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Egypte -

Les nouveaux riches d'Egypte et les Palestiniens

Par

Joseph Massad enseigne la politique moderne et l'histoire intellectuelle arabes à l'Université Columbia à New York.

Depuis que Sadat a vendu l'Egypte aux intérêts américains et israéliens dans la seconde moitié des années 1970, la presse officielle sadatiste et toute une nouvelle classe de nouveaux riches égyptiens ont lancé une campagne soutenue contre le peuple palestinien. Cette nouvelle classe, enrichie par la vente active de leur pays aux plus offrants, a ciblé les Palestiniens dans le but de délégitimer leur cause aux yeux de millions d'Egyptiens qui les avaient soutenus dès avant 1948 et qui étaient opposés au bradage sadatiste. Cette campagne faisait et fait partie intégrante de la campagne de désarabisation de l'Egypte de manière à ce qu'elle, ou ses nouveaux riches, rejoigne le bloc anti-arabe d'Israël et des Etats-Unis, dont cette classe est la principale bénéficiaire. Moubarak a continué la même politique, bien que ses campagnes de presse anti-palestiniennes se soient déployées par intermittence selon le besoin de diffamer.

Les nouveaux riches d'Egypte et les Palestiniens

Cérémonie de recueillement à Gaza en mémoire aux 16 gardes-frontières égyptiens assassinés le 5 août 2012
Les campagnes des sadatistes et des nouveaux riches ont inventé des histoires sur les Palestiniens qui avaient perdu leur pays parce qu'ils étaient eux-mêmes "vendus" et qu'ils avaient "vendu leur pays aux Juifs". Ces rumeurs continuent d'être largement répandues dans la société égyptienne, à tous les niveaux, jusqu'à ce jour, soutenues qu'elles sont par la haine chauvine absolue engendrée par cette classe mesquine et inculte, qui, sous Moubarak, a continué de dévaliser le pays et d'appauvrir de vastes secteurs de sa population en accumulant des milliards de dollars. La campagne anti-palestinienne était au centre du projet sadatiste d'instituer un nationalisme égyptien chauvin anti-arabe à la place du nationalisme arabe égyptien. Accuser les Palestiniens d'avoir vendu leur pays est bien sûr une manœuvre de diversion utilisée par une classe compradore égyptienne qui, en fait, a vraiment vendu l'Egypte aux plus offrants (en plus des Américains et des Israéliens, les Saoudiens ont également été les acheteurs favoris) depuis les années 1971 et lutte contre la transformation actuelle du pays de manière à pouvoir liquider ce qui reste du pays sans entrave.

La machine à rumeurs anti-palestiniennes des années Moubarak est allée de l'horrible à l'absurde pur et simple, reflétant le manque de subtilité et de connaissances de cette classe et de ses agents de presse à l'ignorance affligeante. Le régime a propagé la rumeur que le Hamas était à l'origine du bombardement de l'église d'Alexandrie en janvier 2011, que la pénurie de médicaments traitant le diabète et la tension, qui a conduit à une grève des pharmaciens, était à mettre sur le compte des médicaments soi-disant expédiés à Gaza au détriment des Egyptiens. Que Gaza ait besoin d'antibiotiques, de bandages, d'anesthésiques, de matériel chirurgical et de sang pour ses blessés victimes des bombardements israéliens semblait indifférent à ces rumeurs vicieuses, comme l'argument que la fourniture de médicaments traitant le diabète et la tension prévue pour une population de 80 millions d'Egyptiens n'aurait guère été affectée, si quelques-uns de ces médicaments avaient été expédiés à une population d'un million et demi de Gazaouis (ce qui en tous cas ne s'est pas produit). Alors que le soulèvement faisait rage en janvier 2011, la machine à propagande de Moubarak et des nouveaux riches qui le soutenaient ont commencé à répandre des rumeurs que les manifestants de la Place Tahrir étaient en fait des agents du Hamas et autres Palestiniens, et non de vrais Egyptiens.

Des amitiés et des liens cosmopolites

L'entichement de cette classe pour les Américains et les Israéliens, à qui elle était en train de vendre son pays, n'avait et n'a aucune limite. Certains sont même allés jusqu'à justifier leur amour pour les Juifs israéliens en affirmant que le "cosmopolitisme" de l'Egypte leur manquait, y compris les Juifs égyptiens avec lesquels leurs parents auraient été amis, raison pour laquelle ils sont aujourd'hui amis et partenaires d'affaire avec des Juifs israéliens - et c'est bien sûr le peuple palestinienne qui a perturbé les amitiés et liens cosmopolites, et non le terrorisme israélien et l'opération d'espionnage connue sous le nom d'Affaire Lavon en 1954 et l'invasion israélienne de l'Egypte en 1956, qui a provoqué l'exode des communautés juives d'Egypte dans les années 1950. Que cette classe compradore égyptienne ait fait des affaires avec les colons juifs européens (sans lien à l'Egypte) qui en fait opprime les Juifs arabes - y compris égyptiens - en Israël, et non avec les Juifs égyptiens, échappe à leurs arguments simplistes qui les présentent comme astucieusement intelligents.

L'essentiel, cependant, est que malgré la rhétorique haineuse et insipide de cette classe de parvenus, qui constitue une minorité minuscule d'Egyptiens, la majorité des Egyptiens est restée indéfectiblement anti-Israël et pro-palestinienne. Lors de l'attaque et du siège ultérieur de Gaza, dans lequel le régime de Moubarak et ses hauts gradés militaires ont été impliqués, les Egyptiens ordinaires et pauvres, non seulement des villes mais également des campagnes, ont généreusement envoyé toute la nourriture et les fournitures qu'ils pouvaient collecter pour les Palestiniens en lutte. Les Egyptiens ont créé toutes sortes de groupes de solidarité avec les Palestiniens et ont organisé de nombreuses manifestations contre les agressions israéliennes et la politique de Moubarak, et en soutien aux épreuves des Palestiniens à Gaza. L'expression de l'amour et de la solidarité populaire envers le peuple palestinien depuis le soulèvement égyptien de janvier 2011 n'a pas faibli. Et le siège populaire égyptien de l'ambassade israélienne, et l'horreur de cette classe de bradeurs égyptiens (l'infatigable bouffon Naguib Sawires, lors d'un diner de collecte de fonds à New-York pour son parti "Al-Misriyyun al-Ahrar" - Egyptiens libéraux - il y a quelques mois, identifiait le siège de l'ambassade israélienne au Caire comme l’œuvre, non pas du peuple égyptien anti-israélien, mais de la chaîne de télévision Al-Jazeera), furent une preuve supplémentaire de la haine éternelle du peuple égyptien pour les actions diaboliques des colons juifs contre les Palestiniens et les Egyptiens de la même manière.

Pourtant cette classe de plus en plus méprisable ne lâche rien. Au cours des dernières semaines, eux, la classe islamophobe d'intellectuels et d'analystes de Moubarak, et les intellectuels "libéraux" islamophobes qui se présentent eux-mêmes comme des "révolutionnaires", ont commencé à répandre la rumeur, sur Facebook, que les Palestiniens voulaient s'emparer et occuper la Péninsule du Sinaï ! S'en suivirent des rumeurs racistes selon lequelles la mère et l'épouse du nouveau Premier ministre égyptien Hisham Qandil étaient palestiniennes, et qu'il était le beau-frère d'Ismail Haniyya, et donc un agent du Hamas, pour le délégitimer (le site web de la télévision Al-Arabiyya appartenant aux Saoudiens a récemment fait une "découverte" similaire sur l'épouse de Jamal 'Abd al-Nasir, qui serait une "iranienne shiite"). Qandil a dû réfuter ces rumeurs, lors d'une conférence de presse le 8 août, et déclaré que : "Mon épouse est égyptienne et ma mère est égyptienne... [et] ces rumeurs sont fausses." Facebook étant le nouvel instrument de cette classe inculte et ses publicistes libéraux médiocres, leurs posts criards se sont répandus comme une traînée de poudre parmi les activistes libéraux de la classe moyenne ; ils ont la même fonction que la propagande de Fox News aux Etats-Unis qui répand la haine xénophobe parmi les Américains.

L'attaque contre les gardes-frontières égyptiens

Une fois que l'attaque horrible et lâche contre les gardes-frontières égyptiens, qui a assassiné 16 d'entre eux de sang froid, a eu lieu il y a quelques jours, ce bloc anti-palestinien de la haine a eu un événement réel à exploiter. Ils ont commencé à cibler d'un seul coup le nouveau Président égyptien et les Palestiniens, plutôt que des groupes jihadistes, qui ont aussi attaqué le Hamas pendant des années, et qui sont plus que vraisemblablement derrière l'attaque avec un soutien israélien tacite (comme de nombreux analystes égyptiens et des Egyptiens lambda l'ont en fait déjà reconnu), ou les hauts gradés militaires égyptiens qui ont échoué à défendre les frontières du pays parce qu'ils étaient trop occupés à s'emparer du processus politique. Les Israéliens, qui ont de façon spectaculaire tué huit soldats égyptiens l'an dernier sur le sol égyptien et ont refusé de s'excuser pour leurs crimes, sont les principaux bénéficiaires de cette récente attaque contre des soldats égyptiens. Et ce n'est pas la première fois que les Israéliens tuent des soldats égyptiens lors d'une attaque gratuite. En février 1955, Israël a lancé un raid contre Gaza et tué 39 soldats égyptiens de sang froid, un massacre dont les nouveaux riches égyptiens n'aiment pas se souvenir, pas plus qu'ils n'aiment se souvenir de la longue liste de massacres israéliens contre des Egyptiens, soldats comme civils, qui ont suivi au cours des décennies.

La campagne anti-palestinienne pernicieuse et méprisable des nouveaux riches égyptiens, qui paradent sur les plateaux de Satellite TV pour analyser les informations impute l'attaque à une décision récente du Président Morsi d'ouvrir la frontière de Rafah avec Gaza et de mettre fin au siège, une décision annulée par l'armée égyptienne, sur ordre d'Hillary Clinton, quelques heures après qu'elle ait été prise. Pourtant ce sont les Palestiniens qui sont accusés de soi-disant bénéfices qui ne leur reviennent pas, alors qu'ils restent victimes des généraux de Moubarak qui continuent de diriger l'Egypte sur injonction des Américains, d'Israël et des Saoudiens. Les intellectuels égyptiens libéraux-compradores islamophobes, comme ceux qui ont été reçus au débat télévisé "Min al-'Asimah" de Lamis Hadidi, diffusé par la chaine CBC le lundi 6 août, ainsi que l'animatrice du débat elle-même, ont maintenant rejoint Israël pour demander la destruction des tunnels de Gaza, qui, pendant les années passées du siège israélo-moubarakiste, ont sauvé la population de Gaza de la famine. Il convient de noter ici que Hadidi est une ancienne propagandiste du régime Moubarak ayant des liens avec son Parti national démocratique (PND) au pouvoir. Elle fut en effet l'une des directrices de campagne du PND en 2005. Quant à la chaine CBC qui programme son show, c'est une nouvelle chaine de télévision lancée il y a moins d'un an et qui appartient à l'homme d'affaires Muhammad Amin, partenaire d'affaires de Mansur 'Amer, l'un des principaux bailleurs de fonds du PND de Moubarak, dont on dit qu'il est le sponsor réel de la chaine, bien qu'Amin le réfute. CBC et Hadidi ne sont pas seuls dans leurs attaques islamophobes contre la présidence Morsi. ON TV de Sawire est un autre membre éminent du club, comme le sont d'autres chaînes et d'autres animateurs et animatrices TV qui promeuvent l'ordre du jour sadatiste-moubarakiste.

C'est sur cette toile de fond de rumeurs anti-palestiniennes que le ministre de la Défense Tantawi a lancé ses récentes accusations sadatistes contre les Palestiniens, qui seraient derrière les attaques contre le checkpoint de la frontière égyptienne. Que le Conseil militaire égyptien ait poursuivi la politique de Moubarak d'humiliation des Palestiniens pendant la dernière année et demie, et que l'un de ses membres ait essayé de délégitimer l'activiste et poète égypto-palestinien Tamim Barghuthi comme "n'étant pas Egyptien", à la grande joie de cette classe bruyante, fait partie de cet héritage sadatiste prolongé.

La récente attaque contre les soldats égyptiens est bien sûr un pré-requis nécessaire pour les Israéliens et les Américains pour imposer leur volonté et garantir que les Accords de Camp David ne soient en aucune façon mis en péril par le nouveau gouvernement égyptien. Cela mis à part, la plupart des Egyptiens sont restés et resteront inébranlables dans leur soutien à leurs voisins palestiniens, et dans leur sentiment renouvelé d'appartenance au monde arabe dont Sadat et ses petits copains vendeurs et liquidateurs d'Egypte ont essayé de les dépouiller. Quelque acharnement qu'elle mette à essayer de maintenir l'usine à rumeur anti-palestinienne, la classe compradore de liquidateurs d'Egypte et leurs agents de presse libérale continueront de perdre du terrain, car ils sont maintenant clairement reconnus pour ce qu'ils sont et pour ce qu'ils ont été pendant les quatre dernières décennies, les ennemis de la majorité des Egyptiens.

Source : Al Jazeera

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