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Israël - 27 février 2016
Par Jonathan Cook
Le gouvernement de Benjamin Netanyahu est en train de préparer une loi qui devrait répondre, dans l'esprit des observateurs, à la question de savoir si Israël est la démocratie qu'il prétend fièrement être. Le projet de loi permet à la majorité des trois-quarts du parlement d'exclure un député en poste.
Le projet insuffle une nouvelle vie à l'expression "tyrannie de la majorité". Mais dans ce cas, la majorité consistera à ce que des députés juifs oppriment leurs collègues palestiniens.
Expulsion d'un député palestinien du parlement du régime sioniste, modèle de démocratie, donneur d'ordres aux bouffons au pouvoir en Europe
Netanyahu a présenté le projet de loi comme une réponse nécessaire aux actions récentes de trois députés de la faction Balad de la Liste Unifiée, une coalition de partis représentant le cinquième souvent laissé pour compte de la population d'Israël que sont les citoyens palestiniens.
Il affirme que les députés "ont pris le parti du terrorisme" ce mois-ci quand ils ont rendu visite aux familles palestiniennes de Jérusalem Est occupée qui attendent depuis des mois qu'Israël leur rende les corps de leurs proches.
Les 11 morts sont parmi les personnes soupçonnées d'avoir mené ce que l'on appelle des attaques "solitaires" pendant la vague récente de "troubles" [guillemets de distanciation du terme ajouté par la traductrice] palestiniens. Redoutant davantage de manifestations, Israël a exigé que les familles enterrent les corps en secret, sans autopsie, et dans des parcelles situées à l'extérieur de Jérusalem.
Le fait qu'Israël se serve de dépouilles mortelles comme monnaie d'échange pour obtenir la docilité des Palestiniens vis-à-vis de son occupation illégale constitue un problème moral et politique urgent.
Mais les trois députés palestiniens ont également pensé qu'ils avaient l'obligation d'aider les familles en ajoutant de la pression sur le gouvernement Netanyahu pour qu'il rende les corps.
La citoyenneté s'exerce sous une forme fortement dégradée pour la minorité palestinienne en Israël, mais elle jouit de davantage de droits que les Palestiniens vivant sous occupation.
Quand une vidéo de leur visite aux familles a été publiée en ligne, cependant, la droite israélienne a saisi l'occasion pour diffamer les députés. Un comité parlementaire d'"éthique" comprenant les principaux partis juifs a suspendu les trois députés pour plusieurs mois. Maintenant, ils risquent de perdre leurs sièges.
C'est une tendance nette. A la fin de l'année dernière, le gouvernement a interdit la Branche nord du Mouvement islamique, une organisation populaire extra-parlementaire politique, religieuse et d'action sociale.
Bien que Netanyahu ait déclaré que le mouvement était lié au "terrorisme", des fuites dans les médias israéliens ont révélé que les chefs du renseignement israélien l'avaient informé plusieurs semaines avant l'interdiction qu'aucune preuve ne venait étayer ces accusations.
A l'époque, de nombreux Palestiniens en Israël ont soupçonné que Netanyahu allait bientôt diriger ses foudres sur les partis palestiniens au Parlement. Et il l'a fait.
Balad, qui dénonce le statut d'Israël en tant qu'Etat juif et milite bruyamment pour une réforme démocratique, a toujours été susceptible d'être en haut de sa liste.
Dans chaque élection générale récente, une commission électorale dominée par les partis juifs a interdit au Balad ou à ses dirigeants de se présenter, une décision que les tribunaux israéliens ont chaque fois inversée.
Maintenant, Netanyahu préfère légiférer sur l'expulsion de Balad et lance un défi aux tribunaux.
Ça ne s'arrêtera pas là. Si le Balad est destitué, la participation des autres factions de la Liste unifiée sera intenable car la droite israélienne cherche à nettoyer ethniquement le parlement.
Pour ceux qui doutent de telles intentions, notez qu'il y a deux ans, le gouvernement a relevé le seuil électoral pour l'entrée au parlement précisément pour exclure les factions palestiniennes. L'intention était de vider le parlement de ses représentants palestiniens. Mais ces factions ont mis de côté leurs différences historiques pour créer la Liste unifiée.
Les députés palestiniens Ayman Oudeh, Jamal Zahalke, Basel Ghattas et Haneen Zoabi devant le Comité de la Knesset (credit photo: Marc Israël Sellem/The Jerusalem Post). Mme Zoabi et M. Ghattas ont une suspension de quatre mois et le président du Balad M. Zahalke de deux mois car il cumulait déjà quelques "punitions" du Comité.
Netanyahu, qui avait espérer voir le dos des partis palestiniens lors de l'élection générale de l'an dernier, les a transformés involontairement en troisième plus grand parti. Tel était le contexte de sa remarque maintenant tristement célèbre pendant la campagne, que "les Arabes sont venus voter en masse."
La répression actuelle sur les partis palestiniens peut enfin faire exploser l'affirmation simpliste - largement acceptée en Occident - qu'Israël est une démocratie, notamment parce que sa minorité palestinienne a le droit de vote.
Cet argument a toujours été profondément erronée. Après la création d'Israël en 1948, les responsables ont donné la citoyenneté et le droit de vote aux quelques Palestiniens qui étaient restés à l'intérieur des nouvelles frontières, précisément parce qu'ils étaient une petite et faible minorité.
En exilant de leur patrie 80 pour cent des Palestiniens, Israël a de fait truqué sa circonscription électorale nationale pour s'assurer qu'il y aurait une énorme majorité juive à perpétuité.
Un député palestinien, Ahmed Tibi, l'a parfaitement résumé. Israël, a-t-il dit, est un Etat démocratique pour les juifs, et un Etat juif pour ses citoyens palestiniens.
En vérité, le vote des citoyens palestiniens n'a jamais été conçu que comme une façade. David Ben Gourion, le premier Premier ministre d'Israël, présumait que la population-croupion palestinienne serait submergée par les immigrants juifs affluents dans le nouvel Etat.
Il s'est trompé. La minorité palestinienne avait un taux de natalité beaucoup plus élevé et s'est maintenue à 20 pour cent de la population.
Rien de tout cela n'aurait posé problème si les représentants palestiniens avaient tranquillement accepté leur rôle de mannequins de vitrine.
Mais ces dernières années, l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas s'étant affaiblie, confinée à de petites enclaves en Cisjordanie , les députés palestiniens en Israël ont pris le relai.
Ce fut la raison pour laquelle les députés du Balad ont rencontré les familles de Jérusalem. L'Autorité palestinienne, qu'Israël empêche d'aller à Jérusalem Est, a assisté impuissante aux tentatives désespérées des familles de récupérer les corps de leurs enfants.
Ce mois-ci, M. Netanyahu a dit qu'il allait entourer Israël de murs pour tenir éloignées "les bêtes sauvages" du voisinage. A son avis, il y a aussi des bêtes sauvages dans le parlement israélien - et il est prêt à ériger des murs pour les tenir éloignées là aussi.
Source : Counterpunch
Traduction : MR pour ISM
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