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Hébron - 9 août 2013
Par ISM
Témoignage de l'équipe Khalil d'ISM
Le 2 août, Amena Abed AlFatah Abed Rabo est décédée à Hébron. Elle avait 71 ans et venait d'avoir un accident vasculaire cérébral. Toutefois, Amena pourrait toujours être parmi nous si l'armée israélienne avait laissé l'ambulance passer les nombreux checkpoints. Le trajet vers l'hôpital, qui aurait dû prendre 3 minutes, a duré plus d'une heure et demi, à cause des entraves et du harcèlement des forces d'occupation. Amena est morte dans l'ambulance avant de pouvoir être soignée. Cet incident est le dernier des nombreuses injustices qui ont marqué la vie d'Amena depuis ses 7 ans.
Amena Abed AlFatah Abed Rabo était originaire du quartier Khema de Ramle, dans ce qui est maintenant Israël [Palestine 48, ndt]. Elle avait 7 ans quand la guerre [l'invasion sioniste, ndt] a éclaté en 1948. Sa famille a été chassée par la force suite à la création de l'Etat d'Israël. Dans le chaos qui s'en est suivi, Amena a été séparée de sa famille. Elle était à l'époque aveugle d'un œil et était facilement désorientée. Dans sa détresse, elle est tombée, son œil valide a également perdu la vue et elle est devenue complètement aveugle. Amena a passé un mois seule, avant qu'un ami de la famille la reconnaisse dans la rue et la ramène auprès de sa mère, de son père et de ses 3 frères et sœurs.
Réunie, la famille a fui vers Al-Khalil/Hébron, en Cisjordanie , pour essayer de commencer une nouvelle vie. La famille n'a jamais eu d'indemnisation pour la maison dont elle a été expulsée, ni pour la terre volée et une fois arrivée à Hébron, elle a vécu pendant 3 ans sous un arbre. Amena fut une des nombreux réfugiés non reconnues à l'intérieur de la Palestine.
En 1951, le frère d'Amena avait réussi à économiser assez d'argent pour acheter une maison à la famille, dans laquelle elle a vécu le reste de sa vie. Pendant une période, la vie d'Amena fut relativement calme à Hébron, mais avec le déclenchement de la Première Intifada en 1987, la situation a changé. A Hébron comme dans toute la Cisjordanie , les forces d'occupation ont construit des barrages routiers et les Palestiniens n'ont plus pu conduire à l'intérieur de la ville. Pour Amena, cela a signifié qu'elle ne pouvait plus quitter sa maison. A cause de son invalidité, elle avait besoin d'une voiture pour se déplacer et ce n'était plus autorisé aux Palestiniens.
Ces barrages routiers sont toujours intacts aujourd'hui, et font partie des raisons pour lesquelles Amena n'a pas pu arriver à temps à l'hôpital. Pendant les dernières années de sa vie, Amena a vécu avec les 10 membres de la famille de son neveu dans ce qui est maintenant la zone H2 sous contrôle israélien d'Hébron. 5 jours avant sa mort, son neveu l'avait emmenée à l'hôpital, où elle a passé 3 jours. Son état s'étant un peu amélioré, les médecins l'ont autorisée à rentrer chez elle. Mais le lendemain, Amena a subi un AVC et la famille a immédiatement appelé une ambulance.
Ne la voyant pas arriver au bout de 30 minutes, la famille l'a rappelée. On leur a dit que l'ambulance était partie aussitôt après leur appel mais qu'elle avait été retenue au checkpoint. Les soldats en poste au checkpoint n'ont pas voulu la laisser passer sans une autorisation écrite, même si les ambulances du Croissant Rouge doivent passer librement sans condition. Après 30 autres minutes, les ambulanciers ont réussi à convaincre les soldats israéliens de les laisser passer mais seulement jusqu'au barrage routier suivant. En conséquence, la famille a dû transporter Amena depuis la maison jusqu'au barrage, sur un chemin rocailleux et pentu, et il a fallu à la famille 30 minutes de plus pour y parvenir (vidéo ci-dessous).
Enfin dans l'ambulance, ils ont été à nouveau arrêtés au même checkpoint qui avait bloqué l'ambulance auparavant, cette fois pendant 15 minutes. En tout, le trajet de la maison familiale vers l'hôpital le plus proche a duré environ 1 heure 45, alors qu'il aurait dû prendre normalement 3 minutes.
A l'arrivée à l'hôpital, les médecins ont rapidement diagnostiqué que l'état d'Amena était maintenant si critique qu'elle devait être transportée dans un service spécialisé d'un autre hôpital. Cet hôpital, Al-Ahlil, n'est qu'à 7 minutes, mais Amena est morte pendant le trajet.
Ces derniers jours, la famille d'Amena a organisé ses funérailles, mais la douleur ne la quitte pas. Son neveu, Rami Abed AlFatah Hamdan, est étudiant en droit humanitaire et envisage de porter plainte, dans l'espoir que ceci n'arrive pas à une autre famille à l'avenir. Comme il dit, l'accès libre à des ambulances est un droit de l'homme, un droit qui doit être appliqué à Hébron. Il pense qu'il n'a rien à perdre, et cet incident n'a fait que renforcer sa détermination à travailler pour les droits de l'homme. A la question de savoir si les soldats avaient exprimé la moindre culpabilité, il sourit tristement et dit : "S'ils se sentaient coupables, ils n'auraient pas stoppé l'ambulance."
Malheureusement, ce n'est pas un incident isolé. Il est courant que les ambulanciers, dans le secteur d'Hébron, soient harcelés et leur véhicule retenu lorsqu'ils tentent d'atteindre des patients. En 2008, une femme a accouché à un checkpoint et la même année, un homme est mort faute de soins médicaux. L'histoire de Amena Abed AlFatah Abed Rabo en tant que réfugiée à l'intérieur de la Palestine n'est pas non plus inhabituelle.
Des histoires comme celle d'Amena sont le symptôme des tentatives systématiques des forces d'occupation israéliennes de chasser les Palestiniens de chez eux et de rendre leurs vies aussi difficiles que possible. Cela fait partie d'une politique de nettoyage ethnique dont le but est de chasser tous les Palestiniens de Palestine. Le chercheur et auteur internationalement reconnu Ilan Pappe l'a décrit dans son livre, "Le nettoyage ethnique de la Palestine" et dans un entretien avec ISM :
"[...] J'ai vérifié sur le site en ligne du Département d'Etat américain au sujet du nettoyage ethnique et de sa description, et elle correspond parfaitement à ce qui se passe en Palestine. Elle ne décrit pas seulement l'action d'expulser, mais aussi ses implications juridiques, ce qui est, dans ce cas spécifique, un crime contre l'humanité. Elle dit également, très clairement, que la seule façon d'indemniser un nettoyage ethnique est de demander au peuple qui a été expulsé s'il veut revenir ou non."
Source : Palsolidarity
Traduction : MR pour ISM
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