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Cisjordanie - 2 octobre 2011
Par ARIJ
L'occupation militaire israélienne du territoire palestinien impose un prix à payer exorbitant à l'économie palestinienne. Les restrictions israéliennes empêchent les Palestiniens d'avoir accès à beaucoup de leurs terres et d'exploiter la plupart de leurs ressources naturelles ; elles isolent les Palestiniens des marchés mondiaux, et fragmentent leur territoire en petits "cantons" non contigus. Comme l'ont récemment aussi souligné des organisations économiques internationales, dont la Banque mondiale, la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement et le Fonds monétaire international, ces restrictions sont le principal obstacle à toute perspective d'une économie palestinienne durable.
Sachant cela, et en dépit de la rareté des données et les défis que représentent une tache d'une telle ampleur, le ministère palestinien de l'Economie nationale a fait équipe avec l'Institut de Recherche appliquée de Jérusalem (ARIJ), un groupe d'experts indépendants, pour réaliser la première quantification systématique des coûts annuels imposés par l'occupation à l'économie palestinienne. Les principaux résultats d'une telle analyse sont présentés dans ce bulletin, qui vise à être une publication régulière surveillant et quantifiant les coûts des restrictions israéliennes sur l'économie palestinienne.
Beaucoup de ces restrictions sont en place depuis le début de l'occupation de 1967, et elles reflètent une attitude coloniale inchangée d'Israël dont le but est d'exploiter les ressources naturelles palestiniennes (dont la terre, l'eau et les ressources minières) au bénéfice de sa propre économie. Cette politique "d'exploitation" s'ajoute au désir d'Israël d'empêcher toute compétition palestinienne avec les intérêts économiques israéliens. Une attitude qui a été résumée par Yitzhak Rabin, lorsqu'il occupait le poste de ministre de la Défense d'Israël en 1986 : "Il n'y aura aucun développement initié par le gouvernement israélien, et aucun permis sera accordé pour l'expansion de l'agriculture ou de l'industrie, qui pourraient entrer en compétition avec l'Etat d'Israël." (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement, 1986). On a retrouvé (et on retrouve encore) cette politique dans toute une série d'obstacles liés aux douanes, au transport et à l'infrastructure qui ont empêché le développement d'un secteur marchand palestinien compétitif et d'un commerce palestinien avec des partenaires non israéliens.
Aujourd'hui, ces restrictions se sont encore aggravées et, selon nos estimations de 2010, elles sont pratiquement égales à la valeur de l'économie palestinienne toute entière. Les coûts totaux imposés par l'occupation israélienne sur l'économie palestinienne que nous avons pu mesurer était de 6.897 milliards de dollars US en 2010, soit un effarant 84,9% du PIB total palestinien. En d'autres termes, si les Palestiniens n'avaient pas été soumis à l'occupation israélienne, la taille de leur économie aurait presque doublé.
Le tableau E1 résume ces coûts répartis selon les principaux types de restriction. Dans la ligne du paradigme de l'occupation israélienne, la majorité de ces coûts n'ont aucune relation avec des problèmes sécuritaires mais ils viennent plutôt des restrictions lourdes imposées sur les Palestiniens dans l'accès à leurs propres ressources naturelles, qu'Israël exploite pour son propre compte, y compris l'eau, les minéraux, les sels, les pierres et la terre. L'évaluation du coût (en terme tant de revenus manqués que de coûts plus élevés des matériaux bruts) que représente pour les Palestiniens le fait de ne pas avoir accès à leurs propres ressources est de plus de 4,5 milliards de dollars US par an, soit 56% du PIB.
Qu'est-ce qui détermine la taille de ces chiffres ?
Les coûts gigantesques du blocus de Gaza sont déterminés par une myriade de restrictions israéliennes, dont la fermeture pratiquement totale au commerce international, les perturbations de la production d'électricité, l'accès limité aux ressources maritimes et le bombardement continue de l'infrastructure. Ces restrictions ont conduit à un effondrement de l'économie, dont la courbe de croissance a divergé de celle de la Cisjordanie depuis 2006. Les restrictions sur l'accès à l'eau (en Cisjordanie ) et à l'accès aux ressources naturelles privent les Palestiniens d'énormes sources de revenus associés aux activités économiques basées sur ces ressources naturelles. Ceci comprend l'expansion de l'agriculture irriguée, l'extraction des sels et des minéraux de la Mer Morte (qui est inaccessible aux Palestiniens pendant qu'elle est exploitée par des compagnies israéliennes), les carrières de gravier et de pierre disponibles en Cisjordanie exploitées en majorité par Israël, et le développement du champ gazier au large des côtes de Gaza. De même, le manque d'accès à la Mer Morte rend impossible le développement d'une industrie touristique palestinienne à fort potentiel le long de ses côtes.
D'autres pertes imposées par l'occupation comprennent les coûts supplémentaires de la fourniture en électricité et en eau pour les Palestiniens, qui dépendent d'Israël pour l'accès à ces approvisionnements à cause des restrictions imposées sur la production d'électricité et sur l'accès à l'eau ; les coûts imposés par les restrictions sur les exportations et les importations, qui se traduisent par une indisponibilité des entrées et des coûts de production plus élevés ; les coûts associés à l'entrave de la circulation des biens et des personnes en Cisjordanie , et la destruction des actifs productifs, en particulier le déracinement des arbres.
Malgré l'ampleur des pertes estimées, il est probable qu'il y ait une sous-estimation importante des coûts réels imposés par l'occupation sur l'économie palestinienne, car il ne nous a pas été possible de mesurer tous les différents coûts de l'occupation par manque de données. Par exemple, l'interdiction d'importer des outils comme les tours, qui sont des éléments essentiels dans la production de machines, a plus que probablement étranglé le développement de tout le secteur palestinien de l'industrie de transformation. Cependant, en l'absence d'évaluation de la taille potentielle du secteur s'il n'y avait pas de restrictions, il n'est pas possible de quantifier leurs coûts.
Non seulement l'occupation maintient l'économie palestinienne à un niveau très faible mais elle freine l'équilibre fiscal palestinien en réduisant ses revenus fiscaux de deux manières : en empêchant une collecte efficace des taxes principalement à cause de l'interdiction qu'a l'Autorité palestinienne d'opérer aux frontières internationales ; et indirectement, en réduisant artificiellement la taille de l'économie palestinienne et donc sa base de recettes fiscales. Nous estimons que les coûts fiscaux directs de l'occupation s'élèvent à 406 millions de dollars US par an tandis que les coûts fiscaux indirects s'élèvent à 1.389 milliards de dollars US par an. Ceci implique que sans l'occupation, l'Autorité palestinienne gèrerait un surplus fiscal confortable sans avoir besoin de l'aide des donateurs, et serait en mesure d'élargir substantiellement les dépenses fiscales pour impulser le développement social et économique.
Rapport : The Economic Costs of the Israëli Occupation for the occupied Palestinian Territory, septembre 2011, 53 pages, en anglais, format PDF.
Source : ARIJ
Traduction : MR pour ISM
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