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Gaza - 28 décembre 2011
Par Ruqaya Izzidien
Article original paru sur Al-Akhbar le 24 décembre 2011.
Ce Noël marque le troisième anniversaire de la guerre israélienne contre la Bande de Gaza, en 2008-2009 ; un hiver au cours duquel Ramy El-Jelda, 19 ans, a vu sa maison bombardée juste deux jours après Noël. Il y est revenu quelques jours après pour trouver les décorations de Noël éparpillées dans la rue. "Les boules et les clochettes étaient par terre. L'arbre avait été soufflé hors de la maison, il était dans la rue. Nous nous sommes mis à pleurer. C'est comme ça que nous avons célébré Noël en 2008."
Aujourd'hui, le petit nombre d'arbres de Noël qui ornent Gaza sont surtout en plastique et limités aux foyers chrétiens, aux halls d'hôtels et aux restaurants chics.
Dabka à l'église chrétienne de Gaza
Le blocus israélien laisse les guirlandes des arbres de Noël dans une obscurité fantomatique pendant les huit heures de coupures de courant quotidiennes.
Pour Ramy et les 3000 membres de la communauté chrétienne à Gaza, les fêtes de Noël vont main dans la main avec l'isolement et les restrictions de voyage à Bethléem, malgré les affirmations publiques israéliennes du contraire.
Mais cette année porte l'espoir d'une fête plus heureuse, malgré les obstacles auxquels les Chrétiens de Gaza continuent d'être confrontés.
"Noël aide les enfants à se souvenir qu'ils sont jeunes," explique Ramy, décrivant les traditions de la communauté orthodoxe grecque, qui fête Noël le 7 janvier. "Le jour de Noël, nous allons chez ma grand-mère et toute la famille partage le repas. C'est un petit Eid mais nous le célébrons pendant trois jours, en allant les uns chez les autres."
Jaber el-Jelda, un cousin éloigné de Ramy, est directeur de l'Eglise orthodoxe, une des quelques églises de Gaza avec l'Eglise baptiste et l'Eglise catholique de la Sainte Famille. Il explique comment la communauté chrétienne orthodoxe marque l'occasion.
"Nous organisons une fête le 1er janvier et nous offrons des cadeaux aux enfants, nous célébrons Noël par des chants, des chansons folkloriques et la Dabka, la danse traditionnelle palestinienne. Nous, ainsi que les membres des églises baptistes et catholiques, participons aux célébrations des autres communautés. Nous ne faisons qu'un."
Bien que Noël à Gaza ressemble à sa représentation dans les autres pays, les échos sont extrêmement superficiels, explique Ramy. "Nous installons un arbre à la maison et le décorons de clochettes. Nous mettons des cierges et du houx autour de la maison et les enfants reçoivent de l'argent en cadeau, appelé 'eideyya'."
Ramy pense que Noël à Gaza est déconnectée des festivités à l'extérieur du siège. "Noël est différent à Gaza ; c'est une fête locale, elle n'est pas liée à Noël à l'extérieur. Nous n'avons pas vraiment de Père Noël et ce n'est pas comme les Noëls que j'ai vus dans les films."
Bethléem interdite : la façade de tolérance d'Israël
Noël, pour les Palestiniens de Gaza, comporte bien plus de complications que les emballages complexes et les décorations d'arbres. En tant que petite minorité dans l'enclave côtière, la communauté chrétienne de Gaza devrait traditionnellement se rendre à Bethléem, Jérusalem ou Ramallah pendant la période de fêtes pour rejoindre la famille et la communauté dans une célébration complète.
Ramy décrit comment tous les Chrétiens étaient jadis autorisés par le gouvernement israélien à aller en Cisjordanie pour Noël. "Maintenant, ils ne donnent de permis qu'à très peu de gens et vous devez avoir plus de 35 ans et moins de 16. Invariablement, si les parents reçoivent l'autorisation, pas leurs enfants, et vice versa."
C'est un créneau exploité par les autorités israéliennes, pensent de nombreux Palestiniens. Elles ont annoncé que 500 Chrétiens seraient autorisés à célébrer Noël dans les lieux saints, comme "geste de bonne volonté". Mais en pratique, très peu de ceux qui pourraient avoir l'autorisation obtiennent le droit de faire les 60kms de Gaza à Jérusalem, et ceux qui l'ont doivent faire le sacrifice d'un Noël avec leurs familles.
Jaben a renoncé à demander un permis parce que ses fils sont toujours à l'université et se verront donc automatiquement refuser les droits à circuler. "Mon oncle et mes cousins vivent à Ramallah, mais je ne peux pas fêter Noël avec eux parce que mes enfants ont plus de 16 ans, ils sont trop âgés pour les permis. Comment pourrais-je quitter Gaza pour fêter Noël si je ne peux pas emmener mes enfants ? C'est ridicule."
On ne peut même pas se fier au processus d'obtention des permis, explique Jaber. "Mon frère a 52 ans et voulait aller en Cisjordanie pour Noël. Les autorités israéliennes viennent de lui dire que 'bien que nous sachions que vous n'êtes pas un terroriste, nous ne voulons pas de vous en Israël'. Il a travaillé en Israël pendant 25 ans."
C'est pour cette raison que Ramy considère que la machine à propagande israélienne exploite la communauté chrétienne. "Le gouvernement israélien fait ça pour profiter de nous, de manière à pouvoir dire qu'il a autorisé les Chrétiens à aller à Bethléem pour Noël, mais en fait, nous ne pouvons pas y aller. Ils nous exploitent pour améliorer leur image."
Jaber souligne combien la communauté chrétienne de Gaza souffre des pratiques des autorités israéliennes à d'autres moments de l'année aussi. "Notre prêtre et notre archevêque grecs ont des problèmes pour quitter Gaza, même avec leurs passeports diplomatiques. Ils doivent passer par Israël mais quelquefois, l'accès leur est refusé."
Les relations entre les Musulmans et les Chrétiens
Ramy étudie à l'université islamique gérée par le Hamas, comme nombre d'étudiants chrétiens à Gaza. On lui a proposé une place à l'Université Birzeit, mais il a été obligé de poursuivre ses études à Gaza car Israël lui a interdit d'aller étudier en Cisjordanie .
Malgré cela, il apprécie l'Université islamique et dit qu'il est exempté de certains cours, comme l'étude du Coran, pour respecter sa foi. "Tous mes amis sont musulmans. Je me moque de savoir si mes amis sont chrétiens ou non. Mes amis musulmans ici à Gaza me souhaitent un joyeux Noël et viennent me voir à cette occasion. Ce que les médias disent sur les Arabes et l'intolérance est faux."
Jaber dit que les relations entre les Musulmans et les Chrétiens sont très bonnes en général, même si son église a été visée, ce qui est rare. "Il y a quatre mois, les cordes des cloches de notre église ont été coupées, mais maintenant tout va bien. Le gouvernement a dit à la communauté de nous laisser tranquilles, et cela a aidé."
Il souligne que de telles attaques sont désagréables mais qu'elles ne sont pas représentatives des Musulmans de Gaza dans leur ensemble. "Il y a une minorité de gens qui crée des problèmes ; la plupart des gens nous comprennent et pensent que nous avons notre religion, et qu'ils ont la leur."
Rana Baker est une Palestinienne musulmane qui a fait ses études à l'Ecole catholique de la Sainte Famille à Gaza-ville. "Ce fut une expérience formidable ; à l'école, mes camarades de classe chrétiennes jeûnaient avec nous pour Ramadan et nous fêtions Noël avec elles. Nous avions des livres islamiques et elles avaient des livres chrétiens. Je n'ai jamais vu aucune discrimination et, en tant qu'étudiantes, nous n'étions jugées qu'en fonction de nos résultats scolaires."
Rana remarque que, même s'il n'y a pas beaucoup de célébrations, la saison des fêtes est une de celles qui sont marquées et appréciées à Gaza, même par les Musulmans. "J'aime vraiment Noël, j'aime être avec mes amis chrétiens à ce moment de l'année. Je leur souhaite un joyeux Noël et ils font de même pour moi, pour l'Eid. Les relations entre Musulmans et Chrétiens à Gaza sont vraiment bonnes. La Palestine est un des rares endroits qui reste où les Musulmans et les Chrétiens sont très proches. Nous sommes frères et sœurs."
Photos de la communauté et des églises chrétiennes à Gaza.
Source : Palsolidarity
Traduction : MR pour ISM
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