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Jérusalem -

La Capitale de la Palestine : Sans Arabes en 2015

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Article publié sur Al-Akhbar le 4 septembre 2012

Le gouvernement israélien s'est lancé dans une course contre la montre pour mettre la touche finale à son plan d'annexion et de judaïsation de Jérusalem-Est. Les Palestiniens représentent globalement 58% des habitants de la partie orientale de la ville aujourd'hui. Les projets israéliens visent à réduire ce pourcentage à environ 10%. Israël est déterminé à créer de force des faits accomplis irréversibles sur le terrain depuis le premier jour de l'occupation. Le 10 juin 1967, le gouvernement israélien a démoli le quartier marocain, à côté du Mur des Lamentations, pour aménager un espace public pour les fidèles juifs, détruisant 135 immeubles résidentiels historiques.

La Capitale de la Palestine : Sans Arabes en 2015

Al-Quds occupée, 25 octobre 2009 (Sebastian Scheiner/Associated Press)

En 1980, Israël a officiellement déclaré l'annexion de Jérusalem-Est en votant la Loi sur Jérusalem à la Knesset, qui déclare tout Jérusalem, l'ouest et l'est, comme capitale unifiée d'Israël. Le Conseil de Sécurité des Nations Unies a condamné cette déclaration dans sa résolution 478, condamnation qui n'a pas empêché Israël de poursuivre ses objectifs en toute liberté.

Le cerveau des plans israéliens pour Jérusalem est l'ancien maire Teddy Kollek. La stratégie qu'il a conçue consiste en deux points : s'emparer de la terre et chasser les Palestiniens.

Le gouvernement israélien s'est emparé des terres de Jérusalem-Est en créant la Loi des absents, la construction de colonies et le mur d'apartheid. L'augmentation du nombre de colons juifs à Jérusalem-Est a fortement influencé les changements démographiques en cours. Le Bureau central palestinien des statistiques (PCBS) a estimé à 267.643 le nombre de colons vivant dans 26 colonies à Jérusalem-Est à fin 2011.

Avec l'annexion de Jérusalem-Est à Israël, les lois de l’État se sont appliquées à la ville. Le gouvernement israélien s'est servi de la Loi sur les biens des absents pour se saisir de vastes pans de terre palestinienne. Cette loi avait été adoptée en 1950 dans le but de légaliser l'acquisition des terres des réfugiés palestiniens expulsés en 1947 et 1948.

Dans un entretien avec Al-Akhbar, Ziad Hammouri, directeur du Centre de Jérusalem pour les droits sociaux et économiques (JCSER) a déclaré : "Le gouvernement israélien a confisqué environ 86% des terres palestiniennes à Jérusalem-Est depuis l'occupation." Ces confiscations massives ont limité l'expansion des quartiers et banlieues palestiniens à Jérusalem.

Le mur d'apartheid a été construit de manière à annexer les espaces libres de Jérusalem. Dans certains cas, des zones habitées ont été annexées, Israël revendiquant la terre tout en refusant les citoyens. Le village de Al-Walajeh, au sud de Jérusalem, en est l'exemple. Le gouvernement israélien a annexé de vastes étendues de terre à Walajeh, ainsi que les maisons qui s'y trouvaient. Actuellement, de nombreux Palestiniens vivent "illégalement" [selon les lois israéliennes] dans leurs propres maisons dans ces zones annexées. Il en fut de même dans des secteurs d'Anata et de Beit Jala.

Jan de Jong, urbaniste géostratégique à PASSIA (Palestinian Academic Society for the Study of International Affairs) a dit lors d'un entretien : "Le gouvernement israélien s'efforce de développer au maximum les colonies à Jérusalem."

"L'anneau [mur d'apartheid] autour de Jérusalem est pratiquement terminé. Vous seriez surpris de voir à quelle vitesse les plans ont déjà progressé... On peut changer la vieille carte d'Oslo," a ajouté Jan de Jong.

Contrôle démographique

Selon les recherches de PASSIA, la population palestinienne à Jérusalem-Est a décru de 18,8% pendant les premières semaines de l'occupation. Dans les deux années suivantes, le pourcentage de Palestiniens dans la ville est tombé de 100% à 67,2% seulement. En 2011, il a chuté à 58% (382.041 Palestiniens).

Après l'annexion de Jérusalem-Est, les Jérusalémites ont reçu une carte d'identité bleue (photo ci-dessous) en vertu de la Loi d'entrée en Israël. Cette loi a été votée à la Knesset en 1952. Elle régule l'octroi de la résidence aux citoyens non-israéliens.

Photo


"La simple idée de nous accorder la carte d'identité bleue dans le cadre de cette loi, comme si nous étions des nouveaux venus, signifiait qu'ils étaient prêts à réduire la population palestinienne de Jérusalem à tout moment," dit Hammouri. Selon la loi, la résidence peut être révoquée dans trois cas : passer plus de 7 ans à l'étranger, acquérir la résidence dans un autre pays ou obtenir une citoyenneté étrangère.

Entre 1967 et 2011, le gouvernement israélien a révoqué le droit à résidence de 14.560 Palestiniens de Jérusalem-Est, selon les dernières statistiques du JCSER. Un rapport du Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de l'homme a estimé qu'en 2010, 10.000 enfants palestiniens de Jérusalem-Est n'ont pas été enregistrés parce que seul un de leurs parents avait le statut de résident permanent.

Yakir Segev, qui s'occupe du dossier Jérusalem-Est à la mairie de Jérusalem, a déclaré en janvier 2010 à l'Université hébraïque que les quartiers palestiniens situés derrière le mur de séparation ne faisaient plus partie de Jérusalem.

En décembre 2011, le maire de Jérusalem Nir Barakat a annoncé que la municipalité allait enregistrer comme non-résidents 70.000 citoyens de Jérusalem, faisant référence aux Palestiniens vivant derrière le mur. Il a ajouté que ces zones seraient sous administration civile cisjordanienne.

"C'est une déclaration dangereuse," dit Hammouri. "Elle veut dire que les Palestiniens de ces secteurs seront soumis à la loi militaire."

Aujourd'hui, 290.000 Palestiniens ont la carte d'identité de Jérusalem. Selon Hammouri, entre 100.000 et 120.000 d'entre eux vivent derrière le mur.

"Les prochains plans de la municipalité incluront probablement de se débarrasser des quartiers palestiniens densément peuplés de Jérusalem qui sont actuellement à l'intérieur du mur," ajoute-t-il. "Ce projet touchera Essawiyeh, Sur Baher, Im Tuba et Anata."

Les dizaines de milliers de Palestiniens dont la résidence sera révoquée seront considérés comme des Absents, selon la loi israélienne. En conséquence, l’État confisquera tous leurs biens à Jérusalem.

En 1995, le gouvernement israélien a introduit le concept de "Centre de Vie", pour contourner la Loi sur l'entrée en Israël. "Le concept de Centre de Vie signifie qu'il vous faut faire la preuve d'une résidence continue à Jérusalem pendant au moins deux ans," dit Hammouri. "C'est un concept vague et le gouvernement peut le définir comme il veut."

Avec la construction du mur d'apartheid, le gouvernement israélien a déjà réussi à se débarrasser de nombreux villages et quartiers palestiniens densément peuplés comme Abu Deis, Shuafat, Qalandia et autres. Néanmoins, ils demeurent sous la juridiction de la municipalité israélienne de Jérusalem. Dans ces quartiers, on estime à environ 100.000 le nombre de Palestiniens toujours détenteurs de la carte d'identité bleue de résidence à Jérusalem.

Les résidents palestiniens des quartiers qui sont juste derrière le mur passent le plus clair de leur temps dans la Cité [à l'intérieur du mur]. Ils y viennent pour travailler ou pour leurs études.

"Parce qu'à la fin de la journée ils dorment chez eux, derrière le mur, Jérusalem n'est pas considérée comme étant leur "centre de vie"," dit Hammouri.

Dans les zones éloignées du mur [à l'intérieur des limites de la municipalité de Jérusalem], les Palestiniens détenteurs de la carte d'identité de Jérusalem paient des impôts et reçoivent une assurance médicale et nationale du gouvernement israélien. La municipalité traite ces démarches administratives dans des bureaux spéciaux qui servent de contrôle.

Début 2011, la municipalité de Jérusalem a cessé d'exiger de certains résidents de ces secteurs qu'ils payent la taxe Arnona [taxe d'habitation, ndt]. Le règlement de la taxe Arnona est une pré-condition pour prouver que leur centre de vie est à Jérusalem. "Ces bureaux spéciaux du gouvernement qui font office de contrôle sont retors," dit Hammouri. "Le gouvernement s'en sert pour recueillir des données sur les Palestiniens qui vivent derrière le mur et en conséquence révoquer leur résidence, selon leur conception du Centre de Vie."

Début 2012, le gouvernement israélien a introduit une nouvelle carte magnétique pour remplacer la carte d'identité bleue actuelle. Pour le moment, la nouvelle carte est en option. D'ici deux ans, elle sera obligatoire pour tous les citoyens israéliens et les résidents de Jérusalem.

Cette carte magnétique contient des informations biométriques, les dossiers fiscaux, la circulation [entre Jérusalem et la Cisjordanie ], et autres informations. Hammouri s'attend à ce que dans un avenir proche, les Jérusalémites doivent faire une demande de permis pour entrer en Cisjordanie . "Tous les checkpoints seront déclarés 'points de passage internationaux'," dit Hammouri.

A partir de novembre 2011, les Jérusalémites ont été autorisés à emporter leur carte d'identité de Jérusalem à l'étranger. Les Palestiniens de Jérusalem-Est sont tenus de déposer leur carte d'identité au Pont Allenby avant de quitter le pays. Hammouri prédit que les Jérusalémites vivant à l'étranger ne pourront pas obtenir la nouvelle carte magnétique, et que la carte d'identité bleue qu'ils ont ne sera plus qu'un morceau de papier inutile.

Jérusalem, ville fantôme

Le gouvernement israélien vide Jérusalem de ses habitants de manière "douce". Il n'expulse pas manu militari les Palestiniens ; la révocation du droit à résidence se fait par étapes. Au fil du temps, des milliers de Jérusalémites seront interdits d'entrée dans leur ville.

En 2010, le gouvernement israélien a créé un précédent en ordonnant l'expulsion de quatre membres Hamas du Conseil législatif palestinien. Les ordres d'expulsion n'étaient fondés que sur leurs activités politiques, dans le cadre de la Loi de la Loyauté qui sera bientôt en vigueur à une échelle plus large.

Le député Hamas Mohammed Abu Teir a mis en garde en 2010 que l'ordre d'expulsion qu'il a reçu était le premier d'une série d'ordres qui verraient l'expulsion de 315 Palestiniens politiquement actifs à Jérusalem.

"Dans un avenir proche, les Palestiniens ayant des activités politiques à Jérusalem seront expulsés au nom de la Loi de la Loyauté," dit Hammouri. "C'est une des lois les plus ridicules. Ils veulent que nous soyons loyaux à nos occupants."

"Pendant ce temps, vous rêverez et vivrez le fantasme que vous êtes jérusalémite, avec carte d'identité," dit Mahdi Abdel Hadi, directeur et fondateur de PASSIA. "Mais ça n'aura aucune valeur parce que vous ne faites pas partie du système israélien."

S'acharnant à poursuivre ses plans sans être dérangé, le gouvernement israélien "intoxique" les Palestiniens. Il a assoupli les restrictions à l'entrée à Jérusalem pendant ce Ramadan d'une manière sans précédent depuis l'éclatement de la Deuxième Intifada en 2000. L'agence de presse Ma’an News a rapporté que le gouvernement israélien a accordé environ 150.000 permis aux Palestiniens pour entrer à Jérusalem à l'occasion de l'Eid al-Fitr. Même des employés des forces palestiniennes de sécurité, qui étaient interdits d'autorisation auparavant, les ont obtenus. Des Palestiniens dont le dossier portait une interdiction pour raison de sécurité ont eu une autorisation, malgré l'interdiction sécuritaire.

"Les Israéliens jouissent de 100% de sécurité en Cisjordanie et à Jérusalem," dit Mahdi. "Les Palestiniens sont en cours de 'domestication', on leur fait accepter la réalité israélienne pour les années à venir. Actuellement, le gouvernement israélien teste les réactions palestiniennes. Nous en sommes à la phase expérimentale des plans israéliens pour Jérusalem."

Les infrastructures israéliennes ont été construites sur la détermination de ne jamais se retirer de Jérusalem-Est. En 2011, Israël a terminé la construction du tramway à Jérusalem. Son trajet relie les colonies de Jérusalem-Est au centre de Jérusalem-Ouest. La route principale qui relie Jérusalem à Tel Aviv, la "Route 1", traverse des portions de terres occupées en 1967 [zone de Latrun].

Le Guardian a publié en mars 2009 un rapport de l'Union Européenne qui dit : "Les faits accomplis israéliens sur le terrain - les nouvelles colonies, la construction de la barrière, la politique discriminatoire du logement, les démolitions de maisons, le régime de restriction de permis et la fermeture continue des institutions palestiniennes - accroissent la présence israélienne juive à Jérusalem-Est, affaiblissent la communauté palestinienne dans la ville, empêchent le développement urbain et séparent Jérusalem-Est du reste de la Cisjordanie ."

Les statistiques 2010 de l'Institut national israélien d'assurance indiquent que 78% des Palestiniens à Jérusalem sont en-dessous du seuil de pauvreté. Aujourd'hui, 20.000 ordres de démolition sont en cours d'exécution pour des maisons et structures palestiniennes à Jérusalem-Est.

A cette vitesse, d'ici deux ans, la présence palestinienne à Jérusalem sera réduite à son minimum. Les négociateurs palestiniens seront confrontés à de nouveaux faits accomplis qui rendront impossible de parvenir à un accord acceptable sur le statut de Jérusalem. Le gouvernement israélien continue de gagner du temps en vue de boucler ses plans, pendant que la communauté internationale entre dans son jeu et que ses seules actions sont de l'encre sur du papier.



Source : Al Akhbar

Traduction : MR pour ISM

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