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Cisjordanie - 1 mars 2010
Par ISM
La semaine dernière, deux petites communautés rurales attendaient deux chargements qui arrivaient sur un 4x4, à travers les chemins venteux des collines du sud d’Hébron. Le premier chargement était du matériel nécessaire à la construction de sources d’énergie alternatives pour ces petites communautés. Le second, c’était une présence internationale en soutien à la lutte pour leur légitimité.
Dans les collines qui entourent Susya, les bergers vivent en petits groupes, sous tentes, dans les vallées de la « zone C » sous contrôle israélien. Ils luttent pour leur existence contre la politique israélienne de nettoyage ethnique dans la région, où des contrôles draconiens limitent leur qualité de vie.
Nous nous sommes d’abord arrêtés pour livrer le matériel de construction de sources d’énergie solaire et par éolienne à deux familles qui vivent dans des tentes, dans un lieu isolé. L’accès à leur site fut très lent et difficile, par un chemin cabossé et rocailleux. Pour dissuader les Palestiniens de vivre dans ces secteurs, sous menace constante d’expansion coloniale israélienne, ces familles n’ont pas le droit de construire et ne sont reliées ni au réseau électrique, ni à celui de l’eau. Même l’installation de ces sources d’énergie alternative tombe sous le coup de la loi et encourt le risque des ordres de démolition israéliens. Mais un petit groupe d’activistes, des deux côtés de la Ligne Verte, s’est engagé à fournir un niveau de vie décent à ces bergers.
Notre deuxième arrêt fut pour nous fournir nous-mêmes à la petite communauté de Khirbet Bir al ‘Idd, juste au nord du village de Jinba, lui-même à quelques kilomètres au nord du tracé envisagé pour le mur d’apartheid de Cisjordanie . Il y a quatre mois, le 8 novembre 2009, deux familles sont revenues s’installer dans ces collines pour empêcher les colonies israéliennes de s’étendre dans leur petite vallée. Nous devions passer les jours suivants avec Abu Tarek, qui vit ici avec sa femme et leur petite fille, et élève des moutons.
Abu Tarek a consacré sa vie, dans la ville voisine de Yatta, à protéger la terre palestinienne et en revenant à Khirbet Bir al ‘Idd, il a modifié drastiquement son mode de vie. Les autorités israéliennes ont interdit à la famille d’ériger des structures permanentes, et la famille n’a ni électricité ni eau courante.
La terre sur laquelle elle vit comprend plusieurs cavernes, dont deux servent d’abris à son troupeau de plus de soixante moutons. La famille vit dans une structure dont les murs de moins de 1m50 de haut sont en pierres locales recouverts d’une bâche. Pourtant, dans ces limites imposées, la famille a créé un foyer chaleureux qui la protège des conditions politiques et météorologiques rudes.
La raison de notre présence était à la fois de l’encourager dans son activité et de la soutenir lorsqu’elle est confrontée aux attaques constantes des colons et de l’armée israélienne. La veille de notre arrivée, Abu Tarek avait été menacé par un soldat israélien et un colon local avait essayé de détruire son gagne-pain en faisant paître son propre troupeau sur sa terre agricole, sur ses cultures.
Ici, la vie commence avec le lever du soleil et la traite des brebis avant un petit déjeuner avec le pain délicieux, cuit sur un « taboon » par la femme d’Abu Tarek, servi avec les produits de leur ferme : du lait chaud et du « lebneh ». Le manque d’électricité signifie qu’il n’y a pas de réfrigération et la transformation du lait en une substance durable est donc indispensable.
Tandis qu’il fait paître son troupeau, les préoccupations d’Abu Takek liées à la situation sont claires. Pour éviter tout problème avec les autorités israéliennes, il doit veiller à ce que les moutons n’aillent pas de l’autre côté du chemin de terre qui mène à la ferme d’un colon israélien. Ici, les jets de pierre sont davantage destinés à contenir les bêtes qu’à résister aux forces d’occupation.
Le chemin de terre partage le sommet de la colline entre la terre où les Palestiniens sont autorisés à faire paître leurs troupeaux et la terre qu’ils peuvent utiliser pour des cultures. Quand nous lui demandons de nous indiquer la partie de la vallée sur laquelle il peut faire paître ses bêtes « en sécurité », ce n’est pas la partie la plus verte et la plus fertile qu’il nous montre. Les colons s’en sont emparés. Il reste rarement aux Palestiniens les meilleurs pans de leur propre terre.
Tandis qu’Abu Tarek surveille son troupeau sur les collines pierreuses, en-dessous du chemin, je grimpe plus haut sur la colline pour m’assurer que le blé de la communauté n’est pas détruit par les bêtes du colon. Depuis le haut de la colline, le panorama permet de voir de façon saisissante l’envahissement des colonies israéliennes, en contraste cru au développement restreint accordé aux Palestiniens.
L’intimidation israélienne est omniprésente. En une journée, nous avons été harcelés d’abord par un officiel israélien responsable de la gestion de cette terre, puis par les soldats israéliens. Le fonctionnaire a commencé à dire qu’il avait vu les Palestiniens emmener leur troupeau sur la terre réservée aux colons, désignant le chemin comme ligne de partage. Nous n’avions pas bougé de la matinée et le troupeau n’a jamais traversé le chemin.
Un peu plus tard, une jeep de l’armée est arrivée, venant de la ferme du colon, et trois jeunes soldats en sont descendus, les fusils en bandoulière, pour agresser Abu Tarek et Abu Nassir, l’autre patriarche de la communauté. Ils se sont mis à parler avec condescendance à ces deux hommes dignes, leur disant qu’ils n’étaient que « des enfants » ici sur cette terre, que c’était une terre juive, et qu’ils ne devraient même pas faire paître leurs bêtes ici. Abu Tarek et Abu Nassir n’ont prêté aucune attention à leurs protestations, malgré l’altercation, un peu plus tôt, avec le responsable de la gestion de la terre. Lorsque j’ai demandé aux soldats de me montrer une carte du secteur indiquant la division et l’attribution de la terre, ils ont affirmé ne pas en avoir et sont partis rapidement.
Cette division raciste est aussi évidente lorsque les Palestiniens essaient de porter plainte sur les intrusions et les attaques des colons. Parce qu’on est en « zone C », la police est israélienne. Abu Tarek nous dit que lorsqu’il téléphone à la police, dès que l’employé entend son hébreu à l’accent arabe, il raccroche.
Malgré les dures conditions de vie auxquelles la famille est quotidiennement confrontée, la vie dans leur modeste maison est joyeuse et riche, et leur accueil est incroyablement chaleureux.
Tout en encourageant les internationaux à leur rendre visite et à les aider à défendre leur cause, j’espère que bientôt ils n’auront plus besoin de nous recevoir comme des combattants contre l’occupation, mais simplement comme des amis.
Source : Palsolidarity
Traduction : MR pour ISM
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