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Cisjordanie occupée - 4 novembre 2016
Par Maram Humaid
Maram Humaid est traductrice et journaliste, elle vit à Gaza.
Pour Samira Shawamreh, le prix à payer pour le traitement de son cancer fut qu’elle et son mari ont dû divorcer. En 2014, on lui a diagnostiqué un cancer de l’intestin. Pour le traitement, il a fallu qu’elle aille régulièrement d’Hébron, où elle vivait alors, vers des hôpitaux à Jérusalem et à Beit Jala, également en Cisjordanie occupée. Lorsqu’elle s’y rendait, elle était fréquemment arrêtée aux checkpoints militaires israéliens. Elle était quelquefois bloquée pendant plusieurs heures avant d’être autorisée à continuer. Il est également arrivé qu’on lui dise qu’elle ne pouvait pas aller plus loin.
Ahmad Nattat, photo Maram Humaid
Pour les soldats israéliens en poste aux checkpoints, la carte d’identité de Samira portait le nom d’un « terroriste ». Le nom en question était celui de son mari Ahmad Nattat.
En 2011, Ahmad a été arrêté par les forces israéliennes au pont Allenby entre la Jordanie et la Cisjordanie .
Il a été interrogé pendant plus de 60 jours. Au cours de cette période, il a été accusé d’implication dans la résistance armée contre l’occupation israélienne lorsqu’il vivait auparavant en Cisjordanie . Ahmad a été aussi accusé d’avoir mené et aider des attaques « terroristes » et de refuser de fournir des informations à des questions sur des gens recherchés par Israël.
Il a été reconnu coupable des accusations portées contre lui. Il a d’abord été condamné à 8 ans d’emprisonnement. Mais après que son avocat ait fait appel, la peine a été réduite à 2 ans, a déclaré Ahmad à The Electronic Intifada.
Supplice
Samira a énormément souffert aux checkpoints israéliens. « Je ne pouvais même pas tenir debout, » dit-elle.
Pour mettre fin à son supplice, il fallait que le nom d’Ahmad soit retiré de sa carte d’identité. Cela requérait un divorce.
« Demander le divorce est la décision la plus dure que j’ai jamais eu à prendre, » a dit Samira par téléphone. « Mais la grave détérioration de mon état de santé m’y a obligée. »
Samira (37 ans aujourd’hui) et Ahmad (38 ans aujourd’hui) se sont rencontrés à Ramallah, en Cisjordanie . Ahmad, qui a grandi à Gaza, a déménagé à Ramallah en 2000 pour chercher du travail. Il a trouvé un emploi dans un supermarché, où il a rencontré Samira. Le couple s’est marié en 2001.
Quatre ans plus tard, Ahmad et Samira sont allés vivre à Gaza. Elle a commencé à ressentir des douleurs à l’estomac en 2009. Elle a été opérée dans un hôpital de Gaza, mais ensuite son état a empiré.
Voyages interdits
Ils ont alors essayé d’aller ensemble en Cisjordanie pour que Samira ait d’autres examens et traitements. Après de nombreuses tentatives, les autorités israéliennes ont accordé à Samira une autorisation de voyage. Mais pas à Ahmad.
Le couple a dû passer les deux années suivantes séparé. Ahmad n’a cessé de faire des demandes d’autorisation pour aller voir Samira, qui vivait à Hébron. Israël a continué de les lui refuser.
Finalement, dans l’espoir de retrouver Samira, il a tenté de contourner l’obstacle. Il a quitté Gaza, a traversé l’Egypte puis a tenté d’entrer en Cisjordanie par la Jordanie. Son arrestation au pont Allenby fut un choc.
Ahmad admet qu’il a caché chez lui, au cours des premières années de ce siècle, quelques personnes impliquées dans la résistance armée contre Israël. Mais il n’a eu aucune implication directe dans la résistance armée, dit-il.
« Les accusations portées contre moi par le tribunal israélien étaient pour la plupart fausses ou exagérées, » précise-t-il.
Samira n’a pu voir Ahmad que trois fois lorsqu’il était emprisonné par Israël. A sa libération, il a été renvoyé à Gaza.
Quand il a appris le diagnostic de Samira et comment Israël empêchait son traitement, Ahmad en est arrivé, à contrecœur, à la conclusion qu’il fallait qu’ils divorcent. « J’ai fait tout ce que j’ai pu pour empêcher que cela se produise, » dit-il. « Mais elle avait besoin d’urgence d’être soignée. »
« Des heures sombres »
Samira dit que le fait d’être loin d’Ahmad a augmenté son angoisse pendant le traitement. « La présence d’Ahmad à mes côtés et son aide me manquent, dans ces heures sombres, » dit-elle.
Ils sont toujours très amoureux. Malgré le divorce, ils discutent constamment par téléphone. Ahmad a enregistré le numéro de Samira dans son portable sous le nom de « habibti », « chérie » en arabe.
Les derniers mois ont été particulièrement difficiles car la mère de Samira, chez qui elle vivait à Hébron, est morte récemment.
« Je me sens très seule, » dit Samira. « J’espère que je vais pouvoir retrouver Ahmad. Mais c’est encore très difficile de revenir à Gaza. Mon traitement n’est pas terminé. »
Samira et Ahmad ont demandé l’aide de leaders politiques palestiniens, de groupes de défense des droits de l’homme et du Comité international de la Croix-Rouge. Ils se rendent compte qu’être autorisés à vivre ensemble sera un rude combat.
Cela fait des décennies qu’Israël déchire des familles palestiniennes. Israël restreint la circulation palestinienne entre la Cisjordanie et Gaza depuis 1988.
Cette politique est devenue de plus en plus sévère. A l’heure actuelle, la politique déclarée d’Israël est que le voyage entre la Cisjordanie et Gaza est autorisé « seulement dans des cas humanitaires exceptionnels, en particulier les cas d’urgence médicale. » Israël ne reconnaît pas que les couples mariés ont le droit de vivre ensemble.
Sans le nom d’Ahmad sur sa carte d’identité, Samira peut maintenant passer les checkpoints israéliens plus facilement.
« Je peux circuler librement entre les hôpitaux de Jérusalem et la Cisjordanie , » dit Samira. « Quel prix avons-nous dû payer pour gagner cette liberté ! »
Source : The Electronic Intifada
Traduction : MR pour ISM
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