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ISM France - Archives 2001-2021

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Jérusalem -

La judaïsation de Jérusalem

Par

Le docteur Abdel Sattar Kassem est professeur en science politique à l'Université nationale an-Najah de Naplouse.

La judaïsation de Jérusalem a récemment occupé une place prépondérante dans les médias arabes et musulmans, et elle fait l'objet de déclarations nombreuses de responsables et chefs d'Etat au motif que l'avenir de la ville préoccupe ceux qui se soucient des lieux saints islamiques et chrétiens qui s'y trouvent. De récentes conférences à Doha et à Beyrouth ont publié des déclarations confirmant l'identité arabe de Jérusalem et la nécessité de protéger les lieux saints, au même titre que les monuments culturels et historiques qui caractérisent la ville.
Pendant que cette rhétorique puissante en défense de Jérusalem se répandait, les bulldozers israéliens créaient de nouvelles routes dans la ville et préparaient le terrain pour la construction de nouvelles unités de logement pour des colons juifs illégaux, Israël poursuivant rapidement sa politique de judaïsation.

La judaïsation de Jérusalem

Colonie juive illégale Har Homa, Jérusalem Est occupée
Nous entendons souvent des dirigeants et des médias arabes dire qu'il y a une conspiration sioniste pour la judaïsation de Jérusalem, déclarations habituellement suivies de critiques acerbes du sionisme, d'Israël et de ses partisans, sans savoir exactement les détails du complot. Ils croient qu'il y a une conspiration en coulisses, mais Israël ne judaïse pas Jérusalem en cachette ou en secret ; les manœuvres israéliennes ont lieu au vu et au su de tous, et nul besoin de longues explications. Israël confisque la terre palestinienne et démolit les maisons palestiniennes à la vue du monde et des médias. Les preuves sont disponibles, et depuis longtemps, dans des livres, des magazines, des journaux et des émissions de télévision.

Les plans du processus de judaïsation de la ville de Jérusalem remontent à 1918, lorsque le général britannique Edmond Allenby a convoqué l'ingénieur William McLean pour qu'il développe un plan de réorganisation de la ville. En 1919, les autorités du Mandat britannique et le mouvement sioniste naissant ont demandé à Patrick Geddes d'élaborer un schéma directeur pour Jérusalem. Des aménagements ont eu lieu jusqu'en 1948 et à nouveau de 1967 jusqu'à aujourd'hui.

Il est important de noter que les plans d'Israël sont publiés et disponibles au public, mais il semble que les Arabes n'aiment pas lire et qu'ils pensent qu'ils libèreront Jérusalem par des discours. Les projets d'Israël au sujet de la vieille ville et de ses environs sont clairs, et comprennent les détails sur les zones résidentielles, rues, attractions touristiques, institutions publiques, marchés et parcs, parkings, hôtels, écoles, stades, etc. Comme ils sont clairs pour ce qui concerne les zones résidentielles pour les Arabes, et le pourtour de la vieille ville, dont l'ancien cimetière musulman et Silwan. Autrement dit, il n'y a rien de nouveau, pour les médias, à découvrir et à révéler, rien qui n'ait déjà été divulgué.

Bien que les plans israéliens soient publiés et détaillés, les dirigeants palestiniens et arabes ne passent "à l'action" que lorsque les médias israéliens et occidentaux parlent de la mise en œuvre de nouveaux projets dans la ville sainte. Par exemple, il est manifeste qu'Israël a ébauché les plans de démolition des maisons de Silwan il y a longtemps, mais les réponses palestiniennes et arabes n'apparaissent qu'en même temps que les bulldozers. Ce fut aussi le cas pour le secteur Jabal Abu Ghneim (maintenant la colonie illégale HarHoma), représenté sur les croquis israéliens comme une colonie "dans la banlieue de Jérusalem", mais les leaders arabes n'ont exprimé leur préoccupation qu'après qu'Israël ait commencé à préparer le terrain pour la construction des logements.

L'influence des médias pour révéler la politique israélienne de judaïsation ne devient perceptible que lorsque les gens voient les chantiers de construction dans les nombreuses colonies éparpillées dans toute la Cisjordanie occupée, tranquillement et sans aucun bruit. Ces logements ne soulèvent aucune inquiétude parmi les dirigeants arabes ou palestiniens, ni dans les médias arabes et palestiniens, même si tout le monde peut les voir, et que les passants les voient grandir de jour en jour. Ceci m'amène à me demander si ces leaders feraient ou diraient quoi que ce soit si Israël mettaient en œuvre ses plans sans couverture médiatique. Je ne crois pas. Les responsables arabes et palestiniens n'agissent en défense de Jérusalem que lorsqu'ils sont embarrassés, et non parce qu'ils veulent sauver la ville. Si l'inverse était vrai, n'entendrions-nous leur indignation qu'après le démarrage des projets israéliens ?

Depuis 1948, les actions arabes concernant Jérusalem Est se sont centrées sur les questions suivants :

a) Sous le régime jordanien, la municipalité de Jérusalem a développé deux plans pour le secteur oriental de la ville, en 1962 et en 1965, dans lesquels ils ont identifié des zones résidentielles et industrielles, mais Israël s'est emparé de la ville en 1967.

b) Depuis 1967, les Arabes ont déposé des plaintes auprès des Nations Unies contre Israël à Jérusalem Est, et plusieurs résolutions non contraignantes ont été émises par l'Assemblée générale et le Conseil de Sécurité des Nations Unies, qui demandaient à Israël de ne pas changer le caractère de la ville sainte et de cesser toutes procédures en cours dans ce sens. Israël les a ignorées et a poursuivi la mise en œuvre de ses plans, au vu et au su du monde entier, et les Arabes continuent à vouloir aller à tout prix à l'ONU. Par exemple, le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a exprimé son intention d'aller à l'ONU pour faire stopper la judaïsation de Jérusalem.

c) Des Arabes palestiniens ont essayé d'implanter des projets immobiliers à Jérusalem Est après 1967, comme le projet Nusseibeh, mais ils n'y ont généralement pas donné suite à cause des actions d'Israël et de ses attaques sur l'immobilier palestinien.

d) Les initiatives arabes se sont largement focalisées sur des déclarations condamnant et dénonçant la politique de judaïsation adoptée par Israël, et sur l'allocation de quelques subventions de soutien à la population de Jérusalem. Certains de ces subventions ont déjà été distribuées et investies de manière adéquate.

Photo
Février 2012, les troupes sionistes attaquent la Mosquée Al-Aqsa


Parallèlement à sa politique de judaïsation, Israël s'est acharné à mettre les Palestiniens dans une position d'insécurité aux niveaux économique, du logement et physique. Des taxes disproportionnées par rapport aux niveaux des revenus ont été imposées et les Palestiniens sont sous pression économique pour les contraindre à rejoindre le marché du travail israélien, et devenir ainsi dépendants de l'occupation pour gagner leur vie. Ils lient l'avenir économique de leurs enfants à Israël, qui les empêche de rénover leurs maisons et impose des règles très strictes sur les permis de construire, que ce soit pour agrandir les maisons existantes ou en construire de nouvelles. Israël n'hésite pas à démolir leurs maisons, qu'elles aient un permis de construire de l'époque jordanienne, ou qu'elles n'en aient pas de la municipalité de Jérusalem, qui exécute la politique de judaïsation de l'Etat. Israël poursuit également les Palestiniens pour des raisons politiques et sécuritaires, et arrête nombre d'entre eux sous "détention administrative", multipliant les fouilles et créant un climat de terreur.

Israël maintient la population palestinienne dans l'incertitude dans l'espoir qu'elle parte d'elle-même (le "transfert silencieux") et beaucoup l'ont fait. Ils n'ont pas pu supporter la pression constante et ont préféré déménager dans d'autres parties de la Cisjordanie occupée. D'autres sont partis à l'étranger.

En même temps, Israël s'emploie à fournir des garanties aux Juifs pour les encourager à vivre à Jérusalem, Est et Ouest, et d'y rester sans qu'ils aient envie d'en partir. C'est ainsi qu'il procure un emploi à tous ceux qui sont en âge de travailler, et des logements dans les colonies illégales à des conditions financières très avantageuses.

Cette question est le point précis illustrant que les Israéliens vont trop loin, et les Arabes pas assez. Israël comprend l'importance de la question de la sûreté, alors il précarise les Palestiniens et rassure les Juifs. Les Palestiniens, quant à eux, ont été conduits à croire qu'ils pouvaient se reposer sous occupation et non pas mettre les Israéliens sous toutes formes de pression pour qu'ils y réfléchissent à deux fois avant de s'installer à Jérusalem Est. Beaucoup d'Arabes pensaient que la solution aux problèmes de la population de Jérusalem était l'argent, sans se rendre compte que l'argent peut affluer dans les coffres israéliens grâce aux politiques fiscales de Tel Aviv. Des fonds arabes ont aidé la population de Jérusalem jusqu'à un certain degré, mais ils ont aussi stimulé la trésorerie israélienne.

Il est important de renforcer l'esprit patriotique de la population de Jérusalem en valorisant son sentiment d'appartenance et de loyauté, et en guidant les individus et les groupes vers la résistance économique, le refus de la normalisation dans des circonstances très anormales, et l'opposition à la judaïsation. Ceci ne veut pas dire que la population de Jérusalem n'est pas patriote, mais que des programmes faisant la promotion de la conscience nationale devraient être mis en place par l'OLP et les factions palestiniennes ; ceci amplifierait le sentiment de sûreté des Palestiniens et réduirait celui des Israéliens. Les politiques arabes doivent contrer les politiques israéliennes.

Malheureusement, l'accent mis sur l'argent a conduit à la corruption financière, et a nui à la population de Jérusalem et à la cause de sa ville. Il est aussi regrettable que quelques dirigeants censés défendre Jérusalem aient déjà reconnu Israël et normalisé les relations ; ils donnent un mauvais exemple de patriotisme.

L'argent seul ne sauvera pas Jérusalem ; elle a besoin des gens. S'ils sont solides d'un point de vue patriotique, psychologique et idéologique, alors les fonds renforceront leur position. Mais s'ils sont impuissants, alors toutes les subventions du monde ne les aideront pas ; seuls les peuples peuvent maintenir une cause en vie. Ce n'est pas un secret, pour la plupart des Palestiniens, que le but des Israéliens, et des Arabes et des Palestiniens qui collaborent avec eux, est de conquérir la Palestine et de transformer les Palestiniens en consommateurs sans réelle existence humaine.

En raison de l'incapacité des Arabes et des Palestiniens à faire face à Israël d'une manière que ses dirigeants comprennent, il continuera à judaïser Jérusalem en se moquant totalement des conférences et des déclarations arabes. Le président de l'Autorité palestinienne n'aura pas d'autre choix que de courir aux Nations Unies et d'exhorter les Arabes à visiter Jérusalem, avec un permis israélien pour prier à la Mosquée Al-Aqsa sous bonne garde armée israélienne.

S'il faut prier avec autorisation israélienne et sous les fusils, pourquoi la récompense d'une prière à Al-Aqsa serait-elle tellement plus grande qu'une prière dans n'importe quelle autre mosquée ? (1)


(1) Pour les Musulmans, une prière à Al-Aqsa vaut 500 prières dans une mosquée ordinaire.


Photo
Le professeur Abdel Sattar Kassem




Source : Middle East Monitor

Traduction : MR pour ISM

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