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Gaza - 21 juillet 2013
Par Asmaa al-Ghoul
Asmaa al-Ghoul est journaliste, elle vit dans le camp de réfugiés de Rafah, Bande de Gaza assiégée.
Le travail a cessé, les bétonnières se sont tues, et les ouvriers sont assis à l'ombre d'un bâtiment inachevé qui fait partie du projet d'école Mahfoud al-Nahnah, à l'ouest de Gaza-ville. Ils avaient espéré, pendant la première semaine d'interruption du chantier, que l'entrée des marchandises par les tunnels creusés entre la Bande de Gaza et l'Egypte reprendrait - les matériaux de construction pourraient alors arriver à nouveau dans la Bande, et ils pourraient terminer la construction de l'école. Mais la seconde semaine touche à sa fin sans que "le ciment, les granulats et l'acier" ne soient entrés à Gaza.
De nombreux ouvriers ont quitté le chantier de cette école publique commanditée par le Mouvement algérien de la société pour la paix et qui porte le nom de son dirigeant. Seuls quelques-uns sont restés, ainsi que le vigile de l'école, Ahmad Abu Amra, 45 ans, qui déclare à Al-Monitor : "C'est aujourd'hui la fin de la seconde semaine d'interruption de construction de l'école. Elle devait être terminée en avril prochain, mais nul ne sait quand elle ouvrira ses portes."
Montrant le premier étage terminé et la grille qui entoure l'école, Amra ajoute, "Il devait y avoir trois bâtiments, chacun composé de trois étages pour 36 salles de classe, dans lesquelles des cours de niveau préparatoire et primaire seraient enseignés à des filles. Mais le projet n'est pas près de se réaliser."
Le président de la Fédération des Entrepreneurs pour les provinces de Gaza, Nabil Abu Mualleq, a dit à Al-Monitor le 17 juillet que le coût des divers projets de construction que les entreprises ont interrompu depuis environ 2 semaines - en raison de la fermeture des tunnels qui a suivi les événements en Égypte - est estimé à près de 200 millions de dollars. Il a expliqué que parmi ces projets, il y a 39 écoles publiques, des immeubles résidentiels payés par des investisseurs privés, en plus d'organisations, maisons privées et travaux d'infrastructure.
Le projet d'école n'est pas le seul à pâtir de l'interruption de l'entrée des matériaux de construction à Gaza, deux semaines après la fermeture de presque tous les tunnels. Des centaines d'usines produisant des blocs de béton ont également cessé leurs activités.
Le 17 juillet, au Syndicat des Industries de la Construction, Al-Monitor a rencontré Nabil Shahbir, propriétaire d'une usine de béton prêt à l'emploi qui porte son nom. Il a dit que la crise actuelle l'a contraint à mettre au chômage technique plus d'une dizaine d'ouvriers. Il a ajouté que chacun d'entre eux était payé 23$ par jour (17€50), mais qu'il leur donne maintenant une avance de 12$ (9€) par jour, qu'il pourra continuer à leur verser pendant les trois prochains mois. Après ce laps de temps, si la crise continue, il sera obligé de les licencier.
L'usine de Shahbir a besoin de plus de 400 tonnes de ciment, de sable et de granulats par jour pour produire les blocs de béton prêts à l'emploi. Il a remarqué que les tunnels continuent à travailler en secret et pendant quelques heures seulement, pas plus de 4 heures le jour et 4 heures la nuit. En conséquence, les matériaux entrent dans la Bande de Gaza à des prix si élevés que l'usine ne peut pas les acheter. Shahbir explique également que les usines produisant du béton ne peuvent pas stocker de grandes quantités de ciment pendant de longues périodes parce que les propriétés du matériau changent et il devient inutilisable.
"Une tonne de ciment coutait environ 360 NIS (76€). Aujourd'hui, le prix a grimpé à 500 NIS (106€)," dit Shahbir. Il se souvient que pendant le siège de 2007-2008, le prix d'une tonne de ciment atteignait 1500NIS (319€), ce qui l'avait obligé à fermer son usine pendant plus de 18 mois.
Dans le même contexte, Farid Zaqqout, le directeur du Syndicat des Industries de la Construction, a dit que le syndicat traite avec toutes les usines ou installations du secteur privé impliquées dans la production de ciment, de carrelage, de marbre ou d'asphalte. Il a ajouté que la plupart des 450 usines ont cessé leurs activités, tandis que les autres travaillent à une capacité maximale de 20% depuis les deux dernières semaines et la fermeture des tunnels.
Pendant un entretien qui a eu lieu devant son bureau le 17 juillet, il a déclaré à Al-Monitor que la crise empirait, en particulier en raison de la pénurie de carburant qui n'entre plus dans la Bande - le carburant est nécessaire pour faire fonctionner les machines et les générateurs électriques lors des coupures de courant. Il a expliqué que la situation va provoquer de lourdes pertes allant jusqu'à des centaines de millions de dollars, principalement dans le secteur privé qui réalise des projets financés par des fonds internationaux et des investissements dans des immeubles résidentiels.
Si la crise continue, il pense que la demande en ciment va croître en raison du manque d'approvisionnement, ce qui va faire monter les prix et se reflète dans l'état de paralysie que subit l'industrie de la construction. Cela affectera aussi toutes les autres activités, comme les usines de béton prêt à l'emploi, les usines de carrelage ainsi que les secteurs des contractants, de la peinture, du bois et de la décoration d'intérieur, entraînant le chômage pour des dizaines de milliers d'ouvriers.
Zaqqout a en outre déclaré que la fermeture des usines de béton prêt à l'emploi avait laissé plus de 3500 ouvriers sans emploi. Il a appelé le Quartet et l'Union Européenne à intervenir pour résoudre la crise, comme faire pression sur Israël pour qu'il autorise l'entrée des matériaux de construction par les carrefours avec la Bande de Gaza sous son contrôle. Il a fait remarquer qu'Israël a empêché l'entrée de tous les matériaux bruts de construction, sauf le gravier qui est utilisé comme couche de base souterraine pour les routes - dont Israël autorise l'entrée à hauteur de 800 tonnes par jour.
Abu Muaileq est du même avis et a expliqué que depuis 2007, Israël a continué à dresser une liste des matériaux bruts de construction interdits, y compris le ciment et le fer. Seuls quelques organismes internationaux tels l'Unrwa sont autorisés à importer ces produits par le passage Karam Abu Salem, au sud de Gaza, pour réaliser des projets de construction. Sinon, la Bande de Gaza ne peut compter que sur les tunnels pour ses besoins.
Abu Muaileq a ajouté qu'environ 4000 tonnes de béton passaient par les tunnels chaque jour. Cette quantité a maintenant été réduite à quelques centaines de tonnes, à un moment où les besoins journaliers de la Bande sont estimés à environ 5000 tonnes. En conséquence, les entreprises sous-traitantes ont vu leur activité désorganisée à près de 80%.
Il a poursuivi en disant qu'au cours des dix derniers jours, sa fédération avait proposé des recommandations au consulat des Etats-Unis, à l'Union européenne et au Quartet, les appelant à mettre fin à la crise et à faire pression sur les Israéliens pour qu'ils ouvrent les points de passage vers la Bande de Gaza pour que les matériaux de construction puissent entrer par ces carrefours plutôt que par les tunnels. "Ils ont tous promis d'intervenir, et maintenant nous attendons le résultat," a déclaré Abu Muaileq.
Il a ajouté que les plus importants des projets de construction actuellement bloqués sont ceux financés par le Comité qatari pour la reconstruction de Gaza, qui a été créé après la guerre en coordination avec le gouvernement de Gaza. La plupart d'entre eux tournent autour de travaux d'infrastructure, avec la première étape de la construction déjà achevée pour la plupart des travaux routiers.
Il a souligné que la Fédération des Entrepreneurs avait informé le Comité qatari de la situation et lui avait demandé de reporter la réception des offres pour le reste des projets, étant donné les coûts élevés et le manque de matériaux de construction. Il a noté que les projets qui ont de fait été reportés sont l'hôpital Hamad, le quartier résidentiel Hamad et la route côtière Rashid.
Pour leur part, les ouvriers de la construction employés sur le projet de l'école Mahfoud al-Nahnah sont tous rentrés chez eux après avoir attendu avec impatience l'arrivée de tout véhicule lourd qui aurait transporté du béton ou du ciment et espéré qu'ils reviendraient dans leurs familles avec un peu d'argent pour payer les dépenses qui augmentent sans cesse pendant le mois de Ramadan.
Source : Al-Monitor Palestine Pulse
Traduction : MR pour ISM
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