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Hebron - 10 décembre 2019
Par ISM Palestine
Samedi dernier, le 23 novembre, c'était la journée de Sarah (1), une fête pour la communauté juive qui rassemble des colons israéliens de tous les territoires palestiniens occupés et des Juifs venus de l'étranger, dans la ville palestinienne d'Al Khalil (aussi connue sous le nom de Hébron). Cette année en particulier, le Fonds Hébron a fait un effort particulier pour rassembler autant de fidèles que possible qui ont convergé vers la zone "H2" d'Al Khalil, dont la vieille ville et toutes les colonies israéliennes illégales environnantes.
Des colons israéliens venus célébrer une fête juive se sont comportés dans le centre-ville d’Al-Khalil comme dans « un parc de loisirs », en toute impunité.
Dans leur vie quotidienne, le droit de circulation des Palestiniens dans cette zone est sévèrement restreint et parfois interdit. Les célébrations ont aggravé, si c’est encore possible, la situation. En réponse à l'afflux massif de colons et de personnes venant de l'étranger, la présence militaire a considérablement augmenté.
Résultant de ces trois facteurs - présence massive de sionistes, présence militaire accrue et fermeture effective de la zone aux résidents palestiniens – la situation créée a permis aux foules affluant de se sentir légitimes à mener tout type d’action dans un « parc de loisirs » de facto, avec la complicité de l'armée, dont le devoir réel est de contrôler et de réprimer la population locale et les activistes locaux. La situation rassemblait les conditions qui ont prévalu à l’établissement de la première colonie à Hébron. En 1968, un groupe de sionistes israéliens a réservé des chambres d'hôtel dans la vieille ville pendant une fête juive. Leur séjour s'est transformé en une occupation permanente, protégée par les soldats israéliens et approuvée par le gouvernement israélien.
Ce qu'il a été possible de voir chez les participants aux célébrations de la journée de Sarah, c'est toute la colère et la rage accumulées pendant l'année, cristallisées, matérialisées dans les actions les plus basses, et rendues possibles par un sens illimité du pouvoir. On retrouve l’illustration de ces sentiments dans les banderoles telles que "La Palestine n'a jamais existé... et n'existera jamais". Des sentiments qui se sont transformés en hostilité ouverte et en agression contre les militants internationaux qui observaient les événements. Nous avons vu des attaques physiques violentes avec des sprays au gaz-poivre contre des civils palestiniens non armés, y compris des enfants. Le point culminant a été la lapidation d'un enfant de deux ans endormi.
Ce rassemblement de sionistes semble déverser toute la frustration due à l'inachèvement du processus d'apartheid : les Palestiniens d'Al Khalil sont coupables de ne pas être complètement soumis aux politiques racistes de l'État d'Israël, et un tel rassemblement est une bonne occasion de leur rappeler la hiérarchie qui est censée être en place.
Au vu de tout cela, plusieurs questions se posent.
Tout d'abord, bien sûr, pourquoi ? Pourquoi une telle rage et des sentiments si violents ? Israël n'en a-t-il pas assez ? L'occupation illégale d'une grande majorité des terres palestiniennes ne semble pas suffisante. La réelle occupation et la véritable oppression se font par l'humiliation routinière et persistante des Palestiniens, et par le sentiment d'impuissance dans lequel les populations locales se trouvent après chaque attaque. Cependant, il ne faut pas beaucoup de temps aux Palestiniens pour reprendre leur esprit habituel de résistance. Leur résilience est plus forte que l'âme fasciste d'une bande de colons extrémistes.
Deuxièmement, quel est le rôle des forces d'occupation israéliennes (FOI) présentes là-bas ? Vendredi après-midi, un groupe de près de 150 colons a attaqué un salon de coiffure sur le chemin de la colonie illégale de Kyriat Arba, attaquant les cinq personnes à l'intérieur avec du gaz poivre, du bois et des meubles. Tout autour, une énorme présence de soldats de l'IOF ; ont-ils arrêté cette agression fasciste ?
Quelques heures plus tard, un enfant de 12 ans (photo ci-dessus) a été attaqué par un groupe de colons qui l'ont aspergé de gaz poivre et l’ont roué de coups alors qu’il était par terre. Des soldats étaient stationnés dans une tour d'observation à 50 mètres de distance ; les soldats sont-ils intervenus ?
Dans les deux cas, les soldats n'ont pas mis fin à la violence. Ils ont observé, et ils ont attendu. Ils ont attendu et regardé les colons exprimer leur haine contre les Palestiniens. A quel prix ?
Un autre exemple, encore plus extrême, a eu lieu samedi après-midi. La famille d'un militant palestinien, Imad Abu Shamsiyyeh, qui vit dans le quartier de Tel Rumeida (dans la zone ‘H2’), était réunie dans leur maison, quand un groupe de colons est monté sur le toit et est entré dans leur jardin. Après avoir crié des insultes (vidéo), les colons se sont mis à jeter des pierres sur la maison ; la famille est sortie pour essayer, en vain, de les convaincre de partir. L'une des pierres est passée, non par hasard, par une fenêtre et a frappé le neveu de deux ans de l'activiste, qui dormait à l'intérieur (vidéo).
Les soldats étaient sur le toit, "contenant" (c'est-à-dire observant) les colons. Une ambulance palestinienne n'a pas pu atteindre Tel Rumeida : Il est interdit aux Palestiniens de conduire à l'intérieur de 'H2'. La seule façon pour la famille de l'enfant blessé pour le mettre en sécurité et le soigner était de le porter en courant, à travers la foule des colons qui hurlaient, vers le poste de contrôle le plus proche, en espérant que les médecins puissent traverser le checkpoint et prendre l'enfant. Il y a au moins deux exemples passés où cela n'a pas été possible. Dans un cas, la victime est morte en attendant au poste de contrôle. Cette fois heureusement, l'enfant a pu être emmené par le personnel médical dans l’ambulance qui attendait.
L’équipe médicale essaie de passer le checkpoint 56 pour entrer dans la rue Shuhada
Il semble donc clair que le rôle de l'OIF n'est pas de prévenir les affrontements. Pas même de défendre les Israéliens. Leur rôle est de satisfaire les colons, quel que soit le prix à payer pour les autres. Dans leur parc de loisirs, il n'y a pas de place pour les perturbateurs, tels que les activistes, les adultes et les enfants palestiniens, qui sont systématiquement et brutalement réprimés.
Les forces d’occupation pendant la Journée de Sarah, à Al-Khalil
En fin de compte, que devraient faire les Palestiniens pour ne pas être les simples spectateurs de leur propre humiliation perpétuelle ? La réponse est plus compliquée que jamais. Au fil du temps, le déséquilibre du pouvoir s'éloigne de plus en plus d’eux, comme le souligne la récente déclaration américaine. La résistance active est minée à la fois par l'oppression continue de la police israélienne et par les conflits internes au sein des factions palestiniennes. La présence de militants internationaux aide à documenter les violations constantes des droits fondamentaux, mais n'est certainement pas suffisante pour changer l'inertie de la dynamique. L’affaiblissement de l’espoir d’un changement par des moyens purement politiques crée l’espace pour des arguments plus radicaux, et parfois plus
Alors que l'espoir d'un changement par des moyens purement politiques s'affaiblit, l'espace est créé pour des solutions plus radicales, et parfois plus séduisantes, fondées sur des réponses des groupes islamistes aux arguments sionistes. Les puissances internationales, centrées sur l'intérêt purement capitaliste de maintenir de bonnes relations avec Israël comme allié, sont responsables de cette radicalisation. Eux et tous ceux qui ferment les yeux sur les injustices qui se produisent ici perdent le droit de juger les moyens de résistance palestiniens, face à une oppression dont ils sont complices.
(1) « Quand les fêtes apportent la haine : la Journée de Sarah à Hébron occupée », ISM-France, 2 décembre 2019.
Source : Palsolidarity
Traduction : MR pour ISM
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