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Jérusalem - 1 août 2017
Par Inas Abbad
Cela fait deux semaines que trois jeunes hommes de Umm Al-Fahm ont tiré à l’intérieur du site Al-Aqsa, tuant trois officiers de police, et depuis, par conséquent, la mosquée a été fermée et les prières interdites. Peu après, le président palestinien Mahmoud Abbas a dénoncé l’attaque et a déclaré son « rejet de tout incident violent d’où qu’il vienne, en particulier dans les lieux de culte. »
Ses commentaires ont provoqué la colère de nombreux Palestiniens qui pensent qu’ils n’auraient pas dû condamner ce qui s’est passé, en particulier au vu des assassinats quotidiens de Jérusalémites par des soldats et des forces de sécurité israéliens.
Certains ont même craint que les commentaires d'Abbas donnent à Israël le feu vert pour tuer et abuser des Palestiniens, et prendre des mesures humiliantes contre eux et leurs lieux saints.
Compte tenu des pratiques agressives de la police armée contre les Jérusalémites, des intrusions répétées dans la mosquée Al-Aqsa et des provocations quotidiennes des fidèles à l'intérieur du site, Abbas n'aurait-il pas pu accuser Israël pour ce qui s'est passé ?
Y a-t-il un autre lieu de culte, n'importe où dans le monde, qui permet à des soldats lourdement armés d’y déambuler et de provoquer les sentiments des fidèles comme ça ?
Cette spirale d'événements nous a poussés, à Jérusalem, à repenser et à relancer notre lutte en tant que Palestiniens. C'est le moment de reconquérir nos droits, peu importe les positions de nos dirigeants qui nous ont maintes fois laissé tomber.
27 juillet – l’armée d’occupation remballe ses portiques électroniques.
Avec les derniers incidents à Al-Aqsa, nous nous sommes trouvé un tournant important dans notre lutte en tant que peuple, loin du sectarisme qui a divisé notre mouvement.
Rester debout
Les prières, les protestations et les sit-in non-violents ininterrompus aux portes du Haram al-Sharif (le site d’Al-Aqsa) furent un autre tournant important pour le peuple palestinien.
Dès le premier jour de fermeture d’Al-Aqsa et d’interruption des prières, nous, Jérusalémites, avons commencé à agir. Nous avons continué nos sit-ins alors que les fidèles et les soldats s’affrontaient, faisant sept morts, en majorité des étudiants qui n’appartenaient à aucune faction ou parti. Ce qui les a unis, c’était leur droit à cette terre et leur droit à entrer librement dans la mosquée Al-Aqsa pour prier.
C’est la première fois en presque 50 ans que la mosquée Al-Aqsa a été fermée aux fidèles. Nous avons demandé aux Arabes, aux musulmans et plus largement à la communauté internationale de prendre une position ferme pour protéger Al-Aqsa et pour empêcher l’escalade. Mais Israël a continué d’appliquer des mesures plus strictes, toutes en violation du statu quo.
La nuit même qu’ils occupaient et fermaient Al-Aqsa, les véhicules militaires israéliens entraient entre 1 et 3 heures du matin, en l’absence des gardiens d’Al-Aqsa. Personne ne sait quels manuscrits ou documents ils ont pris dans les bibliothèques, ou ce qu’ils y ont mis. L’installation des portiques électroniques, à l’entrée d’Al-Aqsa, a suivi, le 17 juillet.
Pendant cette phase, Israël a systématiquement essayé de créer des divisions entre les citoyens palestiniens d’Israël et les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza et au-delà, par des déclarations fausses et provocantes dans les réseaux sociaux, suggérant que les portiques électroniques avaient été installés à la suite d’un arrangement avec les parties palestiniennes ou des pays arabes.
Le fait d’obliger les fidèles à entrer à Al-Aqsa en passant par ces portiques était-il le début d’une division temporelle et spatiale du Haram ? Ou le but était-il de nous habituer à être fouillés, comme nous le sommes aux checkpoints, dans les hôpitaux, les centres commerciaux, les bureaux de l’assurance maladie ou de la poste – et maintenant à la mosquée Al-Aqsa ?
Nous resterons debout aux portes d’Al-Aqsa, de la prière de l’aube (fajr) à celle de l’après-midi (dhuhr). Nous serons debout lorsque le cortège des funérailles de Abu Wajdi, un habitant mort de causes naturelles, sera arrêté aux portiques électroniques, au Haram. Il ne serait guère surprenant que les gardes arrêtent le défunt pour une fouille approfondie.
Nous serons debout aux portes d’Al-Aqsa comme nous sommes debout aux entrées des centres de détention pour voir nos familles. Retirez vos chaussures, retirez votre ceinture, retirez votre hijab, nous disent-ils avant que nous voyions nos proches, avant que nous allions prier.
Ils veulent que nous renoncions à aller à la Mosquée Al-Aqsa. Est-ce que sont les étapes finales de la conspiration contre Al-Aqsa ?
Un nouveau modèle de résistance
Il se peut que l’expérience de sit-in aux portes de Jérusalem et dans les rues de Jérusalem et le degré de solidarité montré pendant ces deux semaines de présence aux portes d’Al-Aqsa soient un indicateur de l’unité du peuple palestinien.
Il n’a pas besoin d’un gouvernement par intérim ou d’aucun gouvernement. Les Jérusalémites se sont rassemblés pour protéger Al-Aqsa sans avoir besoin d’un soutien extérieur.
Des repas, des boissons et de l’eau sont parvenus à tous ceux qui étaient postés aux portes du Haram. Personne ne sait qui les a distribués, ni comment.
La population de Jérusalem n’a pas eu besoin de réunions d’urgence du Conseil législatif ou du Conseil des ministres pour étudier la situation, proposer des recommandations et élaborer un plan d’actions pour résoudre le problème. La rue a dépassé tous les dirigeants existants et a fait entendre sa voix.
Je suis restée pour prier dans les rues, en face des portes et pendant les prières du vendredi. Lorsque j’ai eu fini mes prières, j’ai vu des rangées de fidèles, hommes et femmes, côte à côte. Il y eut parmi eux plusieurs chrétiens dont les photos ont circulé dans les réseaux sociaux.
Capture d’écran d’une vidéo en ligne ici.
La mission de Jérusalem de défendre Al-Aqsa n’a pas fait la distinction entre musulmans et chrétiens, ni entre religieux et athées. Elle n’a pas fait la distinction entre une faction et une autre. Nous n’avons entendu, dans les chants des fidèles, aucune déclaration se référant à une faction. Il n’y eut pas d’appel pour le Hamas, ni pour le Fatah. Nous étions unis en défense de Jérusalem.
Vidéo : L'Archevêque de Jérusalem se joint aux manifestants à Al-Aqsa
Si nous gagnons ce conflit sur Al-Aqsa et si nous parvenons à nous affranchir de la peur qu’Israël a imposé pendant toutes ces années, comment pouvons-nous utiliser ce nouveau modèle de lutte palestinienne plus largement et remporter d’autres victoires contre l’occupation ?
Le Dr Inas Abad est chercheur en sciences politiques, conférencière et militante politique àJérusalem-Est. Son article a été publié sur le site Web Middle East Eye le 28 juillet 2017.
Source : Palestine Info
Traduction : MR pour ISM
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