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Gaza - 23 février 2018
Par Gregory Shupak
Le Dr Greg Shupak est un auteur et militant qui enseigne les médias à l'Université de Guelph au Canada.
Les conditions de vie à Gaza sont fréquemment décrites dans le langage neutre de l'humanitarisme et de la pauvreté. Un documentdu 6 février publié par le Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires Humanitaires note que « le carburant d'urgence pour les infrastructures essentielles de Gaza sera épuisé dans les dix prochains jours » et que « les services d'urgence et de diagnostic comme les IRM, tomodensitométrie et rayons X, unités de soins intensifs et salles d'opération dans 13 hôpitaux publics, quelques 55 bassins d'épuration des eaux usées, 48 usines de dessalement et centres de collecte des déchets solides. »
Service hospitalier fermé à cause du manque d’électricité (Source photo)
La déclaration décrit cette situation comme « une catastrophe humanitaire provoquée par la crise énergétique » sans fournir aucune information sur les causes ou la responsabilité de cette crise.
Un langage dépolitisé
Un rapport de l'UNICEF sur la pauvreté à Gaza note que les « conditions économiques » se sont détériorées dans la bande et que « 40% des familles palestiniennes dans la bande de Gaza vivent sous le seuil de pauvreté et 70% dépendent d'une forme d'aide extérieure ». À aucun moment, cet article ne mentionne Israël ou les États-Unis ou leurs partenaires.
Selon les Perspectives économiques palestiniennes d'octobre 2017 de la Banque mondiale, le taux de chômage à Gaza est de 44% et de plus de 60% pour les 15-29 ans. Ce document refuse également de mentionner Israël ou l'un de ses alliés et ne fait qu'une vague référence aux « contraintes actuelles de la compétitivité économique » sans donner une idée de ces contraintes, qui les a mises en place ou pourquoi.
Il est trompeur de spécifier les énormes défis auxquels les habitants de Gaza sont confrontés uniquement ou principalement dans le langage dépolitisé de l'humanitarisme et de la pauvreté.
Présenter les problèmes auxquels la population de Gaza est confrontée de cette manière suggère qu'ils sont apparus naturellement, occultant ainsi le fait qu'ils sont le résultat de politiques délibérées américano-israéliennes-palestiniennes.
Israël contrôle l'accès à Gaza, à son espace aérien et à sa mer et assiège la Bande depuis 2006. Israël occupe Gaza et, en vertu du droit international, les puissances occupantes sont responsables du bien-être de la population du territoire occupé.
Le fait qu'Israël gère l'économie de Gaza met en évidence la façon dont il est responsable de la pauvreté et du chômage dans la bande de Gaza et leurs effets d'entraînement. Israël décide quelles sont les marchandises qui valent la peine d'être fabriquées à Gaza et exportées, « influençant la rentabilité et la faisabilité de différentes branches de l'industrie, » selon le groupe de défense des droits humains Gisha.
L'organisation souligne que le contrôle exercé par Israël sur le seul passage terrestre par lequel les marchandises entrent et sortent de Gaza lui permet de limiter ce qui entre et sort de telle sorte qu'il « influence presque tous les aspects de l'économie et du marché du travail de Gaza. » Étant donné qu'Israël est « la source quasi unique de tous les produits et marchandises entrant dans Gaza, » il « a aussi une influence déterminante sur le coût de la vie dans la bande. »
Les crimes israéliens contre les Palestiniens
Pendant ce temps, les restrictions israéliennes sur les exportations de Gaza laissent le territoire « isolé et sans réelle opportunité de développement économique ». Israël a mené trois attaques militaires majeures contre Gaza en moins de dix ans, tuant des milliers de Palestiniens.
Les restrictions israéliennes sur la capacité des Palestiniens à importer des matériaux de construction ont bloqué les projets de reconstruction, laissant des dizaines de milliers de sans-abri et d'infrastructures dans un état désastreux. Toutes ces mesures font partie de plus de 50 ans de dé-développement de la bande par Israël.
En outre, comme le souligne l'organisation de défense des droits humains Al-Haq , Israël a créé une « zone tampon » autour de Gaza qui a réduit les terres disponibles pour l'agriculture et Israël a également restreint l'accès palestinien à la mer à tel point que « Environ 17 pour cent des terres à Gaza a été classé comme ‘zone d'accès restreint’, laissant inaccessibles plus de la moitié des terres agricoles et 85% de l'espace maritime de Gaza. Etant donné que la pêche et l'agriculture sont les principaux piliers de l'économie palestinienne, le blocus a été dévastateur pour la vie dans la bande de Gaza. »
Quand Israël décide que les pêcheurs palestiniens sont trop loin de la côte, la marine israélienne les attaque fréquemment à coup de grenades assourdissantes, détruit leurs bateaux, les arrête ou tire sur les pêcheurs ; cinq ont été tués entre juin 2007 et juillet 2013, au moins un de plus en Mars 2015 et un autre en juin 2017.
Israël n'agit pas seul. Les États-Unis continuent de fournir à Israël les moyens essentiels d'assiéger Gaza - et de mener à bien tous les autres crimes contre les Palestiniens - sous la forme d'une aide militaire et d'une couverture politique.
Le gouvernement égyptien, bénéficiaire de l'aide militaire généreuse des États-Unis et opposant au gouvernement du Hamas au pouvoir à Gaza, a, à quelques exceptions près, mis en œuvre le blocus à son passage frontalier avec Gaza. L'été dernier, l'Autorité palestinienne, qui à de nombreux égards fonctionne comme mandataire américano-israélien, a réduit les salaires de ses fonctionnaires à Gaza et a poussé avec succès Israël à couper l'électricité de la bande afin d'affaiblir ses rivaux du Hamas.
Il y a peu de raisons de penser qu'Israël et les États-Unis amélioreront la vie des habitants de Gaza de sitôt.
Gisha note que : « Tout au long de 2017, des mesures nouvelles ou intensifiées ont restreint davantage les déplacements à destination et en provenance de Gaza » et qu'elles ont été introduites « sans justification et sans aucune considération de l'impact qu'elles auraient sur les civils de Gaza, une population déjà soumise à d’énormes contraintes. »
Comme le rapporte le journaliste palestinien-américain Ali Abunimah, en janvier, les Etats-Unis ont décidé de retenir plus de la moitié de leur contribution mensuelle de 125 millions de dollars à l'UNRWA, compromettant la capacité de l'organisation à fournir des services humanitaires de base. Selon le porte-parole de l'UNRWA, il s'agit de « la pire crise financière de l'histoire de l'UNRWA. »
Gaza n'a donc pas de problème humanitaire. Il a un problème politique. Il a un problème d'impérialisme. Il a un problème colonial.
Les mauvaises solutions
Décrire les difficultés rencontrées par les habitants de Gaza en termes d'humanitarisme et de pauvreté suggère que ces problèmes peuvent et doivent être résolus par l'aide internationale et les ONG plutôt que par une solution politique à la question palestinienne qui conduit à la libération palestinienne.
Tariq Da'na indique que les Palestiniens ont été contraints à une situation de dépendance institutionnalisée vis-à-vis d'une « industrie de l'aide » mondiale parce que l'aide est assortie de conditions.
Celles-ci, écrit-il, ont dramatiquement rétréci l'espace politique palestinien en exigeant l'adhésion au « processus de paix », un terme inapproprié pour les relations israélo-palestiniennes depuis les Accords d'Oslo de 1993 où Israël a plus que doublé son nombre de colons illégaux en Cisjordanie , y compris Jérusalem-Est, réduit Gaza à son état actuel, a tué des milliers de Palestiniens, et n’a pas rapproché les Palestiniens de la réalisation de leur autodétermination.
Comme le souligne Max Ajl , aussi forte soit la sympathie du personnel des ONG internationales à Gaza pour les Palestiniens, le mandat de ces institutions « ne va pas jusqu’à traiter la cause profonde du siège » et leur tâche « consiste au mieux à geler la situation (...) pour maintenir les Palestiniens de la Bande en vie. »
Ce qui arrive à Gaza est une calamité politique qui nécessite une solution politique : la libération palestinienne.
Source : Middle East Eye
Traduction : MR pour ISM
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