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Cisjordanie -

La fausse campagne de boycott de l’Autorité Palestinienne

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Ces dernières semaines, l’Autorité Palestinienne (AP) basée à Ramallah et soutenue par les Etats-Unis et les Israéliens a fait son cirque en appelant les Palestiniens à boycotter les produits fabriqués dans les colonies israéliennes en Cisjordanie. Malgré la rhétorique de défi et de résistance, et les cris d'orfraie des groupes de colons israéliens, la démarche de l’AP semble en fait conçue pour coopter, saper et faire avorter la campagne plus vaste de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) de la société civile palestinienne, et pour rassurer Israël sur la docilité et la collaboration continues du régime fantoche de Ramallah.

La fausse campagne de boycott de l’Autorité Palestinienne


Salam Fayyad jette des produits fabriqués dans les colonies israéliennes (Dayeh Abu Mustafa / MaanImages )

Dans le cadre de ses coups de pub habituels, on a pu voir le « Premier ministre » non élu basé à Ramallah Salam Fayyad jeter des paquets de marchandises produites dans les colonies dans de grands feux de joie. Quant au « président » de l’AP Mahmoud Abbas, il a récemment signé l’engagement « Karama » (dignité), promettant que les marchandises des colonies n’entreraient pas chez lui et encourageant les autres à faire de même. Des bénévoles de l’AP sont allés faire du porte-à-porte en Cisjordanie occupée pour distribuer des listes de biens de consommation à éviter, fabriqués dans les colonies.

Jusqu'à présent, tout est bien. Les Palestiniens et leurs alliés solidaires doivent absolument boycotter les produits israéliens. Depuis 2005, des centaines d'organisations palestiniennes ont signé un appel qui « demande aux organisations internationales de la société civile et les personnes de conscience partout dans le monde d’imposer de larges boycotts et de mettre en œuvre des initiatives de désinvestissement contre Israël, similaires à celles appliquées à l'Afrique du Sud à l'ère de l'apartheid » (Appel au Boycott, aux Sanctions et aux Retraits des Investissements contre Israël, 9 Juillet 2005).

Le mouvement BDS a vu des militants du monde entier demander - avec un succès croissant - aux entreprises de cesser de faire des affaires en Israël, de cesser de vendre des produits israéliens, aux artistes internationaux de ne pas se produire en Israël, aux universitaires de refuser la coopération avec les institutions israéliennes et aux institutions culturelles israéliennes de boycotter les événements parrainés par le gouvernement israélien et visant à enjoliver les pratiques d'apartheid d'Israël.

Récemment, des dizaines d'organisation de jeunesse, indépendantes ainsi qu’alignées avec pratiquement toutes les factions politiques, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la Palestine historique, ont lancé un appel commun sous le titre : « La jeunesse palestinienne unie contre la normalisation avec Israël. » Les jeunes « déclarent notre rejet de la normalisation avec Israël à tous les niveaux - économique, politique, culturel et institutionnel » et leur adhésion aux principes du Comité National Boycott indépendant palestinien qui dirige le mouvement BDS (Des étudiants et des groupes de jeunes s’engagent dans un boycott de grande envergure, 28 avril 2010).

L’appel BDS représente le consensus large de la société palestinienne, mais la campagne de boycott des colonies de l'Autorité Palestinienne le viole de fait et appelle les gens à le défier. Au cours d'une séance de photos où il appose un autocollant sur la porte de sa maison, attestant qu'elle ne contient pas de produits de colonies, M. Abbas a souligné : « Nous ne boycottons pas Israël car nous avons des accords avec lui et recevons de lui des importations. »

De même, le site officiel de l’AP pour l’ironiquement nommé « Engagement Karama » déclare : « En ce qui concerne le commerce avec Israël, le Ministère palestinien de l'Economie confirme la poursuite de sa coopération, comme convenu lors du Sommet de Paris [1994]. »

Aucun doute à tout cela, selon le fameux « respect [par l’AP] des accords signés », dicté par le Quartet (Etats-Unis, UE, Russie et ONU). Mais le site de l’AP reconnaît même qu’Israël lui-même ne respecte pas les accords et que « Israël interdit à tous nos produits d’accéder à ses marchés. De plus, Israël met de nombreux obstacles aux produits palestiniens en attente d’exportation vers des pays étrangers (...). Israël nie même aux Palestiniens les droits convenus dans l'accord de Paris. »

L’obstination de la PA à respecter des accords qu’Israël viole constamment est une nouvelle preuve - s'il en était besoin - de l'incurable soumission de l'Autorité palestinienne. Compte tenu de cette réalité, le but principal de sa campagne est en fait de saper à la fois les méthodes et les objectifs du mouvement BDS croissant et de prêcher aux Palestiniens qu'ils peuvent et doivent faire des affaires avec Israël et autoriser les marchandises israéliennes sur leurs marchés, et coopérer et normaliser avec Israël sans conditions.

L’appel palestinien BDS de 2005 déclare que « des mesures punitives non violentes doivent être maintenues » jusqu'à ce qu'Israël respecte toutes ses obligations envers les droits des Palestiniens et le droit international, en particulier : mettre fin à son occupation et la colonisation des terres arabes et démanteler le mur d'apartheid ; reconnaître les droits des citoyens palestiniens d'Israël à une pleine égalité ; et respecter, protéger et promouvoir les droits des réfugiés palestiniens à retourner chez eux. La campagne de l’AP, en revanche, ne fait aucune mention de ces objectifs, et se concentre strictement sur les produits des colonies - mais même ceci est un engagement vide.

Dans le cadre de la campagne de hasbara (propagande) de l'AP, M. Abbas a publié un décret menaçant de lourdes amendes et de peines d'emprisonnement allant jusqu'à six ans ceux qui s’occupent ou importent des produits des colonies en Cisjordanie . Ce décret n'impose notamment aucune pénalité aux hommes d'affaires palestiniens qui vendent des produits et fournissent des services aux colons. Ces dernières années, des allégations crédibles ont à plusieurs reprises refait surface selon lesquelles un certain nombre de hauts responsables du Fatah et de l’AP, dont le très notoire ex-premier ministre de l’AP Ahmed Qoreï, et les membres de leurs familles, se sont enrichis par la vente du ciment à Israël pour la construction de colonies et du mur de l'apartheid (ou agissant à titre de courtiers pour importer du ciment d’Égypte au nom d'entreprises israéliennes). Malgré des promesses répétées que le procureur général de l’AP enquêterait et poursuivrait de telles violations, cela ne s'est jamais produit. Sans surprise, Abbas et Fayyad - en dépit de leur tout nouveau zèle anti-colonisation - semblent toujours très peu intéressés à enquêter sur la complicité de l’AP.

Alors que le torpillage de BDS est probablement l’objectif principal de la fausse campagne de l’AP, il est probable que ce n’est pas le seul. Le régime Abbas/Fayyad est dépourvu de toute légitimité juridique, politique ou démocratique. Il a investi tous ses efforts dans l’inutile et interminable « processus de paix » sponsorisé par les Etats-Unis qui a fait empirer la situation des Palestiniens par toutes les mesures possibles. Ces dernières années, des campagnes de terrain indépendantes ont été lancées, y compris BDS et les luttes populaires non-violentes contre le mur et les colonies de Cisjordanie . Mais, tout comme l’OLP de Yasser Arafat a été surprise et alarmée par le déclenchement de la première Intifada palestinienne en 1987 et a agi rapidement pour essayer de la contrôler et de la coopter, la direction de l’AP tente de faire exactement la même chose aujourd’hui. L'Autorité palestinienne n'est pas seulement en train de tenter de saper le BDS indépendant et les campagnes de terrain de la base populaire, mais de les coopter en raison précisément de leur montée en puissance, de leur popularité et de leur légitimité comme stratégies de libération, dans l'espoir qu'une partie de cette légitimité déteindra sur le régime de Ramallah.

Electronic Intifada a, le 13 avril, fait état de l’arrestation, en pleine nuit, de Mousa Abu Maria, co-coordinateur de Palestine Solidarity Project, mouvement de la base populaire dans le village de Beit Ommar (entre Bethléem et Hébron, ndt).

Abu Maria, comme rapporté dans The Economist, voit le soudain intérêt de l’AP pour la résistance populaire non violente comme « une offre voilée de M. Fayyad pour prendre le contrôle d'un mouvement populaire indépendant et pour transformer l’élan pour un Etat palestinien en une cause sans rebelles. » (Can Palestinians peacefully build a state? 20 mai 2010).

Plus généralement, les groupes paramilitaires de l’AP entraînés par les États-Unis poursuivent leur répression sévère de toute sorte d'activisme et d’organisation indépendants en Cisjordanie occupée.

Quelle ironie aussi que l'Autorité palestinienne ait lancé sa campagne contre les colonies au moment précis où elle s’est engagée dans des « pourparlers de proximité » avec Israël négociés par les Etats-Unis. L'Autorité palestinienne avait auparavant juré de ne reprendre aucun type de négociation jusqu'à ce que Israël cesse toute construction de colonies en Cisjordanie , y compris à Jérusalem occupée. Israël a défié les demandes du président américain Barack Obama d'arrêter la construction, mais au lieu de tenir tête à Israël, les Américains ont fait pression sur l'Autorité palestinienne pour qu’elle retourne aux négociations sans conditions ni garanties.

Ainsi, le boycott des colonies agit comme une couverture pour l’abjecte incapacité de l'Autorité palestinienne à tenir ses promesses, même les plus modestes, et encore moins à obtenir des concessions réelles d'Israël ou de ses sponsors américains pendant les négociations. Il est tout aussi clair qu’il s'agit d'une diversion. Selon de nombreux rapports, les Israéliens et les Palestiniens ont convenu, en principe, au cours des pourparlers de proximité, d’un « échange de terres ». Ce n'est pas nouveau, c’est un article de l’industrie du processus de paix que dans une solution à Deux Etats, Israël ne retirerait que quelques colonies symboliques alors que la grande majorité, en particulier celles situées dans et autour de Jérusalem occupée, qui hébergent au moins 80% des colons, seraient annexées à Israël.

En échange de la réception de Jérusalem-Est et de grandes parties de la Cisjordanie , Israël donnerait aux Palestiniens quelques dunes de sable près de la bande de Gaza (les soi-disant Sables d’Halutza) et quelques collines isolées et arides au sud d'Hébron.

Ainsi, alors que les dirigeants de Ramallah - qui n'ont pas ni mandat ni pouvoir du peuple palestinien, que ce soit sous l'Autorité palestinienne ou l’Organisation de Libération de la Palestine, pour négocier en son nom - font leur comédie de boycott des produits des colonies, leur ordre du jour réel est de promouvoir la normalisation économique, de saper BDS et de légitimer les colonies par des « négociations ».

Ce à quoi l’AP reste fermement engagée, c’est à soutenir le blocus total et le siège d’Israël du peuple palestinien dans la Bande de Gaza sous occupation israélienne. Tout en faisant semblant, de temps en temps, de demander la fin du blocus, les dirigeants de l’AP de Ramallah soulignent toujours qu’il ne doit se terminer que selon les termes dictés par le Quartet : à savoir que les milices de l’AP soutenues par les Etats-Unis et Israël doivent revenir à Gaza pour y policer et y réprimer les Palestiniens pour le compte d’Israël, exactement comme elles le font en Cisjordanie .

L'Autorité Palestinienne de Ramallah n’a notamment offert aucun soutien à la flottille internationale courageuse actuellement en route vers Gaza dans une nouvelle tentative de briser le blocus, au milieu des menaces de violence d'Israël. Pourquoi l’AP n’a-t-elle pas demandé à ses « amis » et bienfaiteurs de la « communauté internationale » d’envoyer leurs marines pour protéger cette flottille pacifique et non violente et s'assurer qu'elle parvienne à Gaza? Dans la pratique, la politique de l’AP revient à un soutien total du siège.

Quelques personnes ont été impressionnées par la campagne anti-colonisation de l'AP, la considérant comme une étape « dans la bonne direction. » Mais personne ne doit être dupe. Les Palestiniens et leurs alliés doivent rester clairement axés sur la simple vérité que ceux qui continuent à se coordonner avec les forces d'occupation israéliennes pour traquer les Palestiniens la nuit ne peuvent endosser le manteau de la résistance populaire le jour.


Source : Electronic Initifada

Traduction : MR pour ISM

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