Naplouse - 8 août 2012

Asira al-Qibliya : des attaques de colons terrorisantes

Par ISM

Témoignage de Safran, militant ISM (son nom a été changé)

Des colons israéliens armés renforcés par l'armée israélienne attaquent régulièrement les villageois de Asira al-Qibliya. Les colons viennent des colonies voisines construites en violation du droit international, déboulent dans le village, jettent des pierres et tirent à balles réelles. Souvent ils surgissent à Asira al-Qibliya, crient et cognent aux portes et aux fenêtres, simplement pour l'impact de terreur psychologique que cela a sur les résidents. En même temps, ils mettent le feu au blé et aux terres agricoles, arrachent des oliviers et annexent à la colonie illégale d'Yitzhar des terres vitales, rendant difficile pour les Palestiniens d'assurer leur subsistance.

Le 19 mai 2012, les colons d'Yitzhar, appuyés par les soldats de l'occupation, attaquent Asira al-Qibliya
Ces menaces font maintenant partie de la vie quotidienne à Asira al-Qibliya, petit village situé au sud de Naplouse.
"Une culture de la peur", dit Nabila Saleh, une habitante du village.
"Je ne dors jamais plus de quelques heures par nuit. Je sursaute au moindre bruit," dit Nabila. "C'est comme ça que ça se passe. On craint tous une attaque des colons, même ceux qui n'ont pas encore été attaqués directement."

Nabila est assise dans son salon, où les vitres des fenêtres ont été remplacées par des grilles métalliques, souvenir d'une attaque de colons en novembre l'an dernier, lorsqu'ils ont cassé les fenêtres de la maison des Saleh et celles de leurs voisins, et que l'armée israélienne a suivi en tirant des grenades lacrymogènes directement dans les maisons.

Pendant qu'elle parle, les enfants de Nabila se glissent dans la pièce avec curiosité. Le plus jeune est particulièrement timide. Nabila explique que les enfants ont tendance à avoir peur des étrangers. Beaucoup de parents ont peur de laisser leurs enfants jouer dehors, dit Nabila. Les samedis, le jour du sabbat juif, quand les attaques des colons sont le plus susceptible de se produire, presque personne n'ose sortir.

Pendant que Nabila parle, elle est soudain interrompue par un sifflement. Les enfants se mettent immédiatement à pleurer. "Jesh ! Jesh !" (Les soldats ! les soldats !)
Asira a installé son propre système d'alerte : quand les soldats apparaissent, les villageois s'avertissent en sifflant. Nabila dit qu'elle sursaute instinctivement au son d'un sifflet, même quand elle fait ses courses en ville.

Depuis le toit de Nabila, on voit une jeep israélienne et un groupe de soldats, sur la colline proche où la colonie Yitzhar est installée. Des sifflets et les cris de "Jesh !" résonnent dans tout le village.
L'apparition des soldats est le prélude à une attaque de colons, qui n'attaquent ni n'entrent dans le village seuls. Ils arrivent en groupes et sont souvent escortés par l'armée.
Cette fois, c'est une fausse alerte. Peu de temps après, les soldats se replient dans une base militaire, dans la colonie. Asira al-Qibliya pousse un soupir de soulagement. Mais c'est un répit de courte durée.

L'un des voisins de Nabila explique qu'à une quinzaine de mètres de la porte de sa maison, un villageois de 24 ans, Nimer, a été blessé à la tête par une balle tirée par un colon pendant une attaque,
http://www.ism-france.org/temoignages/Quatre-Palestiniens-blesses-par-une-attaque-de-colons-et-de-soldats-a-Asira-Al-Qibliya-videos--article-17003
en mai dernier (photo ci-dessous). Miraculeusement, le jeune homme a survécu mais il est devenu sourd. Pendant l'attaque, les colons armés étaient protégés par l'armée.

(AP Photo/Nasser Ishtayeh)

Le fils de son voisin, un jeune de 20 ans, a été témoin du tir et a aidé à transporter Nimer ensanglanté. Depuis, le jeune homme est somnambule. Il a vu un médecin de Médecins sans Frontières qui a diagnostiqué que les crises de somnambulisme étaient un symptôme traumatique et il a insisté pour qu'il soit traité à Tel Aviv, où il est maintenant en thérapie.
"Bien sûr, c'est bien pour mon fils," dit son père, "mais ce n'est qu'une personne. Le village tout entier est traumatisé."

Au total, la colonie Yitzhar a annexé un tiers des terres appartenant aux villages du sud de Naplouse. Il y a environ 2 ans, 5ha du secteur Khusfe, une parcelle agricole qui s'étend d'Asira al-Qibliya au checkpoint d'Huwara, ont été volés et incendiés par les colons d'Yitzhar. Par deux fois, les villageois ont replanté leur terre mais la troisième fois, l'armée israélienne a déclaré le secteur "zone militaire fermée" et ont empêché les villageois d'y entrer. Les champs sont toujours en "zone militaire fermée" mais maintenant, des structures coloniales israéliennes y ont été installées.

"J'ai très peur," dit Khadra Abdelkarim, une autre résidente d'Asira al-Qibliya, "et mes 6 enfants aussi. C'est difficile pour eux de se concentrer, à l'école."

Elle raconte une récente attaque cauchemardesque, quand un groupe de colons a cogné aux portes et a attaqué au spray au poivre ceux qui ouvraient.

Le mari de Khadra résume la logique des attaques des colons. Ils viennent brûler le blé et déraciner les oliviers pour détruire les moyens de subsistance. lls viennent à l'occasion des fêtes juives, les fêtes annuelles comme le sabbat hebdomadaire. Ils viennent pour des attaques de représailles : si un colon est attaqué ou menacé n'importe où en Cisjordanie occupée, ou si l'Etat d'Israël reconsidère sa politique de colonisation, les villages palestiniens paient le prix. Et plus important, ils viennent pour créer un malaise parmi les villageois palestiniens.
"Pour troubler l'ordre public," dit Khadra.
"Alors, montre-moi le sens du processus de paix ? Plus nous sommes pacifiques, plus ils nous attaquent. Tout a empiré depuis Oslo. Si ça continue, les colons seront dans ma chambre d'ici un an."

Source : Palsolidarity

Traduction : MR pour ISM