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Gaza -

Un génocide pas si lent

Par

Alice Rotchild est médecin, auteur, activiste et cinéaste basée à Boston. Son dernier livre est : "Condition Critical: Life and Death in Israel/Palestine." Cet article est paru le 11 juillet 2017, en anglais, sur The Globe Post.


Tandis que le monde est focalisé de façon opportune sur les crises humanitaires de masse comme la Syrie, Mossoul et le Sud Soudan, deux millions de Gazaouis sont confrontés à une crise grandissante créée par l’homme et largement invisible. Après 50 ans d’occupation, dix ans d’un siège suffocant et de multiples et quasi quotidiennes attaques israéliennes de haute et basse intensité, la lutte de pouvoir entre le Hamas et le Fatah, aidée et encouragée par le gouvernement israélien, menace maintenant les vies mêmes de la population assiégée.

Un génocide pas si lent

Vue générale de Gaza après l’attaque israélienne de juillet 2014
La politique israélienne à long terme de restrictions et bouclages drastiques est exacerbée par une manipulation cynique du Hamas et de l’Autorité palestinienne qui a eu pour conséquence une réduction de 40% de la fourniture d’électricité israélienne déjà limitée. Ceci s’ajoute à une diminution dramatique de 30 à 50% des salaires des environ 58.000 fonctionnaires de Gaza, qui ont reçu l’ordre de cesser de travailler en 2007 lorsque le Hamas est arrivé au pouvoir, tout en continuant de toucher leurs salaires. A Gaza, le taux de chômage de 44% est déjà parmi le plus élevé au monde, et il peut aller jusqu’à 60% parmi les jeunes instruits, un chiffre qui ne fera que croître avec la perte de salaires.

Ces faits et les risques pour la santé qui en découlent sont ahurissants. Il y a pénurie de médicaments essentiels, radiothérapie, chimiothérapie et traitement des eaux usées. En plein été, la plupart des Gazaouis ont une fourniture d’électricité erratique de deux à six heures par jour, et de l’eau de six à huit heures tous les quatre jours car les usines de dessalement ne fonctionnent qu’à 15% de leur capacité. L’ONU rapporte que 34% des médicaments essentiels du Magasin central des médicaments de Gaza sont en rupture de stock. 186 structures vitales fournissant des services de santé, eau et assainissement et de collecte des déchets solides ne fonctionnent que grâce au carburant livrés en urgence sur les réserves de l’ONU, qui devraient durer jusqu’à octobre. Plus de 108 millions de litres d’eaux usées non traitées s’écoulent chaque jour dans la Méditerranée à cause des coupures d’électricité et de carburant et des dommages aux infrastructures des récentes guerres.

Alors que les permis de quitter Gaza pour des soins médicaux ont été sévèrement restreints depuis des années et ne sont souvent obtenus que par la collaboration, les orientations de centaines de patients pour un traitement médical à l’extérieur de Gaza sont perturbés depuis mars 2017 suite à l’apparente suspension des paiements pour ce service par l’AP.

En fonctionnant essentiellement sur des générateurs de secours, les installations médicales sont menacées par un manque imminent de carburant et, par conséquent, seules les opérations vitales et les soins d’urgence sont assurés. La désinfection et la stérilisation du matériel sont réduites, les patients quittent prématurément les hôpitaux et des machines essentielles comme les couveuses, les ventilateurs, les appareils d’imagerie et de dialyse tombent en panne à cause des coupures de courant fréquentes et intermittentes ainsi que du manque de maintenance et de pièces de rechange. Les soins de santé ont souffert également d’années de non-développement et de restrictions en matière de formation professionnelle en dehors de la Bande, ainsi que du ciblage direct de l’infrastructure par l’armée israélienne pendant la guerre.

Visiter Gaza en tant que médecin en 2015 et 2017 m’a fait toucher du doigt la situation. Dans la vie réelle, cela signifie que tout travail informatique, répondre aux courriels, passer des examens, réfrigérer les aliments ou les médicaments, faire fonctionner les appareils de dialyse et respiratoires, préparer le dîner, nettoyer et mille choses que les gens du XXIème siècle s’attendent à pouvoir faire sont maintenant imprévisibles. Il semble que seuls deux appareils à mammographies fonctionnent ; les femmes souffrant d’un cancer du sein sont systématiquement traitées par une mastectomie en raison du manque d’autres options. Il n’y a pas de chirurgie plastique, la tumorectomie et la radiothérapie ne sont pas disponibles. Le taux de mortalité des femmes de Gaza atteinte d’un cancer du sein est deux à trois fois plus élevé que celui des femmes qui reçoivent des soins en Occident.

Ce que cela signifie aussi, c’est que la pénurie d’énergie et de carburant pour exploiter les installations de traitement de l’eau et des eaux usées et la réduction subséquente de l’accès augmentent le risque de maladies d’origine hydrique. L’arrêt des pompes à eau et des installations de dessalement a entraîné une diminution de la consommation d’eau et des normes d’hygiène. La réduction du traitement des eaux usées a entraîné une augmentation de la pollution le long de la côte de Gaza (qui d’ailleurs s’écoule vers le nord en Israël) et un risque accru d’évacuation des eaux usées dans les rues, créant de nouvelles inondations, de nouveaux déplacements et de nouvelles maladies.

Il y a aussi les coûts psychologiques liés à la vie dans un tel environnement. En janvier 2017, le docteur Yasser Abu Jamez, directeur exécutif du Programme de santé mentale communautaire de Gaza, a noté que les patients traités pour un syndrome de stress post-traumatique (SSPT) après une guerre retombent facilement dès les premières réminiscences des bombardements lors de la guerre suivante. Des enfants qui allaient bien refont pipi au lit et se réveillent en hurlant la nuit. Les indices des événements traumatiques sont partout et peuvent déclencher un traumatisme qui remonte à l’occupation de 1967. Il appelle cela « SSPT à apparition différée ». La guerre de 2014 a été la pire et a été vécue par une population déjà porteuse d’une accumulation d’événements traumatiques et une incapacité à échapper à la guerre qui furent continuellement présentes. Les patients ont dit revivre les traumatismes de 1948.

Un militant des droits de l’homme à Gaza m’a dit : « Ce n’est pas ça qui nous épuise. Ce qui nous épuise, c’est la répétition de ce que nous faisons, le voyage sans fin, jamais, jamais le dernier round. Que ce soit par les bulldozers israéliens ou le manque de coordination avec Ramallah, la mission n’est jamais accomplie. Les gens souffrent d’insécurité alimentaire ; ils ne peuvent pas accéder à leur terre. S’ils le font, ils ne peuvent pas accéder aux ressources. S’ils le font, alors il y a des restrictions d’accès à la terre et ils ont peur des roquettes. S’ils le font, ils ne savent pas si la récolte sera rentable sur un marché local parce qu’Israël ne permettra pas aux produits de sortir. C’est sans fin. »

« C’est ça la source de notre frustration. Il y a longtemps que nous devrions être anéantis. Nous pensons que la population de Gaza mérite que nous continuions à travailler pour qu’elle continue à se tenir debout. A Gaza, nous [ONU] soutenons 1,3 millions de personnes. »

Le droit à la santé nécessite un système de santé qui fonctionne et une infrastructure de santé publique, ce qui internationalement reconnu comme de la responsabilité de la puissance occupante, Israël. La lutte de pouvoir entre le Hamas et le Fatah est aussi inadmissible et sans aucun doute manipulée par de puissantes forces extérieures ainsi que par un dysfonctionnement interne. La détérioration constante de la vie des gens à Gaza face à l’occupation, le siège, la discorde interne et l’aveuglement volontaire de la communauté internationale ne peuvent être décrits que comme un génocide pas si lent qui est évident pour quiconque choisit de voir.


Source : The Globe Post

Traduction : MR pour ISM

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