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ISM France - Archives 2001-2021

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Ramallah -

Oublier l'Occupation, presque

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Je regardais par la fenêtre de mon bureau aujourd'hui, situé au septième étage de ce bâtiment qui est également un centre commercial en plein milieu de Ramallah.
J'observais un groupe de conducteurs de taxis assis sur des tabourets devant leurs voitures qui sirotaient le thé et écoutaient de la musique.
Tous les magasins étaient ouverts, et on aurait dit que la ville entière avait décidé d'aller faire des courses pendant la pause de midi.

Si je me penchais à la fenêtre, je pourrais probablement voir le Stars and Bucks Cafe en bas de la rue, mais je n'allais pas m'y risquer depuis cette hauteur.


En regardant les toits des appartements, j'ai remarqué qu'ils avaient tous des antennes de télévision par satellite aux côtés des citernes noires qui récupèrent l'eau pour chaque famille.

Deux filles étaient au milieu de la rue, en essayant clairement d'attirer l'attention du garçon âgé d'une quizaine d'années qui traînait derrière.
Elles ressemblaient à n'importe quelles adolescentes : jeans, T-shirts à la mode, boucles d'oreille créoles, et sacs qui faisaient beaucoup trop adultes pour elles.

J'ai jeté un coup d'oeil sur mes chauffeurs de taxis buveurs de thé juste au moment où l'un d'entre eux s'étirait. Son angle a changé, révélant l'absence d'une jambe et un bras invalide. Je me suis souvenue des images que j'avais vues de cette ville, il y a seulement quelques années quand elle était sous couvre-feu 24 heures sur 24 et saturée de tanks israéliens.

l est difficile de le croire, en regardant maintenant les rues trépidantes avec ses citoyens affairés dans les choses de la vie quotidienne. Chaque fois que je commence à me sentir à l'aise dans cette ville, chaque fois que je vais oublier que je vis dans une terre occupée, toute la souffrance de la Palestine que le scintillement et le flamboiement de Ramallah parviennent à cacher revient à la surface.

Je vis dans le "secteur A" de la Palestine, où les tanks et les soldats ne batifolent pas comme ils le font dans les villages.
Ces temps-ci, la majeure partie de la Palestine est affamée, mais c'est comme si tout l'argent du pays se trouvait dans la ville de Ramallah.

Cela m'a donné la fausse impression que les Palestiniens pouvaient vivre leurs vies exemptes d'oppression seulement s'ils vivaient dans les villes.

L'autre jour, je parlais avec mon ami au sujet de Bethléem et de la longue durée du voyage pour s'y rendre depuis Ramallah, bien qu'elle soit très voisine. Il m'a dit : "J'adore Bethléem, mais je ne veux plus y aller maintenant. Pourquoi voudrais-je voyager par tous ces points de contrôle et avoir un gosse de 15 ans (semble-t'il) pointer son arme sur mon visage et décider si je peux passer. Je préfère rester ici."

Je pense que la réalité de l'occupation est inévitable, peu importe l'endroit où vous vous cachiez.

Depuis deux jours maintenant que je suis arrivée au bureau, je me suis immergée en prenant connaissance des complexités du système des tribunaux militaires israéliens et de la vie que les prisonniers palestiniens doivent supporter. Tout ce que je lis me semble à des milliers de kilomètres, mais en réalité, c'est juste sous mes yeux.

Il y a deux jours, la mère de l'un des clients de notre organisation est morte. Il est emprisonné depuis un certain nombre d'années et les avocats ont déposé une demande pour qu'il soit libéré afin d'assister à l'enterrement. Sans surprise, leur demande a été refusé.

Alors que les prisonniers israéliens sont autorisés à parler avec leurs familles, à recevoir les visiteurs de façon régulière, et à prendre même des "vacances" pour assister à des mariages et à des enterrements, cet homme n'a même pas été autorisé à appeler sa famille afin de présenter ses condoléances.

La nuit dernière, mes amis et moi sommes partis en voiture à l'extérieur du centre de la ville pour passer une soirée agréable dans un café. Nous sommes montés sur le haut de la colline et nous avons observé la vue sur Ramallah. Notre ami nous a montré la grand-route où seuls les colons israéliens sont autorisés à circuler et il a attiré mon attention sur le camp militaire d'Ofer.

C'est l'un de 27 centres de détention où sont détenus des prisonniers palestiniens dont cinq sont situés en Cisjordanie .

J'avais lu cet après-midi que les prisonniers d'Ofer dorment dans des hangars imprégnés d'huile qui étaient utilisés, par le passé, pour stocker les véhicules militaires israéliens.

Les prisonniers doivent souvent acheter leur propre nourriture, ou compter sur leurs familles pour leur apporter des repas quand elles viennent leur rendre visite.

Cependant, la plupart des prisonniers ne peuvent pas se permettre d'acheter de la nourriture, et tous les membres des familles ont été interdits de rendre visite à leurs fils et filles depuis la capture d'un soldat israélien dans Gaza, il y a plusieurs mois.

Mes nouveaux employeurs m'ont expliqué que forcer les détenus à acheter leur propre nourriture dans les cantines des prisons est seulement l'une des nombreuses façons que le gouvernement israélien a trouvé pour profiter des milliers de Palestiniens qu'ils ont capturés ces dernières années.

Apparemment, les prisonniers sont également forcés de payer des amendes pour toutes les petites infractions qu'ils commettent, comme casser une chaise ou hurler trop fort dans leur cellule.

Les prisonniers palestiniens ont payé l'année dernière plus de 3 millions de dollars seulement en amendes. Je m'étais toujours demandé comment Israël pouvait avoir les moyens d'effectuer ces campagnes massives d'arrestation arbitraires.
Maintenant je le sais.


Après une magnifique soirée au café, je suis retournée chez moi pour boire encore un café sur mon balcon.

Par la fenêtre, je pouvais voir le fils de mon voisin regarder la télévision et laver la vaisselle de sa mère dans l'évier. Les jeunes adolescents de Ramallah étaient toujours dehors dans les rues, certainement pour aller à une fête ou dans un bar.

Un gros projecteur a balayé la ville, suivant les voitures et illuminant les fenêtres de chaque maison. J'ai suivi le faisceau de lumière jusqu'au dessus de la colline.

C'est là où se trouve la colonie israélienne de Psagot, avec son ensemble d'appartements conçus de façon identique.

Chaque nuit cette semaine, le commissariat de police à l'intérieur de la colonie a braqué un projecteur sur Ramallah, et je suis sûre qu'il continuera chaque nuit que je serai ici. Un rappel de plus que le destin de Ramallah n'appartient pas à ses citoyens, ou même à sa municipalité.

A chaque fois que je marche sur des traces de tanks en me rendant à mon travail, je suis obligée de sortir de mon brouillard de la normalité.

A chaque fois que je rencontre un nouveau collègue et que je vois la marque de la balle qui a traversé son bras, cela me rappelle ce que signifie que d'être un Palestinien.

Et chaque fois que je vais passer le week-end dans la belle ville de Jérusalem tandis que mes nouveaux amis sont forcés de rester à la maison, je me rappelle ce qui m'a conduit à venir ici.


Le checkpoint de Qalandia filmé de l'intérieur (durée 6 mn)

Source : http://www.palsolidarity.org/

Traduction : MG pour ISM

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