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Naplouse - 6 octobre 2007
Par Clare Simon
C'est l'histoire de deux villes.
La première est Naplouse en Cisjordanie dans les Territoires Palestiniens Occupés, une ville d'anciens bâtiments pittoresques et de ruelles tortueuses - et de résistance acharnée contre la présence israélienne.
La seconde est la Naplouse virtuelle - une ville d'écrans, de claviers et de câbles où les habitants de Naplouse peuvent expérimenter une liberté dont ils ne jouissent pas dans la vie réelle.
Photo : un café internet à Naplouse
"Sans internet, je mourrais," dit Mahmoud, un étudiant en journalisme de 29 ans à l'Université Nationale d'An-Najah à Naplouse.
L'année dernière, il a tenté d'aller aux Etats-Unis, mais les autorités israéliennes ne l'ont pas autorisé à quitter la Cisjordanie .
"J'avais un visa pour les Etats-Unis mais quand je suis arrivé au Pont (le Pont Allenby sur le Jourdain pour entrer en Jordanie ; les Palestiniens ne peuvent pas en général entrer en Israël, ils voyagent donc via la Jordanie), les Israéliens m'ont dit que je ne pouvais pas sortir."
Mahmoud a créé un projet artistique près de sa maison dans le camp de réfugiés de Balata mais son co-fondateur américain n'est plus autorisé à entrer en Israël, et donc dans les Territoires Occupés, par les autorités israéliennes.
Donc maintenant, ils effectuent leurs réunions via Internet, en utilisant Skype, Microsoft Messenger et les emails.
Internet
A Naplouse, entre 160.000 et 175.000 personnes vivent dans à peu près 50.000 maisons. Selon Paltel, le fournisseur de télécommunications palestinien, 28.500 foyers sont abonnés à la ligne terrestre et 5.300 ont l'ADSL de Paltel.
L'entreprise a récemment lancé un service d'accès internet à abonnement gratuit, grâce auquel n'importe qui ayant une ligne téléphonique peut accéder à internet pour 1.2 shekel (25 cts d'Euro) de l'heure.
L'ADSL commence à 2 shekels (35 cts d'Euro) par jour pour une connexion de 128Kbps pour les utilisateurs résidentiels, et 400 shekels (70 Euros) par mois pour une connexion de 512Kbps pour les entreprises.
Dans les territoires occupés, le salaire net moyen par jour est de 17.90 dollars (13 Euros/jour) pour un homme et de 16.50 dollars (11.6 Euros/jour) pour une femme.
Naplouse possède 14 cafés internet, offrant en tout à peu près 150 ordinateurs, dont le prix est d'environ 3 shekels de l'heure (53 cts d'Euro).
Les cafés internet sont particulièrement populaires auprès des étudiants d'An-Najah tels que Mosab, qui est originaire du village de Salfit, qui est séparé de Naplouse par deux checkpoints permanents, Huwarra et Za'atara.
A ceux-ci, il faut ajouter un checkpoint occasionnel à Yitzhar, qui peut ajouter une heure ou plus au voyage.
Mosab dit : "Ma maison n'est qu'à environ 15km de Naplouse, mais j'habite à Naplouse pendant la semaine en raison des checkpoints."
Donc, il se tourne vers internet pour rester en contact.
"Je tchate pour avoir des nouvelles de la maison. Je parle à mes amis comme si j'étais à Salfit : de leur travail, de leurs vies, et je leur demande également ce qui se passe à Salfit, et des nouvelles de ma famille."
Il n'y a pas que les jeunes qui utilisent internet pour rester en contact : Huda, 60 ans, est une autre utilisatrice régulière d'internet. Originaire de Jérusalem, elle s'est installée à Naplouse avec son mari en 1967, juste après la guerre des Six Jours.
Comme les Palestiniens des Territoires Occupés, à quelques exceptions, sont interdits d'entrer en Israël, et que les détenteurs de cartes d'identité israéliennes – y compris la famille de Huda - ne peuvent pas entrer dans les secteurs sous le contrôle de l'Autorité Palestinienne, internet est le lien avec le monde extérieur.
"Vous connaissez le jardin de Gethsemane sur le Mont des Oliviers ?" dit-elle, "bien, ma famille vit juste derrière. Mais je ne peux pas aller les voir. Nous nous parlons par emails. Ils veulent entendre parler des soldats, en particulier quand ils entendent qu'il y a eu une grande invasion à Naplouse, et ils veulent des nouvelles de mes enfants.3
Elle ajoute : "Je joue aux dominos et à des jeux en ligne, parce qu'il n'y a rien à faire à Naplouse. Avec ça, je me fais des amis dans le monde entier."
Internet aide aussi les plus jeunes à contourner les restrictions culturelles. Naplouse est l'une des villes les plus conservatrices des Territoires Occupés, ce qui signifie que les réputations, en particulier celles des jeunes femmes, sont très importantes.
En conséquence, beaucoup passent leurs soirées à la maison, loin du contact "nuisible" des jeunes hommes. Incapables de rencontrer leurs amis en personne, ils discutent sur internet.
Les fréquentations entre les hommes et les femmes célibataires ne sont pas bien vues, donc, comme le dit Ilham, une étudiante de 21 ans : "Parfois, le seul moyen d'apprendre à connaître quelqu'un, c'est de se marier avec."
Mais Ilham apprend à connaître son ami Mohamed par l'intermédiaire d'internet. Bien que Mohamed soit également étudiant à An-Najah, Ilham ne peut pas lui parler si elle le voit, donc ils passent presque toutes les nuits à tchater sur Messenger.
"Maintenant nous connaissons beaucoup de choses sur l'un et l'autre ; ce que nous pensons, comment nous aimons agir," dit-elle. "En raison des attitudes sociales ici, je ne pourrais pas le faire autrement."
Il y a des périodes où l'accès internet devient particulièrement important pour la population de Naplouse : pendant les couvre-feux imposés par les Israéliens.
En février, les Israéliens ont occupé la ville pendant presque quatre jours, mettant le centre de la ville sous couvre-feu, ce qui a arrêté toute la ville, y compris An-Najah.
Ilham se rappelle : "Tout était fermé. Le seul divertissement que nous ayons, c'était internet. Moi et mes soeurs avons discuté avec tous nos amis, et je suis restée en contact avec mon ami, pour voir s'il allait bien. "J'ai "parlé" aux gens via internet comme je leur aurais parlé à l'université. Nous avons parlé de la situation : à quel point c'était ennuyeux et déprimant et de l'université et de nos cours qui nous manquaient."
Ala Yousef, le coordinateur du Programme d'Echange entre les Jeunes, Zajel, d'An-Najah, raconte que les Israéliens ont mis Naplouse sous couvre-feu pendant des semaines en 2002. Il se rappelle : "J'étais coincé à la maison. Je ne pouvais même pas aller sur mon balcon, mais j'ai passé beaucoup de temps à tchater avec mon ami à New York. Sans internet, mon humeur aurait été bien pire."
Sans internet, Zajel n'existerait probablement pas. Ala explique que lui et ses collègues ont fondé Zajel – "pigeon voyageur" en arabe - il y a sept ans pour promouvoir une image différente des Palestiniens et de la Palestine que celle donnée dans la plupart des médias traditionnels de langue anglaise.
Une section de Zajel gère un site internet où sont diffusés des documents universitaires des professeurs et des étudiants. L'espoir est que des chercheurs trouveront le site internet (youth.zajel.org) lors leurs recherches, puis qu'ils resteront à lire certains des centaines d'articles sur les informations, la culture et l'histoire palestiniennes qui y sont diffusés.
Etablir des relations
L'autre bras cherche à augmenter les contacts entre les gens de Naplouse et d'autres dans le monde. L'un des moyens pour arriver à cela, c'est d'organiser des stages de travail à l'université pour les volontaires internationaux.
La majorité de ces volontaires connaissent Zajel grâce à Internet, et tous les contacts avant leur arrivée à Naplouse sont faits par emails et par tchat en ligne.
Zajel essaie également d'établir des liens entre l'université et des organisations dans le monde entier. Ala ajoute : "Avant internet, il fallait beaucoup de temps pour avoir un contact avec une organisation occidentale, et sans parler d'établir une relation."
"Nous devions avoir des réunions en tête à tête, des ateliers, des conférences et ainsi de suite, cela prenait beaucoup de temps et d'efforts, et car il n'y a pas vraiment de services postaux ici, il était difficile d'envoyer des lettres. Maintenant, c'est aussi facile que d'accéder à un site Web."
Pour Maria Khayat et son mari de Naplouse, Amer, internet les a beaucoup aidés à trouver des fournisseurs et des clients pour leur entreprise d'articles de toilette Holyland Industries.
"Toute notre recherche est faite par internet. Nous commandons nos matières premières - telles que des huiles - sur internet, et nous communiquons également avec nos clients ," dit-elle.
Le site internet d'Holyland Industries, lancé il y a cinq mois, génère maintenant à peu près 60% de l'activité commerciale des Khayat.
Bien que son mari soit en mesure de se rendre aux expositions commerciales dans la région, son épouse dit qu' "il passe des moments difficiles", même dans d'autres pays arabes.
"Souvent, les fournisseurs n'achètent pas nos produits parce qu'ils sont fabriqués en Palestine. Il y a beaucoup de préjugés contre nous dans d'autres pays, mais internet nous permet d'aller directement vers nos clients," dit-elle.
Révolution
"Les gens utilisaient internet avant, mais depuis ces deux dernières années, c'est comme une révolution," dit Nameer Khayyat, le directeur général de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Naplouse, qui a plus de 6.000 membres enregistrés à Naplouse.
"Le nombre d'entreprises utilisant internet n'a pas doublé ; Je dirais qu'il a triplé."
Cependant, pour les hommes d'affaires de Naplouse, internet signifie plus un moyen pour trouver des fournisseurs et des marchés.
Selon Khayyat : "Vous avez une réunion à Gaza, mais vous ne pouvez pas y aller parce que les Israéliens vous en empêchent. Donc, vous faites la réunion par vidéoconférence."
Mais, il y a toujours des difficultés pour faire entrer les fournitures dans Naplouse et pour en faire sortir les produits. Les hommes d'affaires palestiniens doivent parfois attendre des mois pour que des marchandises passent les douanes israéliennes et qu'elles entrent dans les territoires occupés
De plus, toutes les marchandises entrant et sortant de Naplouse doivent passer par le checkpoint commercial d'Awarta, près de Huwarra. Les cargaisons doivent être déchargées du véhicule d'un côté du checkpoint, inspectées par des soldats, puis ensuite chargées dans un autre véhicule de l'autre côté.
Les produits peuvent être perdus et endommagés ; le checkpoint est parfois fermé et, selon Khayyat, Awarta ne peut traiter qu'une partie des environ 170 véhicules qui se présentent chaque jour. Les retards sont longs et coûtent cher.
"Il y a certains problèmes que même internet ne pourra pas résoudre," dit-il.
Source : http://www.guardian.co.uk/
Traduction : MG pour ISM
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