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ISM France - Archives 2001-2021

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Libye -

La composition ethnique des tribus libyennes

Par

Hocine Chougui est doctorant en science politique à l'IEP de Lyon.

La tribu est considérée comme une composante essentielle de la société libyenne. Elle est un facteur important du système politique libyen qui est essentiellement basé sur des alliances tribales plus que sur des alliances politiques. Le système tribal en Libye est un système complexe et très difficile à déchiffrer en raison de la nature fermée de la société libyenne. La répartition géographique des tribus libyennes et leur rôle politique sont principalement fondés sur la composition ethnique de la société libyenne.

La composition ethnique des tribus libyennes

Réunion des chefs de tribus libyens, mai 2011
Celle-ci se compose comme suit :

Les libous : des tribus berbères. Elles sont divisées en deux branches : les tribus de Mdaghis qui vivent principalement dans la moitié de l'Est de la Libye ; et les tribus d'Alborns qui vivent dans le centre-ouest de la Libye.

Les Arabes qui sont divisés en quatre branches : les Tribus El Mourabita, qui sont composées des descendants des Jund al-Fatah – troupes arabo-musulmanes ayant conquis la Libye durant les premiers siècles de l’islam. Elles existent sur l'ensemble du territoire libyen.

Les tribus El Ashraf qui sont des descendants du prince Idris El Akbar, le fondateur de l'Etat idrisside au Maghreb. Y compris les tribus Almas'mir et Ach'waer dans l'Est de la Libye.

Les tribus de Banu Hilal, venues en Libye au cours du règne de l'Etat fatimide, avec certaines tribus arabes. Elles vivent en minorité dans l'Est et l’Ouest de la Libye. 

Les tribus  de Banu S'lim, qui se sont dispersées dans l’ensemble de la Libye même si elles sont plus particulièrement présentes au centre du pays. Elles sont plus concentrées dans les régions d'el-Baida, el-Marj, Djabal el-Akhdar.

Les Kouloughlis : le terme kouloughli provient du turc kul oghlu signifiant « fils de soldat ». Ce groupe est apparu lors de la domination de la Libye par l'Empire ottoman.

Ils sont divisés en six groupes principaux : les Turkmènes ; les Kurdes ; les Circassiens ; les Albanais ; les Arabes ; les Lippo. La grande majorité vit dans les villes de Zliten, Misrata, Tripoli et, dans une moindre mesure à Benghazi.

Les Beni Fezzan : ils sont originaires du territoire du Fezzan, une région désertique de Libye, très riche en hydrocarbures. Ce territoire a été administré par la France de 1943 à 1951. La plupart de ces tribus sont le résultat d’un métissage entre des populations arabes, touaregs et berbères.

Les Touaregs : ils habitent le Sud du pays. Ce sont généralement des nomades qui déplacent leur bétail d’un endroit à l’autre et qui vivent dans des tentes.

Le système tribal libyen se compose des grandes tribus subdivisées en groupes de petites tribus. Dans ce cadre, les grandes tribus dirigent les tribus plus petites en fonction de leur origine ethnique. Cette direction s’effectue par le conseil général de la tribu et elle s’exerce aussi bien dans le domaine spirituel que dans le domaine politique.

Au niveau spirituel, les confréries soufies existent dans la région. Elles contrôlent et dirigent ces tribus et leurs fidèles dans la plupart des aspects de leur vie quotidienne, par des ordres supérieurs émanant du cheikh at-tariqa. Les plus importantes confréries soufies en Libye, qui regroupent environ 70% des tribus du pays, sont la Senousiya et la Tijaniya. Plus d'un million de personnes sont fidèles à la confrérie Tijaniya et un million et demi sont adeptes de la confrérie Senousiya. Le siège officiel des deux confréries se trouve en Algérie.

En Libye, il y a environ 30 tribus principales qui dirigent plus de 2200  tribus et groupes familiaux. Approximativement 140 tribus ont des extensions allant au-delà du territoire libyen, notamment en Algérie et en Egypte. Les 30 tribus principales représentent presque quatre millions et demi de Libyens. La majorité des membres de ces tribus reste encore opposée au Conseil National de Transition (CNT) libyen. Lors de la dernière Conférence nationale des tribus libyennes en juillet 2011, les chefs de tribus réunis à Tripoli ont appelé à une loi d'amnistie générale pour mettre fin à la guerre civile.
Concrètement, ils continuent d'apporter leur soutien à l’ex-dirigeant libyen Mouammar Kadhafi contre l'intervention militaire de l'OTAN. Cela pour plusieurs raisons :

1. Environ 2,5 millions de fidèles de la confrérie Tijaniya et Senousiya, présents dans ces tribus, sont contre l'intervention militaire de l'OTAN en Libye. De même, selon les représentants des deux confréries en Algérie, ils s’opposent au Conseil National de Transition (CNT) libyen. Au début des « événements » ayant secoué la Libye, la confrérie Senousiya a annoncé son soutien à la révolution contre Mouammar Kadhafi. La Senousiya a été parmi les premières organisations sociales à lever le drapeau de la monarchie libyenne du roi Idris al-Sanousi - Roi de Libye de 1951 à 1969 - comme symbole d’opposition contre le drapeau officiel libyen institué par Kadhafi en 1977. Cependant, après l'intervention militaire de l'OTAN, le guide suprême de la confrérie demandait la médiation de l’Algérie et de l'Egypte pour trouver une solution à la crise qui secoue la Libye.

2. Parmi les 30 tribus principales, 3 grandes tribus - les Kadhafa, les Megarha, et les Touaregs - dirigent presque 1.200 tribus libyennes secondaires. Ces tribus restent toujours fidèles de l’ancien régime de Mouammar Kadhafi.

La tribu Kadhafa. Originaire de Béni Fezzan, la tribu avait la mainmise sur l’ancien régime libyen. Elle se concentre notamment dans la région de Sabha au centre de la région Fezzan, elle-même au centre de la Libye, très riche en hydrocarbures. Elle comprend plus de 125.000 habitants. Elle est la tribu la plus armée dans le pays. Avant sa chute, Kadhafi a beaucoup compté sur les membres de sa tribu pour défendre son régime contre les tentatives de coup d’Etat. Il a même dissous l’armée, appelée à l’époque « Echaab el Moussalah » - le peuple armé -, qui a mené contre lui la première tentative de coup d’Etat. En revanche, pendant sa guerre contre l’OTAN, Kadhafi a renforcé les milices et les forces de sécurité spéciales dirigées par ses fils et des membres de sa tribu. C’est d’eux que parlait le fils du « Guide », Seif el Islam Kadhafi lorsqu’il évoquait des dizaines de milliers de Libyens se dirigeant vers Tripoli pour défendre leur « leader ».

La tribu Megarha : C’est de cette tribu qu'est issu celui qui a longtemps été considéré comme le numéro 2 du régime, le commandant Abdeslam Jelloud. La Megarha, proche de la Warfala, a également subi les représailles de Kadhafi après la tentative de coup d’Etat de 1993, avec la mise à l’écart d'Abdeslam Jelloud et de nombreux autres membres de la tribu. Jelloud, qui a souvent critiqué les méthodes de Mouammar Kadhafi, serait actuellement assigné à résidence, selon le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung.

La tribu des Touaregs : Cette importante tribu est l’une des plus vieilles du continent africain et sa présence s’étend sur cinq pays : l’Algérie, la Libye, le Niger, le Burkina Faso et le Mali. En Libye, elle est formée de 500.000 personnes.

Après l'assassinat du général Abdelfattah Younes, chef militaire de la rébellion libyenne contre Mouammar Kadhafi, le reste des tribus libyennes s’est divisé en deux camps principaux :

1. Contre l'intervention militaire de l'OTAN et la politique du Conseil National de Transition libyen : il y a dans ce groupe la majorité des tribus arabes telles les tribus de Banu Slim et d'al-Oubidat, dans laquelle est le général Abdelfattah Younes. Les tribus arabes ont accusé le Conseil National Transition et les services secrets italiens d’avoir organisé l'assassinat de Younes. Elles ont demandé à l'OTAN d'arrêter ses opérations militaires.

2. Avec le Conseil National de Transition : il y a notamment les deux tribus principales : la Warfala et Al Zouaya, qui présentent principalement les tribus des Libou et quelques tribus des Kouloughlis. Au sein de ces tribus, la majorité est contre l'intervention militaire de l'OTAN en Libye notamment en raison du manque de coopération opérationnelle entre l'OTAN et quelques groupes armés d'al-Zouaya, implantés dans une région pétrolifère de l'Est du pays. Les dirigeants de cette tribu ont d'ailleurs menacé de couper les exportations de pétrole vers les pays occidentaux.

Dès les premiers jours de l’opération militaire de l'OTAN contre l'ancien régime libyen, avec ses conséquences politiques, le rôle important joué par certaines tribus pour troubler le colonel Kadhafi est apparu. Elles ont aussi joué un rôle pour assurer le passage vers une période de transition.

Malgré son caractère provisoire, la recomposition ethnique du système politique libyen après la chute de Kadhafi se traduit de manière significative sur la composition des tribus, sur leur puissance et sur leur influence politique. Cela montre la grande transformation qui a eu lieu sur le terrain dans l'équilibre des pouvoirs existants entre les grandes tribus libyennes. La structure historique de la Libye reposait sur un équilibre des pouvoirs et des rôles entre certaines tribus arabes et les tribus berbères des Libous.

Le régime de Kadhafi était basé sur une alliance entre le pouvoir et quelques tribus arabes. Celles-ci n'avaient pas été pleinement satisfaites de la coalition entre les tribus El Ashraf d’une part, et les tribus de Banu Hilal et Banu S’lim d’autre part, qui était à la base de la monarchie senoussiste.

La chute de Kadhafi marque une redistribution des rôles entre les différentes tribus libyennes. Il y a une renégociation de l'équilibre stratégique entre les tribus. Celles-ci profitent de la faiblesse du pouvoir central à Tripoli qui, dans le passé, a travaillé à soutenir le tribalisme, suivant le principe connu en Libye : « plus fidèle à sa tribu qu’à son pays ».



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