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Israël -

Occuper la Palestine pourrit Israël de l'intérieur. Aucun accord de paix avec des pays du Golfe ne peut cacher cet état de fait

Par

Raja Shehadeh, avocat palestinien, est né à Jaffa, en Palestine historique. Il vit actuellement à Ramallah (Cisjordanie occupée). En 1979, il a fondé Al-Haq, une organisation non gouvernementale palestinienne indépendante qui œuvre pour la défense des droits humains et la protection de l’État de droit dans le territoire palestinien occupé. Ecrivain, il a reçu le prix Orwell 2008 pour Naguère en Palestine .

17.09.2020 - Plus d'un quart de siècle après que Yitzhak Rabin et Yasser Arafat se soient serré la main sur la pelouse de la Maison Blanche, Israël a réussi à transformer son occupation du territoire palestinien d’une charge à un avantage. Ce qui a été pendant si longtemps un fardeau - la violation flagrante du droit international - est devenu aujourd'hui une marchandise de valeur. Il est essentiel de comprendre cette évolution pour expliquer pourquoi les Israéliens font la paix avec deux États éloignés du Golfe mais pas avec leurs voisins les plus proches, les Palestiniens - sans lesquels il ne peut y avoir de paix véritable.

Occuper la Palestine pourrit Israël de l'intérieur. Aucun accord de paix avec des pays du Golfe ne peut cacher cet état de fait

25.09.2020 – Des colons israéliens envahissent le village d’Asira al-Qibliya, au sud de Naplouse et attaquent une manifestation anti-colonies [Photo credit: Abdullah Bahsh]
(Source Quds News Network)

Ces dernières années, Israël a appris à gérer l'occupation à perpétuité avec un coût minimal. Mais dès le début de l'occupation de juin 1967, Israël n'a pas voulu reconnaître la nation palestinienne ni céder le contrôle du territoire palestinien occupé pour faire la paix.

Les preuves à l'appui de cette affirmation se trouvent facilement dans les propres archives d'Israël. Deux jours après le début de l'occupation [de 1967, ndt], Israël adoptait l'ordonnance militaire numéro trois, qui se réfère à la quatrième convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre - exigeant que les tribunaux militaires appliquent les dispositions de la convention à leurs procédures. Quatre mois plus tard, cette partie de l'ordonnance était supprimée.

En septembre 1967, le conseiller juridique du ministère israélien des affaires étrangères, Theodor Meron, était interrogé par le premier ministre, Levi Eshkol, pour savoir si la construction de nouvelles colonies dans les territoires occupés violait la convention de Genève, qui interdit à une puissance occupante de transférer ses civils dans le territoire saisi en guerre. Il répondit par l'affirmative. Mais son avis fut rejeté et le gouvernement procéda à partir de ce moment à l'établissement de colonies juives illégales dans les territoires palestiniens occupés.

Au cours des mois suivants, Israël entamait un processus qui allait se poursuivre pendant de nombreuses années : modifier les lois régissant la terre palestinienne - des périodes des mandats ottoman et britannique et du contrôle jordanien du territoire - afin de construire une fausse base "légale" pour l'acquisition de terres et d'autres ressources naturelles pour l'établissement de colonies juives.

J'ai passé une grande partie de ma vie professionnelle, de 1979 à 1993, à enquêter et à m’opposer aux violations du droit par Israël dans les territoires occupés, et à mettre en garde contre les conséquences de la construction de colonies illégales, tout cela en vain.

Pourtant, ce ne sont pas seulement les transformations juridiques qui ont permis de construire et de faire prospérer les colonies. Le penseur militant sioniste Vladimir Jabotinsky avait écrit, dans les années 1920, que "les colonies peuvent […] se développer sous la protection d'une force qui ne dépend pas de la population locale derrière un mur de fer qu'elle sera impuissante à abattre". Et il en fut ainsi.

La transformation des lois pour permettre le projet de colonisation comportait un élément supplémentaire, à savoir la violence pure et simple des colons : des actions miliciennes qui semblaient aller à l'encontre de la loi qu'Israël avait promulguée et à laquelle il s'était engagé. Au début des années 80, Al-Haq, une organisation de défense des droits de l'homme basée en Cisjordanie que je dirigeais alors, a travaillé dur pour documenter les incidents de violence des colons.

À l'époque, nous pensions naïvement que si au moins les Israéliens savaient ce qui se passait et que les forces de l'ordre ne parvenaient pas à y mettre fin, ils prendraient des mesures pour l'empêcher. Nous ne savions pas que tout cela faisait partie de la lutte israélienne pour la terre. Les agents de l'État régulier peuvent rester dans les limites de leurs lois réécrites tandis que les colons indisciplinés font le travail d'intimidation et de violence pour atteindre le but recherché. Tout cela fait partie du même schéma.

Depuis le début de la pandémie de coronavirus, la violence des colons en Cisjordanie est devenue presque quotidienne. Le gouvernement et les tribunaux sont sur la même longueur d'onde pour soutenir les colons et travailler à la réalisation de l'objectif du Grand Israël.

Alors que la violence des colons juifs contre les Palestiniens fait rage - empêchant les Palestiniens de travailler leur terre ou de l'utiliser comme la leur, sans que l'armée ou la police israélienne ne tente réellement de l'empêcher - Israël déclare que toute résistance palestinienne à l'occupation est du terrorisme.

Lorsque les Palestiniens ont commencé à organiser une résistance non violente à l'occupation, Israël a redéfini les attaques de l'armée contre ces manifestants non armés pour les faire entrer dans la catégorie des "opérations de combat". Récemment, les villageois de Kafr Qaddum participaient à la manifestation hebdomadaire contre le blocage de la route qui donnait accès à leur village, au prétexte qu’elle traversait une nouvelle partie de la colonie de Kedumim. L'armée a posé des explosifs sur les routes utilisées par les villageois - mais les soldats qui ont pris cette décision seront exemptés de poursuites pour toute blessure causée aux villageois.


Les habitants de Kafr Qaddum découvrent les explosifs (Source B’Tselem


Avec toutes ces "victoires" du côté d'Israël, le pays a maintenant décidé qu'il peut gérer l'occupation plutôt que d'y mettre fin. L'occupation a même commencé à être considérée comme un atout. Israël a transformé les territoires occupés en un laboratoire pour tester des armes et des systèmes de surveillance. Les Israéliens commercialisent maintenant leurs armes de contrôle des foules et leurs systèmes de sécurité intérieure aux États-Unis, à partir de tests effectués dans les territoires occupés. Pourtant, tous ces investissements financiers dans l'occupation - et toute la torsion des lois nationales pour protéger le projet de colonies illégales, toutes les contorsions politiques pour cultiver des alliés autoritaires, de Trump à Orbán en passant par Bolsonaro - pourrissent Israël de l'intérieur, le transformant en un État d'apartheid qui règne sur des millions de Palestiniens sans droits.

Dans le roman d'Arundhati Roy, Le Ministère du Bonheur suprême , l'un de ses personnages, Musa, affirme que si les Cachemiris n'ont pas réussi à obtenir leur indépendance de l'Inde, du moins en luttant pour celle-ci, ils ont mis à nu la corruption du système indien. Musa raconte au narrateur du livre, un Indien : "Vous ne nous détruisez pas. C'est vous-même que vous détruisez". Les Palestiniens d'aujourd'hui pourraient dire la même chose de notre lutte avec Israël.



Source : The Guardian

Traduction : MR pour ISM

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