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Gaza - 22 avril 2008
Par Jeremy Bowen
Sadi explique que les bassins sont 11 mètres plus hauts que les terrains environnants et que seuls les murs de terre autour retiennent la merde à l’intérieur.
Rien que dans cet endroit - et il dit que dans d'autres parties de Gaza, c’est pire - les bassins sont si grands que si les digues cèdent, un tsunami d'eaux usées de 6 à 7 mètres de haut submergera une zone habitée par 10.000 personnes.
Photo BBC : un bassin d'eaux usées à Gaza
Un bébé de cinq mois est couché sur une couverture à l'ombre d'une cabane en tôle.
Des fines branches d'arbres ainsi que des feuilles et des brindilles sont attachées autour des extrémités de la cabane pour la protéger du vent chaud qui souffle dans les dunes de sable, traversant le mur frontalier pour se diriger vers Israël.
La mère du bébé est assise les jambes croisées sous elle, une grande partie de son visage cachée derrière son foulard noir. Il bouge légèrement avec la brise, et elle s'en sert pour essuyer ses larmes et étouffer ses sanglots.
La femme s’appelle Aziza Abu Otayek. Elle pleure parce qu'elle se souvient de la mort de l'un de ses fils, un matin de mars l'année dernière, juste après que ses ainés soient partis à l'école.
Jusqu'à ce jour-là, leur maison se trouvait en bas d’un bassin profond d’eaux usées, acheminées vers un creux dans les dunes et retenues par des murs de terre parce que les services chargés de l'eau dans la bande de Gaza n'avaient aucun endroit où les mettre.
"Mur de déchets humains"
Le 27 mars 2007, les murs ont cédé.
Aziza a entendu quelqu'un crier, lui disant de s'enfuir. Elle est sortie de la cabane, puis est retournée à l’intérieur parce qu'elle avait oublié son foulard.
Le mur d'ordures s’est abattu sur eux. Il l’a faite tomber et a arraché le bébé de ses bras.
Il s'est noyé. Ils ont trouvé son corps contre le mur de la mosquée à une centaine de mètres. Il avait neuf mois.
Sa grand-mère aussi a été noyée.
Aziza s’inquiète au sujet de son nouveau bébé qui est né à la fin de l'année dernière, parce que quand elle a été touchée par le déluge, elle a avalé une partie des eaux usées et elle pense que c'est peut-être nocif.
Ils ont appelé le nouveau bébé Mohammed, en souvenir de son frère décédé.
Pendant qu’elle parle, il gazouille gaiement, même pas dérangé par les mouches qui bourdonnent autour de ses yeux et de ses lèvres.
Aziza a un fils aîné, âgé de quatre ans qui s’appelle Ramadan. Son père dit qu'il pose des questions à propos de la mort de son frère, et quand il est contrarié, il dit qu'il préférait le premier Mohammed.
Ramadan semble plutôt enjoué, mais il fait des cauchemars sur l'inondation.
Il regarde les lacs d’eaux d'égout à peine traités qui s’étendent encore à côté de chez eux et il demande à ses parents si une autre vague va venir.
Cela pourrait arriver. Le bassin qui a tué le frère et la grand-mère de Ramadan n'est pas le seul à proximité de leur domicile. Les autres sont beaucoup plus imporotants et remplis d'eaux usées.
Augmentation de la population
Un ingénieur palestinien des eaux a appelé Sadi Ali qui m'a emmené faire une visite. Il m’a expliqué que les bassins d'eaux usées s’étaient agrandis de façon importante en raison de l'augmentation de la population de Gaza - 1,4 millions de personnes dont la moitié ont moins de 16 ans - a débordé les équipements qui étaient de toutes façons inadéquats pour traiter les eaux usées.
A son grand regret, même s’ils déversaient tous les jours des dizaines de milliers de litres d'eaux usées non traitées dans la Méditerranée, il faudrait qu’ils s’occupent des autres.
Sadi explique que les bassins sont 11 mètres plus hauts que les terrains environnants et que seuls les murs de terre autour retiennent la merde à l’intérieur.
Rien que dans cet endroit - et il dit que dans d'autres parties de Gaza, c’est pire - les bassins sont si grands que si les digues cèdent, un tsunami d'eaux usées de 6 à 7 mètres de haut submergera une zone habitée par 10.000 personnes.
Conflit avec Israël
Sadi Ali a peur qu'une bombe ou un missile brise une digue.
Il existe un projet de 80 millions d’euros financé par des donateurs internationaux, pour la construction d’un bon système de traitement des eaux usées au nord de Gaza.
Sadi Ali cherche à le construire. Mais il est en retard sur le calendrier.
Le problème est le même que celui qui domine tous les aspects de la vie ici : le conflit avec Israël.
Les restrictions imposées par les Israéliens - qui, selon eux sont nécessaires à la protection de leur population - ont ralenti, et parfois complètement arrêté l'importation de matières premières pour la construction telles que le ciment et les tuyauteries.
Les entrepreneurs n'ont pas été en mesure de se déplacer librement. Le dernier problème est le manque de carburant.
Essayez de construire un réseau d'égouts pendant une guerre.
Gaza est meurtrie par des années de combats.
Lorsque nous avons installé la caméra de télévision près des bassins d’égouts, un gamin aux pieds nus, tout juste en âge de marcher, est venu et a demandé si nous allions attaquer les positions israéliennes.
Il aurait pu demander s’il allait pleuvoir.
Pour lui, et pour plusieurs centaines de milliers d'autres enfants de Gaza, les explosions font partie de leurs vies. Le gamin a dû penser que la caméra et son trépied ressemblait à une arme.
Après cela, nous avons accéléré le travail au cas où les Israéliens penseraient la même chose.
Source : http://news.bbc.co.uk/
Traduction : MG pour ISM
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