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Gaza/Egypte - 23 novembre 2014
Par Asmaa al-Ghoul
Article publié sur Al-Monitor le 19 novembre 2014. Asmaa al-Ghoul est journaliste, elle habite dans le camp de réfugiés de Rafah, au sud de la Bande de Gaza.
J'avais prévu de faire un voyage de deux semaines avec mon fils, et il avait la permission de son école. Je pensais que ce voyage nous aiderait à oublier la dernière guerre contre Gaza. Mais nous sommes maintenant confrontés à une réalité encore plus dure. Nous sommes coincés, depuis le 5 novembre, dans une chambre d'hôtel au Caire. Nous n'avons pas pu prendre l'avion à Paris, car les compagnies aériennes desservant l'Egypte ont reçu l'ordre de ne pas autoriser les habitants de Gaza à monter à bord. Lorsque nous avons atterri à Istanbul pour prendre le vol pour le Caire, nous avons été maltraités. Nous avons eu l'impression d'être comme des écoliers punis. On nous a ordonné de nous mettre sur le côté pendant que les autres passagers passaient la porte, nous regardant avec curiosité.
Un soldat égyptien surveille le passage frontalier fermé de Rafah, entre le sud de la Bande de Gaza et l'Egypte, le 6 novembre 2014 (photo REUTERS/Ibraheem Abu Mustafa)
Maintenant que nous sommes au Caire, nous tentons d'épargner notre chagrin et notre argent. Ma fille Zeina, qui a deux ans et demi, me manque. L'histoire du "Vieil Homme et la mer" me revient sans cesse à l'esprit, je me sens comme le poisson que Santiago a attrapé et dont il ne ramène que l'arête au port. Savoir que des centaines de gens souffrent comme nous rend ma situation un peu plus facile à supporter.
Abu Abdullah Tafesh était devant l'ambassade palestinienne au Caire avec des centaines d'autres personnes qui se sont retrouvées coincées en Egypte suite à la fermeture du passage de Rafah, et il s'est mis à crier, "Ne partez pas, attendez jusqu'à ce que nous obtenions une réponse claire de l'ambassade au sujet du passage."
Tafesh a dit à Al-Monitor, "Je veux rentrer à Gaza. Ma famille et mes étudiants m'y attendent. J'enseigne l'éducation physique et cela fait un mois que je suis bloqué au Caire. J'habite chez des cousins, mais je sens qu'ils en ont assez que je sois chez eux depuis si longtemps."
Les autorités égyptiennes ont fermé le passage frontalier de Rafah entre la Bande de Gaza et l'Egypte le 24 octobre, pour des raisons de sécurité, après que 33 soldats ont été tués dans deux attaques distinctes dans la Péninsule du Sinaï.
Tafesh, qui semblait désespéré, a dit, "L'ambassade n'a aucune solution à aucune des crises."
Tafesh s'est à nouveau mis à frapper à la porte de l'ambassade, ce qu'Abu Ziad avait cessé de faire. Il s'est assis à côté de ses sacs et a déclaré à Al-Monitor : "Nous sommes venus ici à la mi-octobre pour soigner mon père qui souffrait d'une infection du sang. Une fois le traitement terminé, le passage frontalier était fermé. Depuis, nous allons chez nos amis et chez nos cousins, et nous avons le sentiment que nous sommes devenus un fardeau pour eux."
Abu Ziad explique qu'il n'a pas assez d'argent pour louer un appartement ou aller à l'hôtel, qui coûte au moins 20 dollars par jour. Maintenant, il doit porter ses sacs et s'asseoir, avec son père, devant la grille de l'ambassade. Il poursuit, "Je ne veux ni argent ni aide, je veux juste rentrer à Gaza pour voir mes enfants."
Dans un entretien, l'ambassadeur palestinien en Egypte, Jamal al-Shobaki, a dit à Al-Monitor, "Les Gazaouis sont les victimes des attaques terroristes qui ont eu lieu dans le Sinaï, comme les soldats qui y ont été tués." Il a ajouté que le fermeture du passage frontalier est intervenu dans le cadre de l'opération militaire dans le Sinaï, lieu d'une guerre contre le terrorisme.
Shobaki a ajouté que l'ambassade est en contact avec le ministre égyptien des Affaires Etrangères. D'après lui, le ministre a demandé à l'ambassade, le 13 novembre, de fournir une liste des Palestiniens coincés au Caire, en préparation de l'ouverture prochaine du passage.
"Jusqu'à maintenant, il y a plus de 3500 personnes bloquées à l'extérieur de Gaza, dont des patients, des invalides de guerre et des immigrants illégaux qui sont détenus," a dit Shobaki.
Il a souligné que 800 personnes sur les 3500 sont coincés à l'extérieur de l'Egypte, car les compagnies aériennes ne laissent pas embarquer les Palestiniens pour cette destination. Il a ajouté que toutes les compagnies aériennes seraient informées dès que le ministère des Affaires étrangères égyptien fixerait une date pour l'ouverture de la frontière.
Shobaki a expliqué que l'attaque contre les soldats a soulevé des craintes pour la sécurité des voyageurs, qu'ils soient Palestiniens ou Egyptiens. Il a répété, "Ils paient le prix du terrorisme qui provient de la région, bien que je ne dise pas qu'il vient de la Bande de Gaza.
Interrogé sur le mécanisme de sortie des voyageurs, Shobaki a répondu : "Le processus de sortie se fera sous surveillance stricte, en plein jour et selon des dispositions sécuritaires que les services de sécurité égyptiens jugeront appropriés." Il a souligné qu'ils ne veulent pas que les citoyens courent des risques pour leurs vies pendant les transports.
Shobaki a déclaré que lorsque l'Autorité palestinienne (AP) prendra le contrôle des points de passage et avec la présence de troupes à la frontière, le passage de Rafah sera ouvert en permanence. Il a ajouté, "Le Hamas, en tant que gouvernement de facto à Gaza, sait que c'est la condition égyptienne pour l'ouverture du passage. Il l'entend tous les jours. Pourtant, il ne répond pas à ces exigences."
J'ai réalisé des interviews via Facebook avec un certains nombre de gens coincés en dehors de l'Egypte, dont Mazen Salem, un commerçant. Il a dit, "Je suis bloqué en Chine depuis plus de 20 jours. Lorsque j'ai décidé de rentrer au Caire, les compagnies aériennes égyptiennes m'en ont empêché, et j'ai dû reporter mon vol. Bien que j'ai un visa turc, les compagnies aériennes égyptiennes ne vont même pas me laisser atterrir au Caire pour prendre un vol pour la Turquie."
Il en va de même pour Haneen Othman, journaliste au Centre pour la liberté des médias à Doha. Elle était enceinte de cinq mois lors de son voyage au Qatar pour une formation. Elle y est maintenant bloquée, et en sera bientôt à son sixième mois de grossesse. Elle va peut-être encore attendre l'autorisation de monter à bord d'un avion.
Othman a dit à Al-Monitor, "J'attends mon premier enfant, et j'ai très peur. J'ai besoin de mon mari et de ma famille à mes côtés."
Une source haut placée à l'Autorité palestinienne, qui a parlé à Al-Monitor sous couvert d'anonymat, s'est dit choquée d'apprendre le nombre de Gazaouis coincés en Egypte et dans d'autres pays. La source a noté que l'AP a donné de l'argent à un grand nombre de gens bloqués à l'extérieur de Gaza par l'intermédiaire de l'ambassade en Egypte et a fourni des recommandations médicales.
La source a dit à Al-Monitor que les autorités égyptiennes envisageaient l'ouverture du passage un jour par semaine, mais le directeur des passages frontaliers à Gaza, Maher Abu Sabha, nommé par le Hamas, a refusé cette proposition dans un communiqué aux médias, ce qui a poussé les autorités à ignorer la question.
Voilà l'un des rares moments où je me suis sentie vraiment déprimée, et je commence à croire que la douleur nous est réservée. Quel citoyen au monde est interdit de rentrer chez lui, à part les habitants de Gaza ? Quel citoyen au monde est traité avec une suspicion fondée sur son passeport, à part les habitants de Gaza ? Quelle ville au monde a ses frontières nord et sud occupées par deux armées différentes, avec pour excuse la guerre contre le terrorisme ? Il n'y a que Gaza.
Source : Al Monitor
Traduction : MR pour ISM
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