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ISM France - Archives 2001-2021

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Israël -

La torture en Israël : peur et tremblements

Par

in Ha’Aretz (quotidien israélien) du lundi 13 janvier 2003

Le 18 décembre 2002, l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies a adopté à la majorité des voix le Protocole Additionnel à la Convention Contre la Torture et Autres Traitements et Punitions Cruels, Inhumains ou Dégradants.
Les Nations Unies ont annoncé que les représentants de cent vingt sept Etats, dont Israël, ont voté pour le protocole ; quatre ont voté contre (les Etats-Unis, les Îles Marshall, le Nigéria et le Palau), quarante deux s’étant abstenus.
Le lendemain, la Radio Israélienne diffusait cette information, ainsi qu’une interview du conseiller auprès du Comité Public contre la Torture en Israël, Yuval Ginbar, qui prépare un doctorat de droit international et de protection des droits de l’homme en Grande-Bretagne.

Cependant, deux jours après, la Radio Israélienne diffusait une information selon laquelle le vote d’Israël en faveur du Protocole avait été « une erreur ».

Une source sûre, au Ministère des Affaires Etrangères, à Jérusalem, expliqua que, dès le début des débats, Israël avait eu l’intention de voter contre l’approbation de la résolution, mais qu’en raison d’une « erreur technique d’origine humaine », il avait émis un vote positif.

L’erreur une fois largement connue, la délégation israélienne s’empressa d’informer les institutions de l’ONU de sa survenue et ces institutions firent le nécessaire afin de corriger cette erreur dans leurs déclarations ultérieures.


Cette source expliqua, par ailleurs, que durant les délibérations, préalablement au vote, Israël avait exprimé son opposition au protocole, dont le but est d’étendre et de renforcer les mécanismes d’inspection et de contrôle de la Commission contre la Torture – qui est active depuis des années sur la base de la Convention sur la Torture existante – laquelle a été adoptée par l’ONU en 1984 et ratifiée par Israël en 1991.

En dépit de la ratification de cette Convention, qui comporte la prise de toutes mesures nécessaires pour faciliter les visites des comités d’inspection dans les prisons des pays signataires, afin de s’assurer que la torture n’y est pas pratiquée, le gouvernement israélien n’a jamais autorisé les membres des comités à effectuer des visites et des inspections dans les prisons placées sous son administration.


Israël, à l’instar des Etats-Unis, s’est opposé à la mise en application concrète du protocole optionnel au prétexte qu’il ne serait nul besoin d’un mécanisme supplémentaire venant s’ajouter à celui qui est prévu par l’ancienne Convention.

Les Etats-Unis, qui ont été en butte à des critiques croissantes en raison de violations des droits humains accompagnant leur guerre contre le terrorisme, ont tout fait afin de torpiller la résolution sur le Protocole, à l'ONU. Ils ont mis en avant une proposition qui ne serait financée que par les pays qui l’avaliseraient, mais leur proposition a été rejetée à la majorité des voix.


Le Protocole Additionnel à la Convention sur la Torture vise à promouvoir et à renforcer les moyens permettant de mettre en application dans les faits la convention existante – en assurant la protection des personnes auxquelles leur liberté est déniée, en évitant qu’elles soient torturées et en garantissant le respect de leurs droits humains fondamentaux.
Conformément aux attendus du protocole additionnel, le Secrétaire Général de l’ONU a été prié de l’ouvrir, à partir du 1er janvier de cette année, à tous les Etats signataires de la convention déjà existante.


Le but du protocole est d’établir un système de visites régulières dans les prisons, lesquelles visites doivent être effectuées par des organismes nationaux et internationaux indépendants.
En vertu du protocole additionnel, un sous-comité ad hoc de dix membres, pour la prévention de la torture, sera créé : il agira dans le cadre de l’ONU, sera financé par elle et sera le bras exécutif du comité sur la torture déjà existant, qui publie périodiquement des rapports qui passent en revue la situation des pays signataires en matière de respect des droits de l’homme.


Les membres du sous-comité seront issus des secteurs de la justice (law enforcement), de la législation, de la médecine et de la sécurité sociale. Ils seront nommés par les Etats signataires du protocole. A côté du sous-comité, dans chaque pays membre, il y aura un mécanisme national, local, destiné à prévenir la torture.

Les Etats signataires du protocole additionnel seront dans l’obligation de garantir au sous-comité un accès libre à leurs prisons et centres de détention, de fournir au sous-comité toutes les informations nécessaires relatives à ces centres de détentions et aux conditions qui y règnent et de l’autoriser à y mener à bien tous les entretiens personnels et confidentiels avec les prisonniers qu’il entend effectuer.


Une véritable faille juridique

Au cours des débats tenus à l’ONU sur le projet de protocole, les organisations de défense des droits humains, dont le Comité Public contre la Torture en Israël, accueillit très favorablement la nouvelle initiative, tout en exprimant des réserves sur certaines de ses dispositions.

Le comité israélien demanda que la formulation des dispositions prohibant la torture fût renforcée en y ajoutant l’expression « interdiction totale » afin d’empêcher que l’on pût fermer les yeux sur des pratiques qui étaient jusqu’à encore récemment prohibées, mais qui étaient entrées en usage dans le contexte de la « guerre internationale contre le terrorisme ».


Le Comité contre la Torture en Israël exprima des réserves au sujet de la disposition prévoyant des visites dans les centres de détention, laquelle disposition stipulait que ces visites devraient être régulières et décidées au préalable d’un commun accord, et il demanda qu’il fût stipulé que ces visites seraient inopinées.

Il exprima également son opposition à la disposition permettant à des pays de s’opposer aux visites du sous-comité dans des prisons se trouvant sur leur territoire en invoquant des impératifs de sécurité, notamment lorsque la sécurité de l’Etat était en jeu. Cette disposition, déclara le Comité israélien, représentait une véritable échappatoire, ce qui ne pouvait manquer d’alarmer sur le risque que des Etats n’y trouvent une occasion d’abus.

Le problème de la torture des résidents palestiniens des territoires occupés, lorsqu’ils sont arrêtés et au moment de leur interrogatoire dans les centres de détention et d’interrogatoire en Israël a été souvent évoqué au comité de l’ONU contre la torture.

Dans un rapport soumis en novembre 2001, le gouvernement israélien avait reconnu que dans certains cas « isolés », au cours des deux années précédemment écoulées, les enquêteurs du service de sécurité Shin Bet avaient usé de violence à l’encontre d’individus soupçonnés d’être des « bombes à retardement » afin, dirent-ils, de prévenir des attaques terroristes.

Le Shin Bet affirmait que cela avait reçu l’agrément de la Cour Suprême, dans le cadre d’une loi qui interdisait le recours à des moyens physiques contre des suspects.

Au Shin Bet et au Bureau du Procureur de l’Etat, on ne spécifie généralement pas quels sont ces moyens spéciaux d’interrogatoire utilisés contre des suspects définis comme des « bombes à retardement » afin d’en extirper des informations et des confessions, et on n’utilise jamais le mot « torture ».


En février et en mars 2002, à la suite de plaintes de torture soumises individuellement par deux Palestiniens, Nasser Massoud Ayad et Jihad Rida Shuman, le directeur du service des assignations spéciales au bureau du Procureur de l’Etat, l’avocat général Talia Shushan reconnut devant le Comité contre la Torture en Israël que des interrogateurs avaient eu recours à des moyens exceptionnels afin d’interroger ces deux hommes.


Dans deux réponses formulées de manière identique, Shushan a écrit : « L’interrogatoire d’Ayad [ainsi que celui de Shuman, J. A. – a été effectué alors qu’il était suspecté d’être une « bombe à retardement ». Parmi les moyens d’interrogatoire (musclé) utilisés, il y eut, parmi les attendus, une lourde suspicion et l’affirmation que les preuves matérielles étaient contre lui, le caractère décisif et urgent de la nécessité d’obtenir l’information en sa possession et le fait qu’aucun autre moyen n’existait qui permît d’y aboutir.

L’enquête sur les modes d’interrogatoire qui furent employés dans le contexte des circonstances rapportées [à la suite de l’examen en cours – J. A.] montre que les modes d’interrogatoire employés correspondaient aux « besoins de la défense (nationale) » et que par conséquent le vice-avocat général [qui est aussi] le procureur de l’Etat d’Israël, a décidé qu’en l’espèce la culpabilité criminelle ne s’appliquait pas aux interrogateurs en raison des moyens d’investigation qu’ils avaient employés, et qu’il n’y avait pas de motif à prendre de quelconques mesures légales à leur encontre. Il convient de noter que cette décision est conforme, à notre avis, à la méthode retenue par la Cour Suprême. »

En mai 2002, dans un rapport conjoint soumis au Comité de l’ONU sur la Torture par l’organisation Law – Organisation palestinienne de défense des droits de l’homme et le Comité public contre la Torture en Israël et dans la région, ainsi que l’organisation mondiale contre la torture basée à Genève, portèrent toutes trois plainte contre le grand nombre de cas de tortures de prisonniers palestiniens qui avaient été, dans les faits, approuvés par la Cour Suprême.


Le petit nombre d’informations dans les médias au sujet des tortures infligées à des suspects palestiniens est trompeur et ne correspond absolument pas à la réalité sur le terrain, accusent les associations de défense des droits de l’homme et leurs avocats.

L’Avocat général Gaby Lasky, du Comité public contre la torture, ainsi que son directeur exécutif, Hanna Friedman, expliquent que les bouclages et le couvre-feu ne permettent pas d’accéder aux juristes palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza. Ils ne peuvent quitter leur lieu de résidence afin de rencontrer des prisonniers.

Les avocats ont de grandes difficultés à obtenir des autorisations de la part des militaires et des autorités enquêtrices les autorisations leur permettant de rendre visite à des prisonniers dans les centres de détention.

Les autorité publient souvent des directives afin d’empêcher les rencontres entre un détenu et son avocat, dont le rôle consiste pourtant en partie à expliquer au prisonniers quels sont ses droits et de prévenir le recours à des modes d’interrogatoire prohibés par la loi.
Menaces, coups, secouage


Des plaintes de torture qui sont envoyées au bureau du Procureur de l’Etat se voient souvent opposer la réponse selon laquelle, après examen effectué par ses soins, il s’avère que l’interrogatoire « a été conduit de manière correcte ».

Toutefois, lorsque, après beaucoup de temps, une rencontre avec l’avocat est possible, le juriste entend de la bouche du détenu qu’il a été soumis à des pressions physiques durant son interrogatoire.

Très nombreux sont les prisonniers à hésiter à porter plainte contre leurs interrogateurs du Shin Bet en raison de la peur des représailles qui pourraient être déclenchées envers eux. La plupart des prisonniers élargis préfèrent observer un profil bas afin de ne pas risquer d’être arrêtés et brutalisés à nouveau.


Pour Bassem Eid, directeur exécutif du groupe de défense des droits de l’homme palestinien, les interrogateurs du Shin Bet emploient la torture dans un unique but – retirer un maximum d’informations des suspects – même s’ils ont entière conscience que la torture ne constitue en rien un moyen efficace de prévenir les attaques terroristes.

La torture instille la peur, en tout premier lieu parmi les familles des suspects ainsi que dans leur environnement immédiat. Eid cite des parents qui l’ont contacté après que leurs chers enfants aient été arrêté et il dit qu’ils étaient peu soucieux à propos de leur arrestation elle-même : leurs principales craintes se concentraient sur les coups probables qu’ils recevraient au cours de leur interrogatoire.

Ha’Aretz détient un certain nombre de déclarations (sous serment) de prisonniers– certaines seront citées ci-après –, déclarations dans lesquelles ils se plaignaient de torture à des avocats de l’association Law ainsi qu’au Comité Populaire contre la Torture en Israël.


Ainsi, A. G., de Gaza, a déclaré qu’au cours de son interrogatoire il était resté attaché sur une chaise durant plus de dix heures. Ses interrogateurs l’avaient secoué violemment, à plusieurs reprises, et en raison de ces « secouages » il souffre de violents maux de tête et de problèmes respiratoires.

Il a déclaré que ses interrogateurs avaient menacé d’arrêter sa mère et ses sœurs et de les violer. De la transcription de son procès, à la cour militaire de Gaza, et du verdict prononcé contre lui, il ressort qu’A. G. n’était pas une « bombe à retardement », et que par conséquent, l’argumentation ‘justifiant’ la torture dont il avait souffert au cours de interrogatoire, notamment les « secouages », ne tenait pas.

A.G. a été jugé coupable d’appartenir à une organisation interdite ainsi que de détenir des armes et d’avoir subi un entraînement au sabotage.

Dans son verdict, le juge militaire, le lieutenant colonel Yaakov Cohen, qui a condamné A. G. sur la base de ses aveux, détermina que le niveau de son entraînement était sommaire et que son appartenance à l’organisation Al Kutla al-Islamiyya (Bloc islamiste) n’avait pas pour objectif la perpétration de sabotages.

A. G. a été condamné à quatre ans de prison, dont 32 mois fermes.
K.A., de Naplouse, s’est plaint du fait qu’après son arrestation intervenue en juin 2002, l’officier qui l’interrogeait l’a projeté sur le sol à plusieurs reprises. Lors de sa détention à Hawara, affirmait-il, les soldats l’avaient passé à tabac.

Lors de son interrogatoire au commissariat de police de Petah Tikva, ses interrogateurs du Shin Bet l’attachèrent sur une chaise, le dos recourbé en arrière ; il ne fut pas autorisé à s’asseoir normalement sur la chaise, jusqu’à ce qu’il s’évanouît. Durant les dix premiers jours de son interrogatoire, les interrogateurs l’empêchèrent de dormir ; à chaque fois qu’il s’assoupissait, ils le battaient.

Une nuit, toujours attaché sur la chaise, il urina et mouilla son pantalon à deux reprises – il dit que cela est arrivé à cause de l’intensité des tortures et des coups subis et aussi en raison de sa privation de sommeil. Au cours d’une seule nuit, ses interrogateurs le forcèrent à se doucher à quatre reprises.



H.M., de Naplouse, qui avait arrêté car soupçonné de détenir des armes, se plaignit qu’un officier lui avait donné des coups de pied tandis qu’il l’interrogeait. Alors qu’on le conduisait au camp de Hawara, dit-il, des soldats lui donnèrent des coups dans les genoux.

Ayant les yeux bandés, il ne savait pas si on le frappait avec une crosse de fusil ou avec un casque militaire.

Au camp de Hawara, H.M. fut enfermé, menotté, dans une cellule pleine d’excréments et d’ordures. Il a été piqué par des insectes sur l’ensemble du corps. H.M. a été ensuite détenu six jours durant dans la prison de Kishon, d’où il fut transféré vers un lieu qu’il ne put identifier et où il fut détenu durant vingt-cinq jours.

Dans ce lieu de détention inconnu, ses interrogateurs le harcelèrent de questions vingt quatre heures sur vingt quatre, tandis qu’il avait les poignets et les chevilles attachés à une chaise en bois.

D’après lui, un interrogateur répondant au nom d’Eldad le frappa à la tête. H.M. se plaignit d’avoir été maintenu dans une cellule d’isolement, dans laquelle on faisait fonctionner un ventilateur extrêmement bruyant. Ses interrogateurs claquaient la porte violemment et hurlaient en permanence afin de l’empêcher de dormir.

A.B., de Naplouse, se plaignit du fait qu’au cours de son interrogatoire, en septembre 2002, à la prison du Quartier Russe de Jérusalem (Moskobiyyé, ndt), il dut rester les poings et pieds liés. Comme on l’empêchait de dormir, il s’évanouit. Il dit que ses interrogateurs le frappaient sur toutes les parties du corps. Il reçut des coups sur le nez, qui lui causèrent des douleurs très intenses et prolongées.


Dans une déclaration sous serment, H.A. , d’Hébron, s’est plaint que durant son interrogatoire à la prison d’Ashkelon, il a été torturé en étant attaché dans une position extrêmement douloureuse sur une chaise, avec un sac sur la tête, durant plus de douze heures. Ses interrogateurs l’ont menacé de détruire sa maison s’il n’ « avouait » pas.


M.A., de Gaza, qui fut lui aussi interrogé à la prison d’Ashkelon, a indiqué qu’il a été frappé tandis qu’il était attaché par des liens métalliques à une chaise. A plusieurs reprises, il fut maintenu, lui aussi, dans la position dite « de la grenouille ».

Les requêtes en vue de l’examen des plaintes de ces prisonniers, soumises par le Comité Public contre la Torture en Israël à l’examen du directeur du service des assignations spéciales au Bureau du Procureur de l’Etat, le procureur Shushan, sont restées sans réponse. Le bureau du porte-parole du ministère de la Justice a fait répondre, quant à lui, que ces plaintes sont en cours d’étude.


Article paru dans le Point d'information Palestine
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