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France -

Comment les héros de la révolution égyptienne ont jeté l'UMP

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Merci à René Naba pour l'info !

Le parti présidentiel a tenté de récupérer les jeunes héros de la révolution égyptienne. Récit du jour où il s’est fait jeter.
Mi-mars à Dokki, quartier populaire du Caire. Tout à dévorer une pâtisserie bien crémeuse, Mohamed Adel (1) entend à peine sonner son portable. Et le jeune leader du mouvement du 6 avril qui a chassé Moubarak de décrocher, les doigts collants, la bouche mi-pleine. "Bonjour, c'est le secrétaire du Département d'Etat à l’appareil. La Secrétaire d'Etat Hillary Clinton est au Caire et souhaiterait vous rencontrer…" Réponse immédiate de Mohamed : "Vu la politique étrangère américaine au Moyen-Orient, nous ne vous rencontrerons pas." Fin de la communication.

Comment les héros de la révolution égyptienne ont jeté l'UMP

"C'était surréaliste", détaille, encore médusé, le journaliste français Alex Jordanov qui écrit un livre sur la révolution et qui a assisté à la scène. "On était dans un boui-boui en train de se marrer et les Etats-Unis qui appellent ce gamin de 28 ans pour se faire rembarrer." 

Jeunes, frais, bronzés et pas rasés. Ces gamins n'en reviennent toujours pas d'avoir réussi à mobiliser toute une foule, jeune souvent comme eux, dans ce monstre de 18 millions d'habitants qu’est Le Caire. Puis d'avoir renversé le régime et chassé Moubarak du pouvoir. Puis d’être maintenant ouvertement dragués par le gouvernement américain. 
 
Quelques minutes plus tard, c'est Hillary Clinton qui appelle

Deuxième coup de fil quand Mohamed et ses potes entrent dans le métro du Caire. Cette fois, c’est Hillary Clinton en personne qui est au bout du fil. Pour s'entendre dire "I told you no" [je vous ai dit non] et se faire raccrocher au nez. Hillary rappelle aussitôt : "Mais vous savez, notre politique a changé." Réponse de Mohamed : "Ca m’étonnerait, vous avez soutenu Moubarak jusqu’au dernier moment !" Mohamed, quand il dit non, c’est non. 

Les jeunes du mouvement du 6 avril, héros de la révolution égyptienne, viennent d’envoyer bouler la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton dans sa tentative de copinage politique. 

Quelques semaines plus tard, le 14 avril à Paris, le chef de l’UMP Jean-François Copé nous sort un communiqué triomphant. On y apprend que les jeunes du Caire, ceux qui raccrochent au nez d’Hillary Clinton, vivent une saga amoureuse avec le parti de Nicolas Sarkozy.

"A l’initiative de Valérie Hoffenberg, secrétaire nationale de l’UMP en charge des relations avec les think tanks et partis étrangers, l’UMP accueille aujourd’hui et demain une délégation de jeunes responsables politiques et de blogueurs égyptiens pour deux demi-journées de formation."

L'UMP, premier parti à former les jeunes Egyptiens à la démocratie

Cette formation qui a pour but de "favoriser l'émergence d'une classe politique renouvelée dans les nouvelles démocraties arabes" est résumée ici : "Les jeunes rencontreront des responsables du siège [de l’UMP] pour évoquer tous les aspects de l’organisation de la vie militante au sein de l’UMP." Voilà qui devrait passionner la jeunesse égyptienne. Copé, d’ailleurs, leur en donne plus : "Tous les sujets seront abordés dans la perspective des grandes échéances électorales que l’Egypte va connaître dans les années à venir." Puis de conclure, pas peu fier : "L’UMP est le premier parti à s’engager en faveur de l’organisation des formations politiques dans la jeune démocratie égyptienne." 

L’UMP, donc : premier parti de la planète à réussir à embrasser les jeunes du 6 avril. Le premier à leur enseigner la démocratie. Et par l’exemple : celui du fonctionnement interne de l’UMP. C’est presque un rêve, le parti de Sarkozy et Copé devenant le modèle universel de la démocratisation des vieux régimes renversés par les jeunes.

En fait, le rêve va avoir du mal à se réaliser. Parce que le lendemain du texte de Copé, un autre communiqué sort des ordinateurs du mouvement de la jeunesse égyptienne. Assez violent. Et écrit en français pour bien se faire entendre. 

"Le mouvement de la jeunesse du 6 avril nie les rumeurs qui courent à travers les médias égyptiens internationaux et français disant que le parti français au pouvoir Union pour un mouvement populaire (parti de Sarkozy) accueillerait les membres et les dirigeants du mouvement de la jeunesse du 6 avril à une grande fête à Paris, suivie par un certain nombre de cours de formation sur la démocratisation et la pratique politique, au cours de deux jours de formation (…). Ces nouvelles sont totalement fausses."

Copé et l’UMP se seraient-ils pris comme Hillary Clinton un vent des jeunes héros du Caire ? "Evidemment, on ne veut rien à voir à faire avec Nicolas Sarkozy ou avec son parti", explique aux Inrocks Walid Rashid, le porte parole du mouvement du 6 avril. Et il s’en justifie : "Sarkozy allait à Louxor dans les hôtels de luxe quand Moubarak nous mettait dans les caves. Il a soutenu Moubarak et quasi jusqu'au bout ! Quelle démocratie il voudrait nous apprendre ?! Quelle formation pourrait-il nous donner ?!"

"Nous leur avons dit qu'il n'était pas question de nous associer à eux"

Mais alors, comment s’explique l’annonce de Jean-François Copé ? Les jeunes du 6 avril n’ont-ils pas été clairs ? "Si si, rigole Walid dans un anglais chantant. Nous leur avons dit très vite par email qu'il n'était pas question de nous associer à eux de quelque façon que ce soit.

Voyons un peu ces échanges d’emails. Le premier contact est pris le 25 février par Valérie Hoffenberg, la femme de l’UMP chargée des relations avec les partis étrangers, la conseillère de Sarkozy pour le Moyen-Orient. Dans ce message adressé en copie au Quai d’Orsay, et que nous avons pu lire, elle propose à Walid et sa bande de participer à une rencontre.  

Après les félicitations d'usage pour la révolution égyptienne et le "grand rôle joué par le mouvement", place aux avances. Au menu, "des échanges de vues sur la structuration d'un parti" et un peu de formation pour "vous aider à assurer la transition démocratique et peut-être vous aider à préparer les prochaines élections". Evidemment, les frais sont à la charge du parti présidentiel. 

Walid demande un temps de réflexion. Un engagement nécessite un peu de calme, surtout quand le prétendant semble aussi chaud. Il se renseigne sur l’UMP. Il découvre les déclarations de ses dirigeants sur l'immigration en général et sur les musulmans en particulier. Il se rend compte aussi que ce parti est celui de Sarkozy. Sa réponse est cinglante.
"J'ai à présent assez d'informations. Nous ne voulons rien avoir à faire avec votre parti."

L'UMP ne se décourage pas

Telle Hillary Clinton, Valérie Hoffenberg ne se décourage pas. Le 8 avril, la conseillère de Sarkozy adresse à Walid un email qui laisse entendre qu’elle n’a pas lu les réponses précédentes.

"Cher Walid, je viens juste de revenir de maladie. J'ai été informé que vous n'étiez pas dans la liste des invités du ministre hier soir. Néanmoins, nous avons toujours planifié de donner notre séminaire à l'UMP les 14 et 15 avril. Si vous êtes toujours d'accord, nous serions enchanté de votre venue. Nous sommes désolés pour les complications, mais si vous le souhaitez, nous pouvons nous occuper des billets d'avions et des réservations."

Walid n’en revient pas mais prend le soin de lui répondre : "Désolé, je vous répète que je n'accepterai pas votre invitation et comme je vous l'ai déjà dit, j'ai bien assez vu ce qu'était votre parti." Au revoir.

Huit jours plus tard, pourtant, Copé annonce dans son communiqué que son parti va former à la démocratie les jeunes du 6 avril. Enfin, presque. Les jeunes du 6 avril ne viendront pas. Mais l’UMP a quand-même réussi à faire venir quatre jeunes Egyptiens, qui ont profité de ses enseignements politiques, quatre garçons issus des partis de centre-gauche. Après son grand succès en France, Kouchner, Besson, Bockel, la politique d’ouverture sarkozienne irait-elle s’ensabler en Egypte ?


(1) Lire : "Mohammed a enfin été libéré", ISM-France, 8 mars 2009.

Source : Les Inrocks

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