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Gaza - 24 juillet 2009
Par Rana Shubair
Le sort des Palestiniens, en particulier dans la Bande de Gaza, mais aussi dans la Palestine comme un tout, est plein de revirements et d’aléas. Tous constituent des pas importants dans le long voyage de mon peuple. Gaza, avec ces 360 km², est peut-être un point minuscule sur la carte, mais pour beaucoup de par le monde, il est devenu légendaire, l’incarnation, pour notre époque, de la fermeté et de la persévérance.
Saignée à blanc par le siège imposé depuis trois ans maintenant, Gaza s’enorgueillit d’enseigner au reste du monde ce que dignité et honneur signifient. Des familles appauvries, dont les maisons ont été démolies sous leurs yeux, restent insoumises, refusant d’abandonner. Des familles qui ont perdu leurs bien-aimés dans leur bataille pour la liberté sont plus déterminées que jamais. Leur situation cruelle et leurs malheurs n’ont fait que les rendre plus fortes, plus inflexibles dans leur lutte pour la liberté. C’est par cette image que nous accueillons un visiteur à Gaza.
Il y a quatre ans, c’était banal et quotidien d’entendre des échanges de tirs dans les rues de Gaza, des tirs inter-palestiniens ou des incursions israéliennes. Au-dessus de nos têtes et quand elle voulait, l’armée de l’air de l’occupation israélienne frappait une voiture, une maison ou une personne, sans sommation. Ma maison était située dans un quartier tranquille, mais je me souviens, il y a quatre ans, avoir entendu des échanges de tir si denses que je décidai d’appeler le numéro d’urgence de la police. J’avais l’impression que les balles allaient traverser mes fenêtres. J’étais inquiète pour mes bébés. La meilleure réponse que j’ai pu obtenir du service d’urgence fut : « Que puis-je faire, sœur, nous vivons dans un pays chaotique. »
Aujourd’hui, quand vous vous promenez dans les rues et les coursives, vous voyez des gens ordinaires, des enfants qui jouent, des hommes et des femmes qui rentrent en hâte de leur travail, et l’ordre et la sécurité sont de retour dans les rues, d’où ils avaient été longtemps absents. Comment les gens de Gaza peuvent-ils vivre leurs vies de tous les jours après une guerre aussi horrible, vous demanderez-vous peut-être ? Font-ils comme si rien ne s’était passé, ou bien est-ce autre chose ?
Oui, c’est autre chose. Sur cette terre sainte, il n’y a pas de place pour la couardise ou la retraite. On n’a qu’un recours, panser ses plaies, sécher ses larmes et continuer d’avancer. C’est une de ces situations où on se dit : être ou ne pas être. Les gens de Gaza ont choisi d’être.
Avant la guerre, la vie à Gaza était déjà sous siège. Avec toutes les implications et les complications de ce modus vivendi, la vie quotidienne avait toujours sa place.
Les femmes ont obtenu des succès remarquables au parlement, comme dans toutes les autres sphères de la vie. Elles ont partagé les nombreuses responsabilités des hommes. Elles ont été nommées ministres et députés. Elles ont aussi été employées comme policières. Tous ces défis ont eu lieu à la suite des élections de 2006. Si l’on en croit les idées fausses qui circulent dans le monde et même parmi beaucoup de gens de la région, les femmes ne sont pas impliquées dans la société, et encore moins en politique. Mais venez à Gaza et vous verrez par vous-même que presque tous les secteurs publics que vous mentionnez dépendent des travailleuses.
Lorsque le Hamas a remporté la majorité au Conseil Législatif Palestinien, beaucoup avait des craintes sur ce qui arriverait aux droits et libertés des femmes. Ils pensaient que le nouveau gouvernement limiterait ces droits en imposant un code vestimentaire, comme l’obligation de porter le hijab, ou en restreignant leur rôle dans la vie publique. Lorsque des porte-paroles du Hamas étaient invités à s’adresser à la population dans des conférences, ou à participer à des ateliers, localement ou à l’étranger, c’était la même histoire. On les invitait pour qu’ils parlent de leurs projets vis-à-vis du rôle des femmes. Beaucoup leur demandaient : est-ce que ce sera comme les Taliban ?
Mais dès que le nouveau gouvernement a été formé, ce qu’ils avaient dit a été mis en pratique, et tout le monde a pu le constater. Contrairement aux soupçons, le gouvernement a montré qu’il respectait les libertés individuelles. Il n’y a pas eu un seul cas de femme qui aurait été maltraitée ou admonestée pour un vêtement impropre, comme beaucoup l’avaient craint. Et ce qui a été important et remarquable fut l’augmentation considérable du nombre de femmes participant à la vie politique et publique.
Après l’élection de 2006, le nombre d’associations de femmes a augmenté, reflétant l’intérêt du nouveau gouvernement envers les femmes et les enfants. C’est une différence tant quantitative que qualitative. Par exemple, le rôle des femmes au Conseil Législatif Palestinien a été renforcé de façon appréciable. La présence des femmes au CLP n’était plus formelle ou pour servir d’alibi, pour remplir certains quotas, avec des femmes cantonnées dans une série limitée d’activités. Au CLP, la femme palestinienne n’est pas un outsider, pour une raison simple : elle vient de la même communauté palestinienne, elle vit aux côtés des gens qu’elle représente. Ses préoccupations et ses soucis sont les préoccupations et les soucis de la Palestinienne ordinaire.
Ensuite, au Conseil Législatif, nous avons vu les questions des femmes mises à l’ordre du jour. Un exemple est la promulgation de l’Amendement de la Loi sur la Famille, qui donne à une veuve qui choisit de ne pas se remarier le droit de garde pleine et permanente sur ses enfants. Les femmes du PLC sont en charge d’un volant très large d’activités comme la visite des familles des gens qui sont devenus martyrs dans le conflit, leurs veuves et leurs orphelins. Elles prennent également part à l’organisation de manifestations et protestations officielles et publiques. Elles écoutent les réclamations des employés et cherchent des solutions à leurs griefs. Les tâches des femmes comprennent également l’observation de l’administration publique : elles peuvent questionner et interpeler les fonctionnaires s’ils n’ont pas rempli leurs devoirs. Une autre loi est actuellement en préparation, la Loi des Familles des Martyrs.
Etimad Altarshawi, directrice générale pour les médias et les communications au Ministère des Affaires des Femmes dit :
« Les affaires des femmes sont au centre de nos préoccupations. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour donner du pouvoir aux femmes à tous les niveaux, politique, économique et de développement social. Il y a de nombreux petits projets qu’ont mis en œuvre des associations de femmes, sous la supervision du Ministère des Affaires des Femmes. Un de ces projets est celui de l’Elevage de Lapins. Dans ce projet, le Ministre fournit à de nombreuses femmes qui vivent dans des secteurs ruraux et ont de l’expérience dans la reproduction des lapins des couples d’animaux et des cages de bonne qualité pour qu’elles puissent démarrer leur propre élevage. En leur donnant tout ce qu’il faut pour commencer, nous espérons que ces femmes auront leur propre revenu et pourront subvenir aux besoins de leurs familles. »
Pour les veuves, Etimad Altarshawi mentionne une autre initiative. « Un autre projet important, qui a débuté dans les parties du centre de la Bande de Gaza, est d’établir un Centre pour les Mains Productives. Ce centre offre à ces veuves des formations spéciales dans de nombreux domaines qui peuvent les aider à trouver du travail pour soutenir leurs familles. Le Ministère prépare actuellement une conférence intitulée : ‘Le droit des veuves à vivre dans la dignité’. »
Le même Ministère a aussi mis en place un projet de soutien psychologique des femmes, des enfants et des familles des martyrs, aux lendemains de la dernière guerre israélienne contre Gaza.
A Gaza, il est plus naturel de penser à la mort qu’à la vie. Scruter le ciel, qui fut longtemps un de mes passe-temps favoris, s’est transformée en expérience sombre et épouvantable. Le bourdonnement des hélicoptères et des drones continuent de gâcher la sérénité et la beauté du ciel que j’ai connues. Au sol, quand vous marchez dans les rues, les murs sont couverts de graffiti sur les martyrs. Je passe devant un fabricant de draps mortuaires quand je rentre du travail et je pense à comment cet homme a fait fortune sur la mort. Je passe près du cimetière, à l’intérieur de la ville, et je vois une pancarte : « Il n’y a plus de place ici », dont les gens ne tiennent pas compte parce qu’il est difficile d’enterrer quelqu’un dans le cimetière situé dans la partie est de la ville, près des frontières israéliennes.
Les enfants ont développé leurs propres inquiétudes et craintes. Leur enfance innocente a dû supporter l’insupportable. Ils n’ont pas été épargnés par les attaques aériennes et ont été une cible facile pour l’occupation. En tant qu’adulte, les voir trembler et pleurer quand ils entendent un avion vous brise le cœur.
Au fur et à mesure que les jours passent, vous voyez vos enfants devenir des ados futés. Dès l’âge de 5 ans, ou même moins, ils peuvent dire quel est le type d’avion qui tourne au-dessus de vous.
L’occupation est la première source de désordre et de déplacement à Gaza pour chacun d’entre nous. Tout le reste est secondaire.
Mais la vie continue. De plus, ce manque de tout, qui inclut presque tous nos besoins de base, n’inclut pas notre moral et notre optimisme. Il n’inclut pas notre résolution ou notre foi. Les gens de Gaza ont vu leurs petites villes s’écrouler sous leurs yeux pendant la guerre. Ils ont vu ceux qu’ils aimaient tués sous les balles ou brûlés de la manière la plus brutale. Leurs cicatrices seront peut-être très longues à cicatriser, mais nous, Palestiniens, avons aussi appris que 60 années de lutte sont trop précieuces pour être gaspillées.
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