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Canada - 21 septembre 2005
Par Al Awda
par Kole Killibarda et Hazem Jamjoum [Al-Awda, Toronto] in Al-Majdal, n° 25 (Printemps 2005) * (p. 15 sq.)
Une action internationale visant à remettre en cause le statut philanthropique du FNJ pourrait représenter une composante importante dans la mobilisation d’un mouvement international plus large contre l’apartheid israélien.
En dépit de la nature raciste et coloniale du Fonds, il n’en est pas moins listé parmi les organisations "charitables", à but humanitaire et philanthropique, dans la plupart des pays occidentaux.
En 2006, les Palestiniens vont célébrer le 30ème anniversaire du Jour de la Terre.
Ce sera aussi l’année où sera observé le 30ème anniversaire de l’entrée en vigueur de la Convention Internationale pour la Suppression et la Répression du Crime d’Apartheid (adoptée le 18 juillet 1976) – une convention largement tombée dans l’oubli, qui n’a jamais été ratifiée par Israël (ni par d’autres Etats coloniaux de peuplement tels les Etats-Unis, le Canada, l’Australie ou la Nouvelle-Zélande, mentionnons-le au passage…), mais qui souligne très clairement le caractère illégal des politiques d’apartheid pratiquées par l’Etat israélien et ses agences – succursales.
Le 30 mars 1976, des milliers de Palestiniens occupés par Israël en 1948 ont participé à une grève largement suivie afin de protester contre la discrimination systématique résultant des projets du gouvernement israélien consistant à exproprier 5 500 acres de terres de propriétaires arabes.
Les villages d’Arraba, Sakhnin, Deir Hanna, et d’autres petits hameaux de la Galilée – une région située au nord d’Israël, et peuplée majoritairement de Palestiniens – ont été particulièrement visés. La police israélienne a répondu aux manifestations pacifiques par la violence, tuant six jeunes Palestiniens non armés, blessant une centaine de manifestants et arrêtant trois cents personnes.
Au fil des années, depuis lors, ces événements ont été immortalisés dans la mémoire palestinienne par la célébration de la Journée de la Terre, des deux cêtés de la "Ligne Verte" (c’est-à -dire de la ligne d’armistice séparant "Israël" de la Cisjordanie et de la bande de Gaza).
De la même façon que le massacre de Sharpeville, le 21 mars 1960, a galvanisé toute une génération de militants anti-apartheid en Afrique du Sud, les assassinats de Raja Abu Rayya, Khader Khalayla, Khadija Shawahneh, Khair Yassin, Mohsen Taha et Ra’fat Zuheiri, le 30 mars 1976, ont mobilisé un sentiment de communauté, chez les Palestiniens, face au racisme systématique auquel ils étaient confrontés de la part de l’Etat d’Israël.
Les manifestations furent des moments importants pour la revitalisation du militantisme de la communauté palestinienne, grâce à des organisations comme le Parti communiste et des groupements plus récents de militants palestiniens, tel le mouvement Abna al-Balad [Les Fils du Pays].
Ce massacre a également mis en exergue la stratégie gouvernementale israélienne du ‘yehud ha-galil’, c’est-à -dire du projet de ‘judaïsation’ de la Galilée, qui demeura un programme secret jusqu’en 1976, date à laquelle il fut adopté comme un des mots d’ordre du ministère israélien du Logement.
La théorie de cette politique fut fourne par Israël Koenig – chef du service Galilée au ministère israélien de l’Intérieur – dans un rapport rédigé à la demande du Premier ministre d’alors, Yitzhak Rabin.
Ce rapport a fait l’objet de fuites, en 1976.
Il affirmait que les citoyens palestiniens d’Israël représentaient "un cancer dans l’organisme juif – un cancer qu’il faut contrêler et contenir", et il prênait une politique "de terreur, d’assassinats, d’intimidations, de confiscations de terres et de suppression de tous les services sociaux afin de débarrasser la Galilée de sa population arabe."
Le rapport Koenig entraîna une vague brutale de confiscations de terres et la création de colonies juives connues sous le nom de ‘mitzpim’ [terme signifiant : tours de guet, en hébreu] dans toute la Galilée – vague qui culmina, finalement, avec les grèves générales et les protestations de la Journée de la Terre.
Le livre récent (2004) d’Uri Davis, Apartheid Israël : Possibilities for the Struggle Within [L’Israël de l’apartheid : les possibilités de lutter, à l’intérieur] aide à souligner la nature coloniale et raciste toujours en vigueur de l’Etat d’Israël proper.
L’ouvrage de Davis énonce l’avis que parmi les composantes centrales du projet israélien de colonisation figure en bonne place l’ainsi dit "rachat de la terre" - lire : l’expropriation par la force des moyens de vivre des Palestiniens au profit de colonies réservées aux seuls juifs.
Le slogan du "rachat" (au sens de la rédemption) de la terre a été utilisé par les premier sionistes pour mettre en valeur un des objectifs centraux du mouvement sioniste : l’acquisition de terres en Palestine, en vue de la création de colonies exclusivement juives.
Ce slogan fut adopté pour la première fois par les pionniers sionistes, et il représenta la tâche confiée au Keren Kayemet LeYesra’el, au Fonds National Juif [KKL – FNJ], lequel fut institué durant le cinquième congrès sioniste, en 1901, pour en constituer le bras exécutif.
Depuis lors, le FNJ a continué à acquérir des terres pour l’installation de colonies exclusivement juives, créant souvent de nouveaux villages ou des "réserves naturelles" sur les emplacements de villages palestiniens détruits…
Cet accaparement des terres s’est focalisé, traditionnellement, sur des zones dont la composition démographique était restée majoritairement palestinienne, après la création de l’Etat d’Israël, en 1948 – connue par les Palestiniens sous l’intitulé de Nakba [Catastrophe], au cours de laquelle quelque 750 000 Palestiniens furent victimes d’une épuration ethnique, 31 000 Palestiniens étant des personnes déplacées à l’intérieur d’Israël, 14.000 civils étant tués (au minimum), plus de 530 villages et 11 villes détruits, et des millions d’acres de terres expropriées.
La colonisation "interne" qui fit suite à ce chapitre sanglant de la création de l’Etat d’Israël s’est traduite par des tentatives de judaïsation forcée de la Galilée et du Néguev, dans le Sud d’Israël, ainsi que par la poursuite de l’expropriation d’un million supplémentaire d’acres de terres palestiniennes.
Tandis qu’avant 1948, les Palestiniens possédaient 94 % du territoire dans ce qui allait devenir l’Etat actuel d’Israël, ce pourcentage a été réduit à 3 % des terres, du fait de cette politique, conséquence des vagues successives de confiscations systématiques des terres.
En 1993, 80% des terres restées la propriété des Palestiniens après la Nakba se retrouvaient aux mains de nouvelles colonies juives, ou de l’Etat israélien lui-même.
Ces pratiques persistent jusqu’à ce jour dans les régions d’Israël qui sont encore majoritairement peuplées de Palestiniens.
Si les médias internationaux mettent l’accent sur les colonies israéliennes illégales en Cisjordanie et dans la bande de Gaza [l’article est antérieur à septembre 2005, date de leur démantèlement, ndt] – qui sont souvent appelées, par euphémisme "implantations" – le FNJ, de gestion privée, en tandem avec d’autres agences étatiques israéliennes, continue à revendiquer et à acquérir des terres palestiniennes en Israël. Récemment, le FNJ a commencé à s’en prendre aux populations bédouines du Néguev.
Cela s’inscrit dans un processus plus large, par lequel la population bédouine de l’Etat d’Israël, comptant environ 110 000 personnes, a été systématiquement éloignée de ses terres, au fil des années. Tout récemment, ce processus s’est poursuivi, avec des programmes gouvernementaux de fumigation, la construction de colonies juives dans le Néguev et l’expropriation, par l’armée israélienne, de terres habitées par les bédouins pour des raisons "militaires" (dont la création de champs de tir, de zones militaires fermées, etc.)
Il convient de noter que le FNJ gère sa politique foncière au moyen d’un ensemble d’acquisitions coordonnées avec l’Administration Israélienne des Terres [Israëli Lands Administration – ILA].
L’ILA est responsable de la gestion de toutes les terres propriétés publiques en Israël, elle est régie par une loi fondamentale l’instituant (datant de 1960) ; la loi israélienne sur les Terres (1960) et la Convention passée entre l’Etat d’Israël et l’Organisation sioniste mondiale (1960).
D’après les données de l’ILA, cette institution est responsable de la gestion de 93 % de toutes les terres de l’Etat (dont la majorité appartenaient jadis à des Palestiniens).
Le FNJ détient la moitié de sièges dans cette institution, et il détermine dans une large mesure la manière dont ces terres sont gérées.
D’après le Mémorandum d’Association du FNJ, l’ILA est chargée de réunir des fonds en vue de la création de colonies réservées aux seuls juifs.
En dépit de la nature raciste et coloniale du Fonds, il n’en est pas moins listé parmi les organisations "charitables", à but humanitaire et philanthropique, dans la plupart des pays occidentaux.
Au Canada, le FNJ a recueilli 15 millions de $, au début des années 1970, en vue de la création du "Parc Canada", une zone de "loisirs" construite sur des terres occupées par l’armée israélienne, en 1967, afin de dissimuler les villages palestiniens détruits d’Imwas, Yallu et Beit Nuba.
Une manipulation aussi manifeste de la mémoire historique, au nom de la "conservation de la nature" illustre bien de quelle manière le FNJ et l’ILA sont utilisés afin d’effacer tout vestige de la population indigène de la Palestine.
D’après un rapport ONU de 1986, rédigé par le Comité Spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits humains de la population des territoires occupés, qui a pris notamment en considération la situation des personnes déplacées en raison des hostilités de 1967:
"… une illustration particulièrement frappante de cette situation set le sort imparti aux habitants d’Imwas, de Beit-Nuba et de Yalu, réduits à l’état de réfugiés errants depuis que leurs villages ont été rasés au sol par les autorités occupantes, en 1967. Le Comité Spécial considère très préoccupant le fait que ces villageois se soient vue constamment dénier leur droit à retourner sur leurs terres, sur lesquelles le Parc Canada a été construit par le FNJ du Canada et où les autorités israéliennes projettent, dit-on, de planter une forêt, au lieu d’autoriser la reconstruction des villages détruits."
Aiguillonnés par l’ouvrage d’Uri Davis, durant l’été 2004, des militants de la Campagne de Solidarité avec la Palestine [CSP] d’Ecosse ont lancé une campagne visant à faire destituer le FNJ écossais de son statut d’œuvre philanthropique.
La demande formulée par les militants de la CSP écossaise peut être reprise dans d’autres pays où le Fonds National Juif jouit également d’un statut d’œuvre philanthropique.
Cela permettrait aux personnes concernées de défier les politiques et les institutions racistes sur lesquelles ont été fondés et l’Etat d’Israël et sa politique de dépossession des Palestiniens, en 1948.
En novembre 2004, la commission des associations du Parlement écossais a accepté de prendre les préoccupations de la CSP en considération lors des délibérations des députés au sujet d’un nouveau projet de loi sur les fondations philanthropiques.
Les succès remportés par les militants écossais devraient encourager des actions analogues dans les autres pays.
Ce que vous pouvez faire :
1 – signer la pétition on-line adressée à l’Agence des Revenus du Canada, exigeant que le Fonds National Juif soit déchu de son statut d’œuvre philanthropique. Vous pouvez signer cette pétition à l’adresse suivante :
http://www.PetitionOnline.com/jnfca/petition.html
2 – soutenir la campagne en téléphonant / faxant à la Canada Revenue Agency, afin d’exiger que le Fonds National Juif soit déchu de son statut d’œuvre philanthropique.
Contact :
Elizabeth Tromp, Director General, Charities Directorate, Canada Revenue Agency
Région d’Ottawa : (613) 954-0410 (anglais) ou (613) 954-6215 (bilingue)
Ailleurs au Canada, appel gratuit : 1-800-27-2384 (anglais) ou 1-888-892-5667 (bilingue)
Fax : (613) 954-2586
3 – rejoindre la campagne d’Al-Awda en matière de Fonds National Juif :
Al-Awda’s JNF Campaign
info@al-awda.ca
http://www.al-awda.ca
*Al-Majdal est la revue trimestrielle du Centre de Documentation sur la Résidence et les Droits des Réfugiés Palestiniens – BADIL.
PO Box 728
Bethleem, Palestine
Tel/Fax : 972-2-274-7346
e-mail: info@badil.org
http://www.badil.org
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