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Jérusalem - 8 avril 2009
Par Jeff Pickert
Jeff Pickert est américain, il travaille en Cisjordanie et à Jérusalem Est depuis quatre mois.
“Nous sommes comme les racines d’un arbre. Les Israéliens peuvent nous tailler sur place, mais nous ne mourrons jamais. On ne nous transplantera pas en dehors de Jérusalem. Nous ne quitterons pas cette maison, » dit Maher Hanun à une salle bondée des membres de la communauté palestinienne, soutenue par des militants de la solidarité internationaux et israéliens. Hanun est un des 51 résidents du quartier Sheikh Jarrah, à Jérusalem Est, vivant dans deux immeubles promis à une expulsion imminente par les autorités israéliennes.
Un membre de la famille al-Ghawe à côté d'une pancarte dans sa maison menacée du quartier Sheikh Jarrah. Sur la pancarte : "Nous ne quitterons jamais notre maison" (photo Jeff Pickert)
L’ambiance est tendue, alors que plus de 25 personnes se sont entassées dans une petite pièce de la maison des Hanun pour réfléchir à la manière de combattre les expulsions de maisons. Les habitants palestiniens, regroupés sous le Comité Sheikh Jarrah, ont invité les militants de la solidarité à venir soutenir leur lutte. Des internationaux de plus de 10 pays et des Israéliens sont assis, sur des chaises ou par terre, pendant que Hanun leur raconte son histoire. Après son discours, ils se divisent en groupe pour couvrir les deux immeubles menacés. Les familles comme les militants réunis en soutien sont déterminés à rester dans les maisons aussi longtemps que possible lorsque la police arrivera pour procéder aux expulsions.
Les résidents de ces appartements, qui appartiennent aux familles al-Ghawe et Hanun, doivent être expulsés cette semaine, puisque les documents de la cour israélienne qu’on leur a remis sont valides entre le 15 et le 22 mars. Les tribunaux ont justifié ces expulsions en disant que la terre sur laquelle les maisons sont bâties est contestée. Pourtant, les maisons ont été construites selon un projet conjoint de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) et le gouvernement jordanien en 1956, 11 ans avant qu’Israël occupe Jérusalem Est. Les maisons ont été données aux deux familles, qui étaient des réfugiés de 1948, après que les Palestiniens vivant dans ce qui est devenu l’Etat d’Israël aient été expulsés et dépossédés, pendant ce que les Palestiniens appellent la Nakba, ou catastrophe.
Aujourd’hui, ces familles sont sous la menace d’une autre Nakba. Les colons israéliens qui ont déménagé à Sheikh Jarrah ont falsifié les documents qui revendiquaient la propriété de la terre. Les familles Hanun et al-Ghawe ont présenté leurs papiers officiels et un juge israélien n’a pas encore statué sur la légalité de ces documents. Pourtant les ordres d’expulsion sont en cours, même bien qu’aucune décision officielle n’ait été prise sur qui les tribunaux israéliens reconnaissent comme véritables propriétaires.
Les familles Hanun et al-Ghawe ont été expulsées par la force une fois auparavant, en 2002, après quoi elles ont vécu sous des tentes pendant quatre mois, à côté de leurs anciennes maisons. Cette expérience traumatique reste un souvenir vivace pour les enfants des familles. Alors qu’ils se préparent à être expulsés une deuxième fois, la détresse et l’appréhension, dans les deux foyers, sont palpables. Les membres de la famille ont passé de nombreuses nuits sans sommeil, attendant la police, ne sachant jamais exactement quelle nuit elle arriverait. Les femmes racontent souvent comment la police a jeté par une fenêtre du deuxième étage leurs enfants, petits, lorsqu’ils ont été expulsés la dernière fois.
En plus des familles al-Ghawe et Hanun, 25 autres foyers sont également menacés d’expulsion à Sheikh Jarrah, bien que les tribunaux israéliens n’aient pas encore émis les ordres officiels. En novembre 2008, la famille al-Kurd a été expulsée de chez elle, au milieu de la nuit, en dépit d’un soutien public très large et des pressions des diplomates américains et européens sur les Israéliens pour stopper les ordres d’expulsion. La famille al-Kurd a érigé une tente de protestation au milieu de Sheikh Jarrah, d’où elle continue à demander le droit au retour chez elle. La police israélienne a démonté la tente cinq fois, aux motifs que c’était une « structure illégale », même si elle était dressée sur une propriété palestinienne privée.
Aujourd’hui, avec la menace d’expulsion toujours au-dessus de leurs têtes, les membres de la communauté de Sheikh Jarrah s’organisent. « Arrêt du nettoyage ethnique » est le message principal aux autorités israéliennes et à la communauté internationale au sens large. On voit ces mots sur de grandes affiches accrochées aux fenêtres des magasins du quartier, au-dessus des portes d’entrée des résidences des familles al-Ghawe et Hanun, ainsi que sur des T-shirts que les organisateurs ont distribué dans la communauté.
La semaine passée a vu une intense activité dans le voisinage. Le Comité Sheikh Jarrah, soutenu par la Coalition pour Jérusalem, par le Mouvement International de Solidarité (ISM), et d’autres organisations pour les droits de l’homme, ont utilisé toute une série de tactiques pour combattre les ordres d’expulsion. Pendant la semaine, des dignitaires de nations étrangères, des journalistes, des représentations consulaires de nombreux pays européens, et même des membres de la Knesset ont tous visité les maisons et la tente de protestation pour exprimer leur soutien aux habitants de Sheikh Jarrah. Le Comité a tenu des conférences de presse, des manifestations devant les tribunaux et a distribué des tracts condamnant les ordres.
La communauté a aussi essayé d’accueillir un événement dans le cadre du Festival Jérusalem Capitale de la Culture arabe à la tente de protestation le 23 mars. Les autorités israéliennes ont interdit le festival à Jérusalem Est occupé, pourtant les organisateurs ont continué à défier l’interdiction pour célébrer le riche héritage palestinien de Jérusalem. Les habitants de Sheikh Jarrah se sont aussi rassemblés pour protester contre les expulsions de maison en plus de la répression accrue des communautés palestiniennes à Jérusalem Est. La police a violemment empêché les résidents de Sheikh Jarrah de prier devant la tente, pendant le Festival. Les participants ont été bastonnés et huit personnes ont été arrêtées. La semaine suivante, un autre résident a été arrêté par la police à l’intérieur de la tente pour avoir refusé d’enlever le drapeau palestinien qui avait été tendu à l’intérieur.
Les membres du Comité Sheikh Jarrah considèrent leur lutte contre l’expulsion comme partie de la lutte plus importante contre la tentative de déposséder les Palestiniens de Jérusalem Est. Les quartiers voisins de Silwan, Beit Hanina et le camp de réfugiés de Shufat sont aussi confrontés à des démolitions de maison et des expulsions à grande échelle. Les habitants d’Al-Bustan ont érigé une tente de protestation semblable à celle de Sheikh Jarrah, et ce mode de résistance semble s’étendre.
Pour l’heure, les familles et les militants qui les soutiennent attendent chaque nuit que la police arrive. Ils se relaient pour qu’il y ait toujours quelqu’un d’éveillé dans chaque maison, qui alarmera la communauté lorsque les autorités israéliennes arriveront. Certains des membres des familles ont enlevé tous leurs meubles pour anticiper les raids à venir, mais ils continuent à dormir sur des matelas à même le sol. Le message est clair : une telle injustice ne se passera pas tranquillement.
Source : Electronic Initifada
Traduction : MR pour ISM
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