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Etats-Unis -

Des Palestiniens se joignent aux Sioux à Standing Rock pour protester contre le projet d’oléoduc au Dakota

Par

Nadya Tannous, militante locale et écrivain, vit dans le Secteur de la Baie (Nation Ohlone). Elle est la co-fondatrice de Weird Sister TV et coordonne des tournées pour Friends of Sabeel – Amérique du Nord pour la prochaine tournée de « No Child Behind Bars: Living Resistance from the US to Palestine »

24.10.2016 - « Il n’y a peut-être qu’au Dakota du Nord, où les magnats du pétrole festoient avec des élus, et où le gouverneur Jack Dalrymple est l’un des conseillers de la campagne Trump, que l’Etat et les administrations locales agissent en tant qu’agents armés pour la mise en oeuvre des intérêts des grandes entreprises. Ces dernières semaines, l’Etat a militarisé ma réserve, avec barrages routiers et contrôles des plaques d’immatriculation, avions volant à basse altitude et profilage racial des Indiens. Le shérif local et la compagnie du pipeline ont dit que notre protestation était « illégale » et le gouverneur Dalrymple a déclaré l’état d’urgence.

Des Palestiniens se joignent aux Sioux à Standing Rock pour protester contre le projet d’oléoduc au Dakota

« De Palestine à Standing Rock nous sommes unis »
(Photo Haithem El-Zabri avec l’aide créative de PYM)

C’est une histoire familière en pays indien. C’est la troisième fois qu’on s’empare des terres et des ressources de la Nation Sioux sans tenir compte des intérêts tribaux. Les peuples Sioux ont signé des traités en 1851 et 1868. Le gouvernement les avait violé avant que l’encre ne soit sèche.

Quand le Corps d’Armée des Ingénieurs a construit un barrage sur la Rivière Missouri en 1958, ils ont pris nos forêts riveraines, nos vergers et nos terres les plus fertiles pour créer le Lac Oahe. Aujourd’hui, le Corps prend notre eau potable et nos lieux sacrés en approuvant cette traversée de la rivière. »

Dave Archambault II, Président de la Tribu Sioux Roche-Debout, article d’opinion dans le NY Times, 24 août 2016.


La formation géologique de Bakken, au nord des Etats-Unis et au sud du Canada, est répertoriée par les compagnies énergétiques US comme l’une des bassins les plus prometteurs pour l’extraction pétrolière nationale, seulement dépassé en taille par les champs de pétrole d’Alaska. Les champs du Dakota du Nord ont été de plus en plus ciblés pour les ressources en schiste bitumineux au cours des dernières années, et ils sont l’objet habituel de controverse publique ; nombre d’entre nous se souviennent de la proposition du tristement célèbre projet de pipeline Keystone XL de 2008-2015, qui n’a obtenu l’aval que d’une très faible partie de l’opinion publique et que l’administration Obama a annulé à deux reprises. Le projet Accès du pipeline au Dakota (Dakota Access Pipeline - DAPL) est très similaire à celui de son homologue abandonné. Son tracé fait la même longueur que Keystone XL, soit 1.172 miles (1.886km), et il prévoit le transport des mêmes réserves de schiste Bakken à travers le Midwest. Le projet DAPL, évalué à 3,8 milliards de dollars, transporterait 570.000 barils de pétrole brut par jour à travers 4 états et traverserait la rivière Missouri elle-même. L’entreprise mère, Energy Transfer Partner, vante le pipeline comme booster économique créateur d’emplois et investissement sûr pour l’avenir du peuple américain. Pourtant à qui se réfère-t-elle exactement, et qui a-t-elle consulté ?

Dans les collines autour de Bismarck, au Dakota du Nord, il y a la Réserve Sioux Standing Rock (Roche Debout), installée le long des berges de la rivière Cannonball (Boulet de Canon), un affluent de la Rivière Missouri. On voit maintenant le chantier de construction du pipeline depuis la réserve mais nombreux sont les gens ici qui ont vu le pipeline venir avant son arrivée même. Energy Transfer Partners et TransCanada n’ayant pas consulté les tribus autochtones qui vivent le long du tracé prévu du pipeline, et dont les terres sacrées, ancestrales et sources principales de ressource d’eau seront détériorées par la construction, il n’y a pas eu une seule consultation tribale sur le DAPL proposé.

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Le camp Oceti Sakowin sous la pluie (Photo : Nadya Tannous)


Le 1er avril, le Sacred Stone Spirit Camp (camp Esprit de la Pierre sacrée) a été érigé sur une rive de la rivière Cannonball pour héberger des protecteurs de l’eau, dont beaucoup venaient de l’intérieur et de l’extérieur de la réserve, pour s’opposer à la construction du pipeline, demander la préservation de l’eau et la reconnaissance des traités fédéraux signés avec la Grande Nation Sioux. Le mouvement, débuté avec quelques centaines de personnes, en a rapidement compté des milliers, engendrant la création des camps Oceti Sakowin et Red Warrior (Guerrier rouge) de l’autre côté de la rivière Cannonball.

Des protecteurs, des supporters et des gens solidaires avec Standing Rock arrivent des quatre coins du monde, dont beaucoup représentent des Nations Indigènes. Ma propre caravane a quitté la Californie la 2ème semaine de septembre, précédant la caravane du Palestinian Youth Movement/PYM-USA (Mouvement de la jeunesse palestinienne-USA) qui est arrivée peu après. En tant que contingent de peuples autochtones en diaspora et colons récents sur Turtle Island (Ile de la Tortue), nous attestons que ceux qui sont à Standing Rock y sont pour notre présent et notre avenir également. Nous devons en retour nous soutenir les uns les autres contre la primauté de l’effacement présent, futur et historique, l’héritage actif du colonialisme de peuplement et la cruauté de la rapacité.

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Le camp de Sacred Stone Spirit au coucher du soleil (Photo : Nadya Tannous)


La compagnie pipelinière semble indifférente au risque de pollution de la principale source d’eau de la réserve, la détérioration hautement probable des terres et sites sacrés, et la transgression d’une série de lois fédérales ; elle agit de plus en plus contre le flot des protecteurs dans et hors des camps protecteurs et des zones environnantes. Il y a à peine quelques semaines, le 28 septembre, on a pu voir des photos et des vidéos alarmantes montrant des policiers armés et des véhicules de type militaire encerclant des défenseurs participant à une cérémonie de prières sur un chantier au Dakota du Nord. La vidéo montrait l’intensité de la répression sur le terrain et à quel point les camps de défenseurs sont vulnérables quand ils sont hors de la vue de l’opinion publique.
« Ils bougent vers nous »
« Ils ne vont pas nous laisser partir. Ils nous ont enfermés des deux côtés »
« Ils ont dégainé leurs armes »
« Ils ont mis des snipers au sommet de la colline »
« Ils me bloquent sur Facebook »
« Maintenant ils arrêtent tout le monde. Tout le monde court »
« Partagez au maximum »
Transcription de la vidéo en direct via Unicorn Riot (images et sons).

Les forces militaires ont bloqué la seule sortie du site vers la route avant d’arrêter 21 défenseurs. D’autres participants ont posté des photos d’un avion d’épandage dégageant un gaz ou des produits chimiques sur la foule (photo Rob Wilson ci-dessous). On n’a pas su ensuite clairement la composition du produit ni le but de la pulvérisation.

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La participation et la planification des actions directes contre la construction DAPL continuent cependant, avec plus de 100 véhicules installés sur 5 chantiers de construction la semaine du 3 octobre, et qui ont réussi à interrompre la construction ce jour-là. Les autorités locales, les agents de sécurité privés embauchés et la Garde nationale semblent aussi perturbés par la présence des protecteurs et tâchent par tous les moyens d’empêcher l’accès et la sortie de la zone du camp et d’intimider les nouveaux arrivants. Les autorités du Dakota du Nord ont érigé des points de contrôle sur la route principale allant à Bismarck (Dakota du Nord) et ma propre caravane, venant de Californie, a été refoulée. Notre confrontation interminable avec la patrouille de l’autoroute en allant vers le Dakota du Nord – qui a insisté non seulement pour vérifier tous nos papiers d’identité, debout sur le bord de la route, à côté de la voiture, pendant une heure, mais aussi « nous transférons vos informations aux autorités supérieures », avec soupçons d’activités illégales – semblaient avoir pour but de dissuader un afflux de supporters dans la région. Des histoires de vérifications de plaques d’immatriculation, de profilage racial des conducteurs indigènes et ethniques et/ou des passagers des voitures, ainsi que d’arrestations aux barrages routiers, ont circulé à travers les camps. Democracy Now, The New York Times, Huffington Post et de nombreuses autres sources d’information indépendantes ont également rapporté ces mêmes tactiques.

Pourquoi y suis-je allée, en premier lieu ? Parce que quelque part dans la difficile dynamique de pouvoir à être un citoyen états-unien, un habitant non-indigène de l’Ile de la Tortue et un Palestinien de la diaspora, j’ai vu la lutte pour les moyens de subsistance et la culture, la lutte contre le colonialisme de peuplement, la lutte pour protéger le sacré et préserver sa propre légitimité et la force toujours menaçante de l’effacement et de l’amnésie historique. Ce que j’ai vu plus tard à Standing Rock incarnait ceci et était en même temps plus grand ; comme me l’a dit un aîné Mohawk, « Sans eau, nous [les humains] sommes de la poussière stérile. »

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L’auteur de l’article devant le Camp Red Warrior #protecteurspasmanifestants


Lors d’un conseil feu-de-camp à Oceti Sakowin pendant mon séjour, 280 nations indigènes ont été remerciées pour leur soutien et leur représentation dans les camps. Des leaders du mouvement au Camp de Sacred Stone Spirit ont à maintes reprises affirmé que le rassemblement des différentes Nations autochtones près de Cannonball, Dakota du Nord, est le plus grand de ces 150 dernières années sur le continent nord-américain.

Le conseil feu-de-camp se tient à l’entrée principale du camp Oceti Sakowin, délimitée par des rangées de drapeaux représentant de nombreuses Nations autochtones venues pour soutenir Standing Rock. A la fin d’une de ces rangées, il y a le drapeau palestinien. Le voir m’a remplie autant de joie que de tristesse parce qu’il confirme deux choses auxquelles j’avais réfléchi pendant le long trajet de Californie au Dakota du Nord : la première réflexion est que le pouvoir de la résistance collective contre l’avidité et le colonialisme de peuplement est une force puissante. Cette réflexion s’est incarnée dans ma joie à voir une représentation des frères et sœurs palestiniens venus prendre position contre les puissances destructrices. La seconde réflexion m’a procurée de la tristesse car si la lutte pour la protection de l’eau, de la culture, de la terre, du patrimoine et des moyens de subsistance est véritablement incarnée à Standing Rock et en Palestine, alors cette lutte est à la fois immense et sans concession.

J’ai discuté avec de nombreux protecteurs Maoris de Nouvelle-Zélande enthousiasmants, des représentants indigènes d’Equateur, des représentants canadiens de la nation Blackfoot qui furent des militants de longue date dans les mobilisations « Jamais plus l’inaction » (1) et des Dakota/Lakota/Nakota de Standing Rock et des réserves voisines, parmi tant d’autres.

De divers points de vue et histoires personnelles, le même message fondamental ressort : il ne s’agit pas de se mobiliser seulement pour les droits autochtones, c’est aussi la protection de l’eau, la protection de notre terre et assurer les moyens de subsistance des futures générations. L’eau est la vie pour nous tous.

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Banderole « Nous ne sommes pas armés » à l’entrée des camps Oceti Sakowin/Red Warrior (Photo : Nadya Tannous)


Mes camarades du Mouvement de la Jeunesse palestinienne (Palestinian Youth Movement, PYM) – section Etats-Unis et moi-même nous avions réfléchi sur cette pensée lorsque nous avons rédigé notre déclaration de solidarité « avec les Sioux de Standing Rock, la Grande nation sioux et nos autres frères et sœurs autochtones dans la lutte contre le DAPL », a circulé le 7 septembre. Un extrait dit :
« Nous condamnons toutes les formes de violence d’Etat contre nos frères et sœurs des Premières Nations et notons que la remise en cause de leur souveraineté et de leurs moyens de subsistance fait partie de la dialectique continue du colonialisme de peuplement transnational.
Depuis l’arrivée des colons à l’Ile de la Tortue, les Premières Nations ont résisté au génocide et au déplacement. De la saisie des terres aux réserves, des internements aux massacres, l’Etat a fait tout ce qui était en son pouvoir pour effacer et éradiquer les peuples des Premières Nations. Pourtant, ils sont toujours avec nous aujourd’hui et ils continuent de résister. Protéger leur terre, leur peuple et leurs futures générations du DAPL est un témoignage de leur force et de leur résilience.
(…)
Alors que les communautés sont confrontées à un génocide continuel et continuent de résister au régime impérialiste colonial des Etats-Unis, les Palestiniens font eux aussi l’expérience d’un génocide et d’un ethnocide à l’intérieur de notre patrie par l’Etat colonial d’Israël.
»

PhotoUn drapeau palestinien flottant dans le vent (Photo : Nadya Tannous)


Les comparaisons sont troublantes. J’avais passé la plupart des heures sur les routes du Dakota du Nord à réfléchir aux liens entre les obstacles et les oppressions auxquels font face ceux de Standing Rock, et les obstacles et les oppressions auxquels nous faisons face nous, Palestiniens, sous occupation et apartheid. Cependant, en arrivant à Standing Rock, je n’ai plus eu à songer aux similitudes, je les ai ressenties dans ma chair.

Quand les défenseurs de Standing Rock m’ont posé des questions sur l’expérience des Palestiniens dans notre propre lutte contre le colonialisme de peuplement, sur l’oppression et sur la rapacité, j’ai quelquefois répondu par les statistiques. Pourtant, le plus souvent, je leur ai raconté des récits de génocide, d’exil, de délégitimisation, de promesses non tenues et de résilience éclatante.

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« Les Palestiniens sont solidaires du peuple autochtone de ce pays » #PasDeDapl (Photo: FOSNA Solidarity Statement)


Assis autour d’un feu, brûlant du bois de sauge et de cèdre, Darlene Meguinis, de la Nation Blackfoot au Canada, réfléchissait aux débuts du mouvement Jamais Plus l’Inaction » (1), au sein duquel elle est toujours une organisatrice active. Elle m’a dit : « Tout doit commencer par une cérémonie de prières, en particulier l’organisation. » Elle m’a rappelé que les fondateurs de Jamais Plus l’Inaction (1), les aînés Nina Waste, Jessica Gordon, Sheelah Mcleen et Sylvia McAdams, avaient ancré le mouvement dans un cérémonial. Meguinis affirme que le résultat était de recentrer l’attention des actions collectives sur le changement.

Les jeunes autochtones du Conseil de la Jeunesse #NoDAPL à Standing Rock ont réitéré les mêmes idées sur les actions DAPL. Deux leaders de la jeunesse m’ont raconté, « Nous nous battons pour les résultats que nous voulons voir, mais nous sommes dirigés par nos ancêtres. Nous sommes ici, nous agissons maintenant, pour nos enfants. »

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Un drapeau des Etats-Unis renversé flotte sur Oceti Sakowin (Photo: Nadya Tannous)


La vie quotidienne du camp se déroule essentiellement dans un environnement de détermination et de prière, ce qui a facilement évacué les tensions, alors même que les hélicoptères de l’entreprise DAPL et de la Garde nationale survolaient les camps matin, midi et soir (ce qui m’a aussitôt rappelé la vie en Palestine).

Certains matins, le long de la courbe de la Rivière Cannonball qui délimite le camp Oceti Sakowin/Red Warrior du camp Sacred Stone Spirit, des artistes autochtones reproduisaient la beauté autour d’eux dans des peintures et des expositions artistiques. L’un des organisateurs était l’artiste d’Albuquerque Monty Singer (dont on voit la photo prise par Nadya Tannous ci-dessous, ndt).

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Le temps passé à créer des œuvres artistiques et de la musique, à se rassembler autour des feux et des tambours pour participer ensemble aux prières et aux cérémonies ont galvanisé l’énergie vibrante des gens dans les camps. Chaque jour nous avons applaudi, prié et soutenu de notre mieux les actions directes ; l’après-midi, des dons venant de tous les Etats-Unis et de l’étranger ont afflué dans l’entrée principale et les cuisines communautaires et les stands pour les dons sont restés ouverts 24h/7 pour faire face au flux de défenseurs. Des centaines de personnes ont afflué dans les camps chaque jour.

L’énergie brute nécessaire pour soutenir le mouvement donne à réfléchir ; compte-tenu de l’injonction de la Tribu Sioux Standing Rock contre le Corps des Ingénieurs de l’Armée des Etats-Unis qui a échoué en première instance, une cour d’appel fédérale a officiellement arrêté la construction du pipeline, reprenant les mêmes paramètres de suspension temporaire que le décret proposé le 9 septembre par le ministère de la Justice. Cette suspension ne s’applique que dans les 20 miles de chaque côté du lac Oahe près de la rivière Missouri.

D’autres endroits sur le tracé prévu du gazoduc sont toujours ouverts à la construction et, bien que les actions directes sur les chantiers DAPL n’aient pas faibli, elles captent de moins en moins l’attention des médias, avec des accusations de plus en plus graves portées contre les défenseurs. Par exemple, les 5 défenseurs qui se sont attachés à des bulldozers sur un chantier DAPL en action à 100 miles en bas de l’autoroute 94 depuis la réserve, pendant mon séjour au camp Oceti Sakowin, ont été accusés de « intrusion criminelle » [violation de propriété, ndt], les mêmes accusations portées contre Amy Goodman dans son mandat d’arrêt en raison de sa couverture du DAPL début septembre (bien que ses charges à l’époque constituaient un délit et ont heureusement été abandonnées le 17 octobre après une audience du tribunal). Certaines des personnes arrêtées ont même été extradées vers leurs Etats d’origine pour être poursuivies sur les accusations du Dakota du Nord, en plus d’accusations antérieures pour des manifestations dans d’autres Etats.

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Au cours de ma dernière nuit à Standing Rock, j’ai discuté avec une femme nommée Terry, une habitante de Bismarck, au Dakota du Nord. Je lui ai demandé pourquoi j’avais rencontré si peu de non-autochtones locaux à Standing Rock. Sa réponse fut directe et n’avait pas grand-chose à avoir avec les postes de contrôle et les barrages routiers dressés par le sheriff : « C’est à cause de la propagande des médias. Par exemple, pendant les attaques des chiens, le journal Bismarck News a couvert l’information sur un ouvrier blessé sur le site et l’hospitalisation d’un garde. Personne n’a relayé l’ambiance populaire ni ouvert les pages des journaux pour raconter les attaques des chiens sur les défenseurs. » Elle a mentionné qu’un article dans un journal conservateur, Town Hall, peu après les attaques, a écrit : « Les chiens ont donc été lâchés sur ces manifestants. C‘est bien. » Elle et quelques autres habitants de Bismarck sont venus dans les camps à cause de ce qu’ils ont compris, derrière les pressions des médias. « Nous comprenons que la lutte pour l’eau potable et pour la reconnaissance de la souveraineté autochtone touche tout le monde dans les environs, » m’a-t-elle dit, ce qui deviendra de plus en plus évident si des fuites de pétrole se répandent dans la région de Bakken.

Le 20 septembre à Genève, Dave Archambault II, président de la tribu Sioux Standing Rock, a exhorté le conseil des Droits de l’homme des Nations unies à soutenir la tribu en s’opposant au projet DAPL et à plaider pour la reconnaissance de ses droits souverains, y compris la protection de l’eau et des sites sacrés. Des protecteurs restent vigilants dans et hors du site, beaucoup allant se recueillir sur les tombes des ancêtres Dakota / Lakota / Nakota qui ont été perturbés par la construction.

Martina Looking Horse, écrivaine de la réserve Cheyenne River, a campé à Standing Rock pendant plus d’un mois. Elle m’a dit qu’elle et sa famille envisagent de rester jusqu’à ce que le projet de pipeline soit abandonné, mais elle a souligné que les conditions de vie dans le camp ne sont pas faciles. Les pluies torrentielles, les variations de temps chaud et froid et l’arrivée imminente de l’hiver au Dakota du Nord découragent beaucoup de rester plus longtemps que quelques semaines. Pourtant, Looking Horse est convaincue qu’elle et beaucoup d’autres continueront, avec ou sans le soutien des grands médias. L’espoir, a-t-elle réaffirmé, est que les gens de conscience, au plan national et international, continuent de soutenir de toutes les façons qu’ils pourront, qu’ils tiennent le gouvernement des Etats-Unis pour responsable de ses promesses, pour ne pas oublier que les défenseurs sont toujours là, solides sur leurs positions.

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La caravane du Palestinian Youth Movement (PYM) à Standing Rock (Photo: Awad Yasin)


Le jour de mon départ, la caravane officielle du mouvement des Jeunes Palestiniens – section Etats-Unis est arrivée à Oceti Sakowin ; ils ont amené de nouvelles recrues, des produits et de petits cadeaux pour le conseil tribal, en tant que visiteurs. Ils ont également lu notre déclaration au conseil tribal feu-de-camp et ils ont rencontré beaucoup de gens, comme je l’avais fait, qui ont déclaré combien ils étaient heureux de voir des Palestiniens soutenir les lignes de front contre la répression du mouvement. La solidarité avec la Palestine, pour tous ceux d’entre nous qui ont participé avec les caravanes du PYM, fut impressionnante. Ce qui ne devait être qu’un déplacement de quelques jours s’est prolongé sur une semaine.

Inspirés par les histoires, les gens, l’appel à notre responsabilité morale de se protéger les uns les autres ainsi que l’eau qui nous maintient en vie, nous espérons revenir à Standing Rock et apporter des fournitures pour l’hiver.

Les Amis de Sabeel-Amérique du Nord ont également envoyé une déclaration de solidarité, écrivant entre autres :
« Nous savons que le colonialisme de peuplement dépend de la terre et des ressources naturelles au détriment des communautés indigènes (…). Aujourd’hui nous vous voyons, la nation Sioux et les membres des 280 autres tribus américaines autochtones qui vous ont rejoints pour protéger l’eau de la rivière Missouri et pour arrêter l’accès de l’oléoduc au Dakota, prendre position pour toute vie, l’incarnation de la résilience. Tandis que l’occupation israélienne continue, la terre palestinienne est volée, les oliviers ancestraux sont déracinés et le sang est répandu, votre lutte inspire notre travail et nous redoublons nos efforts pour témoigner et résister de façon non violente. Nous soutenons totalement la souveraineté et l’auto-détermination autochtones. »

A Standing Rock, l’espoir ne faiblit pas. En repartant dans le secteur de la Baie, je suis tombée sur de nombreuses constructions artistiques et dons matériels, et j’ai pu voir beaucoup d’autres événements médiatisés par des amis et la famille dans l’Etat de New-York, en Virginie, en Caroline du Nord, en Floride et en Arizona.

Merci à Caleb Duarte et au merveilleux jeune du lycée de Fremont, à Oakland (un jeune récemment arrivé seul, de Chimeltenango, au Guatemala) qui ont fait cette banderole de solidarité :

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Structure artistique à Oakland, CA : des mineurs isolés venus du Guatemala ont écrit « L’eau est la vie » en Maya (Photo: Nadya Tannous)


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Impression sur bois de Dignité Rebelle, structure artistique pour Standing Rock (Photo: Nadya Tannous)


Je me souviens avoir pensé, en quittant Standing Rock pour revenir en Californie : les peuples opprimés par le pouvoir et la rapacité ont de la force lorsqu’ils se lèvent ensemble. Les gens qui nous soutiennent constituent une force unificatrice poignante.

Quand je suis partie, la rivière était calme, l’herbe sur ses berges était verte et haute. Les battures du fleuve s’étendaient, boueuses et fertiles, le courant lent reflétant le ciel jour et nuit, l’eau devenant rose et orange au coucher du soleil.

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Nadya Raja Tannous debout près du drapeau palestinien au camp Oceti Sakowin


Un protecteur de l’eau, ligoté à une lourde machine en bas de l’autoroute 94 criait, avant d’être détaché et mis en prison,
« Ce pipeline est un pipeline du passé. Nous avons besoin de construire des infrastructures durables pour l’avenir, pas d’industries non viables destructrices qui font souffrir la terre, qui font souffrir l’eau, qui font souffrir les gens. Tout ce qui concerne ce pipeline est mauvais… Nous sommes ici en solidarité avec des millions de gens, dans le monde entier, qui sont contre ce pipeline. » (via Unicorn Riot)

L’appel collectif pour la justice sonne haut et fort. Mni Wiconi – L’eau est la vie.

* Merci de soutenir Standing Rock. Faire un don ici pour le Camp Sacred Stone Spirit.
* Faire un don ici ici pour le fonds de défense juridique de Sacred Stone.
* Faire un don ici ici pour la prochaine caravane de PYM allant à Standing Rock.

(1) « Idle No More », Jamais Plus l’Inaction, est un mouvement de contestation créé en décembre 2012 par quatre femmes : trois femmes des Premières Nations et une alliée non-autochtone, en réaction à l'adoption par le gouvernement Harper d'une loi omnibus, Loi C-45, sanctionnée par le parlement canadien, qui entraîne la violation des traités ancestraux.

Voir les nombreux liens sur l’article original en anglais (ndt)

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Source : Mondoweiss

Traduction : MR pour ISM

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