israël et Bandar Ibnou Sultane concernant leur désappointement en Syrie et leur infini regret du servant perdant son maître que la faiblesse étasunienne apparaisse en pleine lumière sur ce dossier. Les Saud qui ont le moyen de faire reculer l’illettrisme dans tous les pays arabes préfèrent sans crainte du ridicule consacrer leur argent à apprivoiser leur protecteur français en leur promettant l’achat de zinguerie. Ils semblent vouloir ignorer, dans leur bédouinité qui a tourné le dos à l’honneur et à l’islam, que la France s’est elle-même depuis la seconde guerre mondiale (réduite ?) à être la vassale des US(a).

La négociation est remise au 20 novembre.
L’ombre de la CANI à Genève portant un nom à consonance latine pourrait se voir elle aussi accoler le surnom de Cunctator (6). Fabius le Temporisateur, car s’il est prompt à dégainer le propos inconsidéré, Jack Straw le qualifierait volontiers de Retardateur à la paix, il ne l’entrave que de façon passagère. L’appétit des multinationales occidentales pour Téhéran est aiguisé, elles trépignent d’impatience devant ce marché prometteur.
Le ministre britannique qui a figuré dans la partie 5 en atteste, le prochain round a toute chance d’aboutir.

La grande panne des Us(a) viendra de ses machines à photocopier son papier vert plus que de sa flotte militaire aérienne, même si cette dernière a beaucoup vieilli et qu’elle ne peut assurer un déploiement sur plus d’une zone de conflit à la fois. Les Saud ont développé une addiction tenace à leur jeu de Monopoly en étendant précocément leur zone d’influence jusqu’au Pakistan. Une fois acquise la disparition de Bhutto, ils ont financé les médersas venues se substituer à un enseignement public général. Leurs dollars ont fabriqué Hariri, introduit l’armée syrienne au Liban, payé la guerre de l’Irak contre l’Iran, puis celles contre l’Irak. Ils ont redistribué les rôles cet été en Égypte. Ils reprochent à leur allié étasunien que la Syrie leur résiste malgré la multiplicité des armées privées que ses ‘amis' lui dépêchent pour la dépecer.
Leur allié n’assure plus son rôle de mercenaire protecteur.
Les Saud ont-ils des comptables qui leur rendent compte que leur futur plus gros client est la Chine ?

Badia Benjelloun
10 novembre 2013


(1) Photo de la séance sur la page Facebook d'Einat Wilf, membre de la 18e Knesset de janvier 2010 à janvier 2013.
(2) http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Une-maison-du-Patriarcat-latin-de-Jerusalem-detruite-par-Israël-2013-11-06-1056749
(3) http://www.cf2r.org/fr/editorial-eric-denece-lst/le-rapport-du-renseignement-americain-au-sujet-de-liran-aveu-erreur-ou-manoe.php
(4) http://www.inquisitr.com/976706/sheldon-adelson-loses-prostitution-lawsuit-a-great-day-for-the-first-amendment/
(5) http://www.renenaba.com/sous-la-syrie-le-hezbollah/
(6) http://en.wikipedia.org/wiki/Fabius_Maximus