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France - 12 septembre 2010
Par Dominique Vidal
Pierre-Yves Salingue, au fil d'un long triptyque consacré à la situation en Palestine (1), nous présente - l'Association France Palestine Solidarité (AFPS) et moi - comme des « fantassins français » du Premier ministre palestinien Salam Fayyad, tous nos efforts visant, selon lui, à lui assurer le soutien le plus large dans notre pays. À l'appui de cette affirmation fantaisiste, il cite brièvement deux rapports que j'ai présentés - au nom du Bureau national de l'AFPS – au Conseil national de celle-ci, fin septembre 2009, puis à la Conférence nationale de ses groupes locaux, fin mai 2010.
Faire dire n'importe quoi à des phrases extraites de leur contexte n'est certes pas un procédé vraiment nouveau. Mais l'auteur pousse ici l'exercice un peu trop loin pour prétendre à l'honnêteté minimale qui rend un débat intéressant. Comme le lecteur pourra le vérifier sur le site de l'AFPS, les passages concernant Salam Fayyad comportent en effet, dans le premier rapport, 1 289 signes sur 28 602, soit 4,5 % du texte, et le second 589 signes sur 35 963, soit 1,6 % ([i]). Le moins qu'on puisse dire est que, quantitativement, l'appréciation portée sur Salam Fayyad n'est donc pas centrale dans ma démarche et dans celle de l'AFPS.
Qualitativement, l'appréciation de Pierre-Yves Salingue n'est pas moins absurde. Loin d'espérer un quelconque « miracle » sur le terrain, toute la démarche de l'AFPS consiste à souligner que la responsabilité essentielle dans la solution du problème palestinien revient aux acteurs internationaux, au premier rang desquels les États-Unis et l'Union européenne. Nous entendons en particulier agir auprès de l'opinion publique pour que notre gouvernement, aligné comme jamais sur le gouvernement israélien, revienne à la défense du droit international et exerce, avec ses homologues de l'Union européenne, des pressions suffisamment fortes pour que Tel-Aviv s'y conforme. C'est tout le sens de la campagne de Boycott/Désinvestissement/Sanctions (BDS), à laquelle les groupes de l'AFPS apportent une contribution active.
Car nous partons du constat du blocage total sur le terrain, du fait de la politique du gouvernement israélien, le plus extrémiste que ce pays ait connu. La colonisation qui se poursuit malgré un gel partiel et temporaire qui se termine fin septembre, le mur qui continue à se construire sur les terres palestiniennes, les opérations militaires incessantes à Gaza comme en Cisjordanie , la répression de toute forme de protestation, même non armée, bloquent toute avancée. Dans cette fuite en avant provocatrice, Israël exploite évidemment la division profonde du mouvement national palestinien entre le Fatah et le Hamas, l'un et l'autre en situation d'échec stratégique : la ligne politico-diplomatique du premier n'a pas débouché sur l'État promis, la lutte armée menée un temps par l'autre n'a pas non plus libéré la Palestine.
Dans ce cadre, au passage, nous observons que des forces palestiniennes tentent de sortir de cette impasse. C'est le cas des différentes composantes de la gauche palestinienne, mais aussi et surtout du mouvement de lutte non violente qui s'est développé à partir de l'expérience de Bil'in. L'AFPS vient de lui consacrer un important colloque, dont les actes paraîtront bientôt. Or, contrairement à la tradition de l'Autorité palestinienne, réticente devant toute mobilisation populaire, le gouvernement de Salam Fayyad apporte désormais son appui à cette bataille.
Pourquoi ? Fayyad, comme chacun sait, a été parachuté du Fonds monétaire international, dont il était un haut fonctionnaire, au poste de Premier ministre palestinien. Il incarne la vision néolibérale chère au FMI. C'est donc naturellement sur le terrain économique et sécuritaire qu'il a choisi de construire les bases du futur État palestinien sous occupation. Il a ainsi obtenu à la fois, depuis trois ans, une certaine croissance économique (grâce, il faut le préciser, à une aide internationale massive), et une certaine amélioration de la sécurité (avec une police formée par les instructeurs américains). Ces deux « acquis » ne sont bien sûr pas indifférents à la « clientèle » électorale de l'Autorité palestinienne, en premier lieu dans les couches moyennes. C'est sans doute pour élargir sa base de manouvre que Fayyad, depuis quelque temps, affirme un peu plus son autonomie à l'égard de l'occupant, construisant en zone C, organisant le boycott des produits des colonies et affichant sa solidarité avec la résistance non armée.
Écrire cela ne vaut évidemment ni approbation, ni illusion : comme je l'ai écrit dans la préface à la dernière brochure de formation de l'AFPS, intitulée « Solidarité critique » ([ii]), notre solidarité va au peuple palestinien, pas aux différentes factions qui prétendent le représenter.
Et nul ne dit - en tout cas pas nous - que, dans le cadre étroit dessiné par la politique israélienne, cette ligne débouchera sur une véritable percée. Visiblement, elle se veut complémentaire de l'idée, fréquente dans les milieux diplomatiques, d'une déclaration prochaine de l'État palestinien, lequel serait ensuite admis au sein des Nations unies par l'Assemblée générale de celles-ci, sur proposition du Conseil de sécurité. Fayyad, au fond, ferait en sorte, sur le terrain, de donner une certaine réalité à l'entité que l'ONU adouberait. Avancée ou chimère ? La question vaut d'être posée et débattue.
Au nom de quel dogme faudrait-il sacrifier toute approche fine au discours ultra-radical (Dayton et Fayyad sont, écrit Pierre-Yves Salingue, « le flic et le banquier au service de la paix pour le capital ») ? Quiconque sort des canons du purisme trotskyste doit-il être jeté en pâture à la vindicte populaire ? Personnellement, ce terrorisme intellectuel ne me fait ni chaud ni froid : le temps où les insultes, des « vipères lubriques » aux « hyènes dactylographes », stérilisaient toute pensée est heureusement dépassé. Et l'essentiel, en définitive, c'est le mouvement de solidarité avec la Palestine.
Puisse Pierre-Yves Salingue y participer concrètement avec autant d'ardeur qu'il en met à vouer aux gémonies quiconque ne partage pas la moindre de ses idées. Quant à nous, nous poursuivrons sur le seul chemin qui vaille à nos yeux : lutter pour l'union des forces et des personnes résolues à faire appliquer le droit international, et non à diviser ce rassemblement nécessaire. Car l'issue est là : dans l'union la plus large sur une base claire, et non dans l'excommunication à partir de considérants qui sont loin d'être limpides.
Dominique Vidal, historien et journaliste.
([i]) Voir respectivement
- www.france-palestine.org/article12661.html
et
- www.france-palestine.org/article15439.html
([ii]) http://www.france-palestine.org/article14624.html
(1)
"Nous ne serons pas complices des Pétain palestiniens"
1ère et 2ème parties
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