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France -

Chef des armées ou chef de guerre ?

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AU FIL DES JOURS ET DES LECTURES - Bulletin COMAGUER n° 216 / 21 juillet 2019

Dans l’actuelle constitution de la République française, le Président est de droit Chef des Armées. Dès son installation à l’Elysée, Emmanuel Macron a, par toute une série de gestes, montré qu’il entendait exercer pleinement ce pouvoir et au bout de deux ans à ce poste, la démonstration est faite que la guerre est pour lui une priorité et que l’austérité qu’il organise pour les autres budgets civils et pour la majorité de la population française, à travers sa politique sociale et fiscale, ne s’applique pas aux armées et à leur équipement.

Chef des armées ou chef de guerre ?

A l’avènement du fascisme en Italie, Mussolini faisait applaudir ses discours où il proclamait choisir les canons plutôt que le beurre.

Macron ne tombe pas dans cet excès de langage mais il fait les mêmes choix politiques qui nourrissent sa perpétuelle arrogance et font qu’aujourd’hui le budget militaire de la France, en augmentation de 5% par rapport à 2018, déjà le plus élevé de l’Union Européenne, dépasse celui de la Fédération de Russie.

Il lui permet également de déployer sur des terres étrangères 17.000 soldats (avec armes et bagages) dont les activités, sauf libération d’otage hyper-médiatisée, ne sont pas à la une des grands médias.

Pas surprenant dans ces conditions de trouver sous la plume d’un chroniqueur italien une analyse critique et documentée du militarisme macronien et de ses orientations en matière diplomatique. En voici la traduction.

***

L’industrie de l’armement française prospère
grâce aux régimes autoritaires

Andrea Mencarelli (“Potere al Popolo")
Édition de lundi 15 juillet 2019 de Contropiano
Traduction Marie-Ange Patrizio


La Ministre des Forces Armées françaises, Florence Parly, a présenté devant la Commission de la défense de l’Assemblée Nationale le “Rapport au Parlement sur les exportations des armements de la France (en 2018)”. Par ce document on apprend que la France est le troisième pays exportateur d’armes au monde, après États-Unis et Russie.

Les exportations d’armements français ont augmenté de 30% en 2018 par rapport à l’année précédente, pour un volume total de ventes de 9,1 milliards d’euros. Les principaux destinataires des exportations de cette dernière année ont été le Qatar, la Belgique et l’Arabie Saoudite.

Récemment nous n’avons pas vendu d’armes qui pourraient avoir été utilisées dans le conflit yéménite”, avait rappelé le 20 janvier dernier la ministre Parly elle-même. Pourtant une enquête menée par un groupe de médias internationaux, publiée fin février, a démontré que les armes françaises et allemandes vendues aux pays membres de la coalition conduite par l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis, ont été effectivement utilisées sur le terrain de guerre au Yémen.

Cette guerre peu médiatisée, qui s’est transformée il y a quatre ans en conflit régional avec l’intervention principale de l’Arabie Saoudite, a déjà fait des milliers de morts civils, menacé la survie de trois millions d’enfants dénutris et obligé une grande partie de la population à dépendre des aides humanitaires.

L’augmentation significative des exportations d’armes françaises dans l’année 2018 est déterminée en première instance par la vente au Qatar (pour un total de 2,37 milliards d’euros) de 28 hélicoptères NH90 et la livraison de 12 avions Rafale. La Belgique a commandé de façon exceptionnelle 400 véhicules blindés, qui apporteront 1,1 milliards d’euros dans les caisses des industries guerrières françaises. L’Arabie Saoudite a fait des achats pour presque un milliard d’euros, se plaçant pour 2018 au troisième rang des acheteurs d’armements français.

Mais la chose la plus impressionnante est que, sur la période 2008-2017, les principaux clients de la France ont été des régimes autoritaires. En fait dans le rapport, on peut facilement constater que l’Arabie Saoudite, leader de la coalition qui conduit l’intervention militaire au Yémen, est l’un des plus grands acquéreurs, avec l’Égypte d’al-Sissi.

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Il y a quelques jours, le New York Times a révélé une ultime et inconfortable affaire pour le gouvernement Macron : la découverte dans une base des milices du général Haftar, au sud de Tripoli, de quelques missiles en dotation aux forces armées françaises. Situation particulièrement difficile pour le gouvernement français qui a immédiatement démenti la remise de ces missiles au général Haftar, étant donné qu’un possible transfert d’armes serait une violation de l’accord de vente avec les États-Unis et l’embargo sur les armes imposé par les Nations Unies.

En revenant au rapport présenté par la ministre Parly, si l’on observe la répartition géographique des commandes d’armements français dans la période 2008-2017, on peut remarquer que 40% des exportations sont dirigés vers les pays du Moyen-Orient, puis vers ceux de l’Asie (29%).

Parmi ces derniers, les principaux clients dans la période 2008-2017 ont été dans l’ordre : Inde (13,1 milliards d’euros), Singapour (2,2 milliards), Malaisie (1,7 milliards), Corée du Sud (1,5 milliards), Indonésie (1,3 milliards) et Chine (1,1 milliards).

Il ressort aussi que la France en 2008-2017 a exporté 10% des armements de sa fabrication vers d’autres pays européens, parmi, lesquels les plus gros acheteurs sont le Royaume-Uni (pour un total de 1,9 milliards d’euros), l’Allemagne (975,9 millions) et l’Italie (673 millions).

Il faut garder ces chiffres à l’esprit, notamment concernant l’avenir : la (presque sûrement) future présidente de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen - actuelle ministre de la Défense du gouvernement allemand - est un soutien ferme et convaincu de l’OTAN et a plusieurs fois rappelé son engagement dans le projet de défense et réarmement européen.

Il faut ajouter à cela l’éventualité que le Fonds européen pour la défense puisse augmenter de façon drastique pour la période 2021-2027 : des 590 millions de dollars pour 2017-2020, son budget pourrait atteindre les 13 milliards dans les six années suivantes, c’est-à-dire environ 22 fois plus.

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En outre, le Rapport analyse les transformations intervenues dans le marché international, nécessaires pour comprendre les évolutions de la demande d’armements et donc adapter au mieux la production et l’offre dans un secteur où la véritable compétitivité n’est pas tant fondée sur le prix mais plutôt sur la qualité et l’efficience des produits vendus.

Se trouver à la frontière technologique dans l’industrie de l’armement signifie acquérir une position stratégique de prestige et d’avantage par rapport aux concurrents internationaux, en érodant leurs pourcentages de marché et en renforçant son propre appareil guerrier qui exploite de plus en plus la recherche technologique et les investissements à l’avant-garde dans ce domaine.

Les grands pays exportateurs de matériels de défense, États-Unis en tête, conservent leur position dominante en s’appuyant sur de solides bases industrielles et technologiques de défense et en maintenant une avance technologique importante. Sur la décennie passée, les Etats-Unis, l’Union européenne, la Russie et Israël se sont ainsi partages 90 % du marché international et ont concentré l’essentiel de l’offre de matériel neuf” (p. 34) explique le Rapport sur les exportations d’armes de la France et, pour cette raison justement, “Sur un marché très concurrentiel, la stratégie nationale portée par l’ensemble des acteurs industriels et étatiques impliqués dans les exportations de défense a permis à la France de consolider sa position sur le marché mondial de l’armement”(p. 37).

Le Rapport se conclut par l’invitation à intensifier les engagements, les services et le soutien de l’État à l’égard des entreprises de l’industrie guerrière et notamment celles orientées surtout vers l’exportation d’armements sur le marché international : “Selon les pays, la nature des acquisitions, les enjeux industriels, économiques et politiques, diverses options peuvent être mises en œuvre allant d’arrangements techniques en parallèle de contrats commerciaux à des contrats de partenariat gouvernemental” (p. 39).

Que ne ferait-on pas pour augmenter ultérieurement les profits d’une industrie qui ne connaît pas de crises et qui prolifère surtout en ces temps où soufflent des vents de guerre, dans une phase d’affrontement inter-impérialiste entre puissances économiques qui se battent pour défendre des positions de domination ou pour conquérir leur rôle sur la scène mondiale…

Le tout, évidemment, au détriment de la dépense sociale (instruction, santé et retraites) et des investissements publics rasés à coup d’austérité, en perpétrant une désastreuse politique économique de privatisation dans les services publics désormais confiés à la gestion de “preneurs d’affaires” et de vente du peu de participation publique encore resté dans des sociétés autrefois à l’avant)garde.

C’est le keynesianisme militaire, ma chère !

NDT : Texte intégral du Rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France en 2018 (Juin 2019).



Source : Comaguer/Contropiano

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