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Gaza - 15 janvier 2014
Par ISM-Gaza
Témoignage du 28 décembre 2013.
Décembre est la saison des semailles pour les fermiers de la Bande de Gaza. Mais pour ceux dont les champs sont situés près de la clôture israélienne, c'est hautement dangereux. Effectivement, nous venons d'apprendre qu'il y a une heure, un jeune Palestinien de 18 ans qui vérifiait ses filets pour la chasse aux oiseaux ici à Khuza'a, au sud de la Bande de Gaza, a été blessé par des tirs. Vendre des petits oiseaux permet de gagner un peu d'argent, mais transforme aussi le chasseur en chassé. Celui-ci a eu de la chance, il s'en sort avec une journée d'hôpital.
Il ne faut pas s'y tromper, notre présence et nos gilets jaunes est souhaitable. Certains d'entre nous montent dans les tracteurs pour protéger les chauffeurs, tandis que les autres se mettent en ligne entre le champ et la clôture israélienne. Ici, les champs étaient jadis séparés par des oliviers ou d'autres arbres fruitiers, ils ont été dévastés par les bulldozers israéliens. Aujourd'hui, les Palestiniens ne peuvent semer que du blé, une culture qui ne demande pas de soins quotidiens.
Les champs à labourer ne sont pas très étendus, et après les avoir semés, nous nous sommes approchés de la "barrière". Nous avons vu les barbelés déployés en grands cercles le long de la clôture, les tours avec les mitrailleuses, les grands monticules de terre et les tanks derrière eux, les jeeps militaires qui s'arrêtent un instant avant de continuer. Mais nous avons également vu, derrière tout cela, des champs verdoyants, où l'irrigation est autorisée. Le contraste est impressionnant.
Le travail nous emmène de plus en plus près de la barrière. Des militants en gilets jaunes sont toujours assis dans les tracteurs, mais le reste d'entre nous ne forme plus une rangée. Nous sommes maintenant très près de la clôture, alors nous marchons directement à côté de ceux qui sèment à la main. Partout ailleurs dans le monde la scène serait drôle, mais ici, elle est extrêmement sérieuse. A peut-être 70/80 mètres de la clôture, la terre est complètement ravagée par les bulldozers et les chars. Il y a partout les traces profondes des chenilles, certaines datent du début de la semaine, nous dit-on.
Les tracteurs ne peuvent pas labourer ici, et les agriculteurs n'essaient pas non plus. Ils ne peuvent qu'espérer que l'armée israélienne ne saccage pas leurs champs de blé avant la récolte. Elle l'a déjà fait par le passé, et il est plus que probable qu'elle recommencera.
A la fin de la journée, nous nous éloignons de la clôture. Cette fois, les soldats n'ont pas tiré une seule balle sur nous. Mais j'en trouve une par terre, une qui n'a pas trouvé sa cible, et je montre aux autres mon souvenir israélien. Mais personne ne réagit vraiment. Quelqu'un balaie les champs d'un geste du bras : il y a tant de différentes sortes de munitions tirées ici.
J'essaie de comprendre comment raisonne le soldat qui a tiré plus tôt ce matin. Qu'est-ce qui l'a poussé à tirer ? A-t-il pensé qu'il faisait son devoir, cru qu'il a effacé une menace potentielle à l'Etat d'Israël ? A-t-il reçu une tape sur l'épaule de la part de son commandant, ou des accolades de ses pairs à la caserne ? Quand il rentrera chez lui, sa mère fière de lui va-t-elle lui servir son plat favori, et son père ouvrira-t-il le placard interdit pour l'inviter à gouter quelque chose de plus fort, maintenant qu'il est devenu un homme ?
Mais surtout, je me demande ce qui les pousse à penser que les fermiers qui sèment à la main sont vraiment une menace qui oblige les soldats à leur tirer dessus. Qu'est-ce qui leur fait si peur qu'ils se réfugient dans des tours de garde à l'épreuve des balles ou des chars ? Comment l'Etat d'Israël peut-il être protégé en défonçant au bulldozer les champs des Palestiniens et en détruisant leurs cultures ? Et comment amener une nation entière à croire que ces fermiers sont une menace à son existence. Je ne comprends pas. Mais je comprends que notre présence peut faire la différence entre la vie et la mort.
Source : Palsolidarity
Traduction : MR pour ISM
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