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Israël - 3 octobre 2006
Par Jerusalem Post
Jerusalem Post, édition française, du 12 au 18 septembre 2006, n° 808, p.19.
Si vous demandez à quelqu’un extérieur à la communauté des nouveaux immigrants français pourquoi les Juifs quittent leur pays, la réponse habituelle sera que les Juifs de France font leur aliya pour échapper à la vague montante d’antisémitisme.
Pourtant, si vous posez la question aux olim français, les réponses deviennent plus diverses et plus complexes.
Beaucoup de nouveaux arrivés disent en des termes très clairs que c’est l’antisémitisme primaire qui les a amenés de la France à Israël. D’autres reconnaissent que même si l’antisémitisme s’est accentué ces dernières années, le phénomène est largement dû à l’Intifada.
Beaucoup d’olim (1) de France affirment qu’un fort sionisme et un grand attachement à Israël les ont poussés à quitter la France et à établir de nouveaux repères ici. D’autres semblent réserver leurs paris, appliquant la formule connue sous le nom d’ « aliya (2) Airbus », dans laquelle la mère et les enfants de la famille vivent en Israël, alors que le mari garde son travail en France et fait le lien entre les deux pays.
Alors que les raisons de l’aliya varient d’une famille à l’autre, personne ne discute le fait qu’être juif en France est devenu de plus en plus difficile au cours des six dernières années.
Avec une tradition antisémite qui remonte aux temps médiévaux et aux croisades, la France est devenue l’icône virtuelle de l’antisémitisme au XIXè siècle avec l’affaire Dreyfus – dont on a souvent dit qu’elle avait été l’inspiration de Théodore Herzl pour la création d’un sionisme politique moderne – et les rassemblements de masse des Juifs par le gouvernement de Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale.
Les intellectuels français imperturbablement anti-israéliens et le gouvernement français ont souvent adopté une position proarabe et propalestinienne depuis le succès retentissant d’Israël dans la guerre des Six Jours de 1967.
Avec le début de la deuxième Intifada en septembre 2000, les Juifs français ont commencé à noter une nette augmentation de l’antisémitisme avec des incidents et de violentes attaques comme on n’en avait pas vu depuis les années 1940.
La commission consultative nationale de France sur les droits de l’homme a reporté une augmentation des actes de violence, multipliés par six, et portés contre les Juifs, les biens et les institutions des Juifs entre 2001 et 2002. En 2003, un DJ juif populaire a été assassiné brutalement dans Paris, apparemment par une organisation de jeunes musulmans radicaux. L’année 2004 a elle aussi été marquée d’incidents. Par exemple, un car d’école juive a été brûlé à côté de Strasbourg ; un concert donné par un chanteur israélien à Mâcon a été interrompu à plusieurs reprises par des cris scandant « mort aux Juifs » ; un garçon de quatorze ans qui portait une kippa a été agressé et battu à l’entrée d’une station de métro parisienne, alors que les passants ont refusé d’intervenir ; une enseignante juive a été bousculée, renversée, frappée et piétinée dans le centre de Paris ; un cours a été interrompu à l’université de médecine de Saint-Antoine par quatre hommes criant des menaces antisémites et frappant un étudiant juif, alors que la classe et le professeur regardaient la scène en silence ; et une fille de douze ans sortant d’une école juive a été frappée par deux hommes qui lui ont taillé une croix gammée sur le visage au couteau. Des synagogues ont été mises à feu, des cimetières juifs ont été profanés, et des institutions juives vandalisées, endommagées ou détruites.
Le nombre et la virulence de ces violentes attaques se reflètent en effet dans le nombre de Juifs quittant la France pour Israël : 11.148 entre 2000 et 2005, avec 3.300 immigrants arrivés en 2005, le plus grand nombre enregistré en 35 ans. Bien que les statistiques de 2006 ne soient pas encore disponibles, tout semble indiquer que celle-ci sera encore une année phare pour l’immigration des français, malgré la guerre récente au Liban.
Le 25 juillet dernier, au beau milieu de la guerre, pas moins de 650 juifs sont arrivés de France – 500 de Paris et 150 de Marseille – représentant le plus grand nombre d’immigrants arrivés de France en l’espace d’une seule journée depuis 1971.
Une grande part de l’impulsion à quitter la France pour recommencer de nouvelles vies en Israël est le résultat d’une profonde recherche intérieure chez les Juifs français. Beaucoup d’entre eux sont arrivés à la conclusion qu’il n’y a pas d’avenir pour eux en France.
Comme Simon Kohana, le président du forum des citoyens juifs séfarades l’a déclaré récemment, « nous avons commencé à nous demander si nous pouvions même rester en France. Sommes-nous réellement citoyens français ? Nous avons l’impression d’être un peuple à part. »
En même temps, pourtant, les professionnels accusent, disant que la plupart de la motivation pour quitter la France peut être attribuée à un effort concerté du gouvernement israélien pour attirer les Juifs français en Israël. Avec l’immigration de Juifs de l’ancienne Union soviétique qui s’est apparemment tarie pour le moment, et l’afflux rêvé depuis longtemps des immigrants des pays anglophones qui ne semble pas être sur le point de se concrétiser, Israël regarde la communauté juive de France – la deuxième plus grande d’Europe – comme susceptible de fournir une source fertile de personnes pouvant s’installer dans le pays et ajouter du poids dans la balance démographique des Juifs et Arabes.
L’ancien Premier ministre Ariel Sharon avait irrité le gouvernement français en 2004 en pressant les Juifs français à immigrer en Israël et ce pour leur sécurité. Le Premier ministre Ehoud Olmert a lui récemment rappelé aux Juifs français l’antisémitisme qui sévissait dans leur pays et les a exhortés à envoyer leurs enfants en Israël.
Le président de l’Agence juive Sallai Méridor a dit en avril dernier qu’Israël a pour « devoir national » d’amener les Juifs de France en Israël pour leur sécurité, alors que l’Agence juive a renforcé son activité en France.
Cependant, tous les Juifs français ne tiennent pas compte de l’appel à l’aliya ou ne se sentent pas particulièrement réceptifs aux efforts du gouvernement israélien pour les encourager à émigrer.
« La France n’est pas un pays antisémite », a dit Roger Cukierman, le président du CRIF, en avril 2005. « Sur une population d’environ 600.000 personnes, environ 2.400 personnes font leur aliya, ce qui n’est pas un très grand chiffre, malgré toutes les discussions parlant de partir. »
Les autres leaders de communauté accusent l’Agence juive de jouer sur les peurs de l’antisémitisme des Juifs de France, alors qu’elle sait qu’il n’y aura pas assez de travail ou d’opportunité d’embauches à leur arrivée en Israël.
Enfin, beaucoup de Juifs français de gauche accusent l’Agence juive de concentrer ses efforts sur les familles religieuses et d’ignorer les membres laïques de la communauté, une accusation que Méridor nie.
Alors que le débat sur les raisons de l’aliya des Juifs de France ne sera peut-être pas résolu dans un avenir proche, une chose est certaine : les Juifs français quittent la France, leur nombre grandissant de manière régulière, et la plupart viennent en Israël.
(1) les nouveaux immigrants
(2) la montée en Israël
Source : Jerusalem Post
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