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Palestine occupée -

Le document du Hamas coupe la route à une révision globale de la stratégie palestinienne

Par

Ziyad Nakhale, secrétaire général adjoint du Mouvement du Jihad islamique en Palestine répond aux questions de « Falastine al-Yom ». Dans une discussion franche et globale, il a explicité la position de son mouvement à propos du document politique du Hamas et répondu à d’autres questions.
Texte intégral de l’interview, réalisée le 5 mai 2017.

Le document du Hamas coupe la route à une révision globale de la stratégie palestinienne

Question : Finalement, le mouvement Hamas a officiellement publié son document politique. Certains y voient un progrès et une avancée au niveau de la position politique, d’autres y voient un abandon et recul quant aux constantes du Hamas et de la cause. Certains affirment qu’il n’y a rien de nouveau. A cet égard, comment le mouvement du Jihad islamique considère le document du Hamas ?

Réponse : Premièrement, en tant que partenaires avec les frères du Hamas dans le projet de la résistance et de la libération, nous aurions souhaité les féliciter pour cet important document, mais en toute franchise, et en tant que « partenaires en conseils », nous ne sommes pas apaisés quant à certains points de ce document. Du point de vue de la position politique, certes, le document présente un progrès et une avancée, mais sur une impasse, une route vers la recherche de solutions et des semi-solutions à la cause palestinienne, sous la direction de ce qui s’appelle la légalité internationale.

L’expérience de ceux qui ont emprunté cette voie a poussé nombreux à exprimer leurs craintes d’abandonner les constantes. Cependant, et malgré les divergences d’opinions, nous avons confiance dans Hamas, et nous espérons qu’il ne se hâte pas, et que son pari demeure fixé sur notre peuple et notre nation, et non sur ceux qui nous sont hostiles. Dire qu’il n’y a rien de nouveau dans le document, à mon avis, a du vrai, car ce que Hamas a dit au cours des dix années passées, par morceaux, il l’a dit d’un coup et officiellement. Hamas avait déjà signé le « document des prisonniers », il s’était adapté au programme de l’OLP et s’était éloigné de la charte du Hamas.

Question : Quelle est la position du Mouvement du Jihad islamique à propos du contenu de ce document ?

Réponse : Sans aucun doute, nous sommes d’accord sur de nombreux points dans ce document, comme la confirmation que la Palestine est la patrie du peuple palestinien, la non reconnaissance d’Israël, l’affirmation du droit au retour, l’attachement à la résistance et ses armes, mais nous n’approuvons pas le fait que le Hamas accepte l’Etat palestinien dans les frontières de 1967, car ceci entame les constantes, à notre avis, et reproduit les égarements dans lesquels nous a plongés le programme provisoire de l’OLP. De même, la formulation avancée par Hamas pour expliquer son acceptation des frontières de 1967 dans l’article 20, disant qu’il s’agit d’une « forme d’accord réciproque national commun » n’est pas judicieuse et n’exprime pas la réalité.

Question : Pouvez-vous clarifier ce point et expliquer la position quant à cette forme ?

Réponse : D’abord le fait d’accepter la ligne du 4 juin (1967) comme frontière de l’Etat palestinien est une reconnaissance implicite de l’Etat situé à côté, établi sur 80% de la terre de Palestine, qui est « l’Etat d’Israël ». Ce qui signifie, en somme, que nous sommes face à la solution de deux Etats, que l’OLP avait acceptée et que « Israël » refuse d’appliquer.

Deuxièmement, que signifie cette forme d’accord réciproque national commun ? Est-ce que ceux qui refusent la « solution de deux Etats », comme le Jihad islamique et d’autres, n’est pas national et n’est pas en accord avec les autres ?! C’est pourquoi nous disons que la formulation n’est pas judicieuse, elle blesse les sentiments des frères d’armes dans le camp de la résistance. Nous disons qu’elle n’exprime pas la réalité, car Hamas dit que son programme est différent de celui du Fateh, mais il s’est placé dans le camp de ceux qui acceptent la solution de deux Etats, et parle d’accord réciproque… Nous disons, tant qu’il y a un seul Palestinien qui refuse la solution de deux Etats, ou de limiter les frontières de l’Etat palestinien aux frontières de 67, il n’y a pas de programme d’accord réciproque ou d’unanimité nationale.

Question : Le mouvement du Fateh a favorablement accueilli le document du Hamas, mais certains de sa direction ont considéré que Hamas se prépare, par ce document, à être l’alternative à l’OLP et à l’Autorité palestinienne, dans les négociations futures avec « Israël », comme le discours de Khaled Mechaal à Doha a été compris. Qu’en pensez-vous ?

Réponse : chaque organisation a le droit d’exprimer son point de vue, et assume la responsabilité de ses positions et comportements. Quant à nous, nous ne pouvons juger Hamas ou toute autre organisation sur des intentions futures. Notre position est liée à une réalité qu’exprime le document, et ce qui a été dit par les frères du Hamas pour l’expliquer ou pour le faire accepter, quelles que soient les circonstances internes à Hamas et la question des élections, nous considérons que le moment de proclamer le document n’est pas approprié.. Certains ont commenté le document en revenant sur un proverbe arabe disant « est-ce que Hamas va en pèlerinage au moment où les gens en reviennent ? », voulant dire que le processus de règlement a échoué, et il n’y a pas de chance pour la solution à deux Etats. D’abord, Netanyahu affirme que ce conflit ne peut être résolu.

Ce qui nous importe, nous, en tant que mouvement de la résistance, c’est que l’échec du parcours du règlement et des négociations impose de mener une révision complète du processus palestinien depuis un quart de siècle, et d’adopter une nouvelle stratégie qui s’appuie sur un programme de résistance et de libération.

A notre avis, le document du Hamas coupe la route à cette révision politique palestinienne, et conforte le Fateh et l’OLP dans le choix du règlement et des négociations, car les gens de la résistance, représentés par Hamas, rejoignent aujourd’hui des parties de leurs programmes, après qu’ils aient demandé sa suppression et son abandon au profit de la résistance.

Question : Que pensez-vous des déclarations de Khaled Mechaal au CNN américain, et son appel en direction du président américain Trump, affirmant que le document du Hamas offre une occasion pour réaliser une solution juste du conflit sur la Palestine ?

Réponse : Malheureusement, des déclarations ou positions de certains frères dirigeants du Hamas peuvent susciter une inquiétude chez les amis et alliés du mouvement, plus que ne le fait le document lui-même. Notre frère et ami Abul Walid (Khaled Mechaal) connaît plus que d’autres l’alignement absolu et aveugle de la position historique américaine, aux côtés « d’Israël. Si Obama, qui avait des divergences avec Netanyahu, n’a pu rien faire, est-ce que Trump ou le mari de sa fille, qui est un juif extrémiste, va-t-il nous offrir une solution juste ? De plus, je ne comprends pas ce que signifie la solution juste, dans ce contexte, lorsqu’elle est liée à l’appel à Trump de profiter de l’occasion que représente le document du Hamas ? Est-ce que les frontières de 67 sont-elles une solution juste ?

De plus, si l’accord d’Oslo et la reconnaissance « d’Israël » par l’OLP, et l’initiative arabe, tout cela a représenté une occasion pour « Israël » et les Etats-Unis qui le soutiennent, est-ce que le document du Hamas, qui statue la non reconnaissance « d’Israël » sera, à leurs yeux, une occasion pour l’accepter ? Si « Israël » va donner aux Palestiniens un Etat dans les frontières de 67, où sont implantés aujourd’hui 750.000 colons, avec al-Quds, il l’aurait donné à Abu Mazen ou Yasser Arafat avant lui. Hamas le sait bien, et le monde entier le sait aussi. Donc, pourquoi nous placer dans une situation où pointe un soupçon d’abandon d’une parcelle de la terre de Palestine ?

Question : Comment évaluez-vous la visite d’Abu Mazen à la Maison Blanche, et la position de la nouvelle administration américaine concernant la cause palestinienne ?

Réponse : il est clair que l’administration de Trump se dirige vers l’adoption de la vision « israélienne » et de la solution « israélienne » de la cause palestinienne. En premier lieu, se trouve le retour à la politique des négociations pour les négociations, pour acheter le temps et imposer de nouvelles réalités sur le terrain, en intensifiant la colonisation, en judaïsant la terre, en menaçant les lieux saints.. Trump n’a rien promis, et n’a donné aucun signe disant qu’il est différent des autres présidents américains. Et s’il est différent, à notre avis, c’est qu’il est pire. Il n’a donné aucun engagement pour la solution de deux Etats, qui est terminé dans l’agenda sioniste ; il n’a pas promis d’arrêter les mesures pour transférer l’ambassade américaine vers al-Quds, ou autres signes pouvant justifier de considérer la rencontre comme un acquis pour les hommes de l’Autorité en Palestine.

La rencontre, à notre avis, est une rencontre de relations publiques, une tentative de remettre en marche la vente des illusions à notre peuple, de faire renaitre des espoirs morts concernant « la paix impossible » avec l’ennemi sioniste. Mais il s’agit aussi d’une étape dangereuse si elle est liée à ce que prépare l’administration américaine prochainement, concernant le règlement régional.

Question : Quel est à votre avis le secret du bon accueil par le président Trump du président de l’Autorité, qui a surpris de nombreuses personnes, même au sein de l’administration américaine ?

Réponse : Ce bon accueil est, à notre avis, une sorte de félicitation d’une part, et un pot-de-vin de l’autre. Un remerciement pour le rôle de l’Autorité et de ses appareils sécuritaires dans la coordination sécuritaire, et les efforts faits pour réprimer le peuple palestinien, sa résistance et son intifada.. Les réalisations sécuritaires de l’Autorité au profit de l’ennemi sioniste ont stupéfait les Américains, au point où Trump les a décrites comme « incroyables ! ». Pot-de-vin pour faire accepter la transaction historique que prépare Trump, qui sera une nouvelle catastrophe ou la « mère » des catastrophes pour le peuple palestinien et sa cause.

Question : Y a-t-il des renseignements sur cette transaction ?

Réponse : En un mot, liquider la cause palestinienne en acceptant que ce veut « Israël », puis suffit !

Question : Pensez-vous que Abu Mazen (Mahmoud Abbas) appliquera ses menaces en direction de la bande de Gaza ? Quelle est votre position ?

Réponse : Oui, nous pensons que ces menaces sont sérieuses, il s’agit d’une revendication régionale et internationale, avant d’être une décision de l’Autorité. Le but est de semer un état d’anarchie qui conduise à l’effondrement de la situation dans la bande de Gaza

Notre position à propos de ces menaces est que c’est une tentative de sanctionner collectivement le peuple palestinien, et le passage de l’Autorité d’une position de soutien au blocus injuste contre la bande de Gaza à une participation directe, au plus haut degré. Nous espérons que le frère Abu Mazen et les sages dans la direction du Fateh reviennent sur cette question, car si cela arrive, la bande de Gaza sera un baril de poudre qui explosera à la face de tous, et son feu brûlera les doigts de tous ceux qui participent à ce crime.

Question : Ya t-il un moyen d’arrêter le processus ? Est-ce que la réalisation de l’entente et la fin de la division peuvent empêcher l’explosion ?

Réponse : Nous avons maintes fois affirmé que l’entente, dans les circonstances actuelles, ne se réalisera pas, car ses conditions ne sont pas assurées chez les deux parties de l’Autorité, Fateh et Hamas. La seule voie qui pourrait modifier cette voie, et protéger le peuple, sa cause et sa société, dans les circonstances critiques, est de soutenir activement les prisonniers, que la solidarité avec eux déclenche une intifada globale des prisonniers, pour faire renaître l’Intifada tuée d’al-Quds. Ainsi, nous pourrons sauver les prisonniers et la voie vers al-Quds. Il est regrettable et douloureux que la situation palestinienne s’enlise dans un règlement de comptes lié à l’Autorité et les prérogatives, et que certains tournent le dos à nos prisonniers qui mènent la bataille de la liberté et de la dignité face à l’occupation, sans avoir le soutien de la direction de l’Autorité, de la nation et du monde.

Question : l’Autorité a annoncé son soutien à la grève, et le ministre chargé des prisonniers participe aux activités. Qu’est-il demandé de l’Autorité pour soutenir les prisonniers, à votre avis ?

Réponse : Il est demandé que l’Autorité arrête la coordination et la coopération sécuritaire avec l’ennemi. Est-il possible qu’un fils du Fateh en prison affronte la mort, plié sous l’épée du geôlier, sous l’épée de la faim à cause de la grève, au moment où ses camarades et frères dans l’organisation, qui travaillent dans les appareils sécuritaires, lèvent l’épée contre l’Intifada, la poursuivent et l’encerclent, et présentent des renseignements à son propos aux hommes de la sécurité « israéliens », qui arrêtent les fils de notre peuple, et les privent des droits humains les plus élémentaires dans les prisons ? Et dans ces prisons, ils se révoltent et se soulèvent, par la faim, pour réclamer la liberté et la dignité, alors que l’Autorité ne pense pas à faire pression sur ce geôlier en cessant la coopération sécuritaire avec lui, contre le peuple palestinien ?

L’Autorité se trouve face à un grand défi, face aux jeunes du Fateh d’abord, et face à tous les Palestiniens, à tous les êtres dignes et libres dans ce monde. Nous voulons savoir qu’est-ce qui est sacré, pour cette Autorité ? La coordination sécuritaire avec l’ennemi ? Ou la vie du prisonnier palestinien et de l’être palestinien ? Qu’est-ce qui est sacré, pour elle, la « sécurité d’Israël » ou « la sécurité de la Palestine » et de son peuple ?


Source : CIREPAL

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