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Jénine - 12 septembre 2007
Par ISM
Cela devait être un reportage sur ces surréalismes que vous ne voyez probablement qu'en Palestine. Au sujet de la tension d'une visite nocturne dans un café internet qui s'est terminée par l'arrivée des Forces de Sécurité.
Une histoire au sujet de l'absurdité d'une nuit, où chaque jeep qui passe dans une rue sombre est remplie d'hommes masqués, armés de kalachnikovs, qui vous saluent d'un amical as-salem alaikum.
Au sujet de l'humeur d'une nuit, où malgré la présence de combats qui durent des heures, on peut voir des gosses de 9 ans se promener sur des bicyclettes roses.
Et c'est devenu un reportage sur la tragédie d'un soir, où encore une fois, des Palestiniens se sont battus les uns contre les autres.
Mais le lendemain matin, il ne restait que la tragédie. Mon ami Akram est mort, il est mort la nuit dernière.
Il était environ 22h jeudi soir quand des membres des forces de la sécurité palestinienne à Jenine ont arrêté, comme d'habitude, une voiture pour un contrôle de papiers.
A l'intérieur, se trouvaient des membres du Jihad Islamique qui n'aiment pas être contrôlés aussi facilement, et encore moins par les forces de sécurité qu'ils méprisent.
Seuls quelques dizaines de mètres les séparaient du camp de réfugiés de Jénine.
L'endroit où ils ont le pouvoir, l'endroit où les forces de sécurité ne sont pas admises.
Une dispute venait d'éclater quand Akram est arrivé sur les lieux pour arbitrer. Quelques secondes plus tard, il gisait au sol avec deux balles dans la poitrine.
Akram Ibrahim Abu as-Sba’, l'homme que je prenais toujours pour un autre quand je le rencontrais parce que je ne le reconnaissais pas dans son uniforme, a été emmené à l'hôpital gouvernemental de Jénine et il y est mort peu de temps après. Tué par des combattants du Jihad Islamique. Assassiné à cause d'une voiture volée.
À peine 24 heures plus tôt, nous étions installés confortablement dans son petit magasin, assis sur deux chaises en plastique bleu. Dans ce petit magasin de DVD situé dans le centre de Jénine, où il n'a probablement jamais vendu un seul film, mais où vous pouviez toujours le trouver l'après midi.
Là où nous avions passé tellement souvent de temps ensemble, juste pour parler. Parler de la confusion dans la politique palestinienne, de l'alcool et de notre travail. De l'invasion de la nuit dernière, des filles et des appareils-photo volés.
Mais bien plus que nos conversations, c'est le personnage qui est gravé dans ma mémoire.
Quand il trainait, toujours souriant, derrière son bureau sans jamais rien dessus sauf un cendrier et un paquet de cigarettes.
Quand il ne comprenait pas mes questions, parce qu'il avait bu un verre d'Arak de trop
Ou quand cet homme qui parlait couramment anglais, s'interrogeait toujours après chaque deuxième phrase pour savoir si les mots qu'il avait choisis avaient vraiment la signification désirée.
Ou quand je ralais parce que je devais rencontrer ce responsable ou ce président, et qu'il cherchait tout simplement le bon numéro dans son téléphone portable, sans faire des promesses qui durent des semaines, et il me mettait en contact avec la bonne personne quelques minutes plus tard.
Ou quand la vie dans le camp, l'hospitalité devenaient trop lourdes, quand les gens s'imposaient trop, j'allais lui rendre visite. Pour m'éloigner un moment de ce qui est tellement spécial ici, mais parfois aussi ce qui est à peine supportable dans cette ville.
Cela ne veut pas dire qu'Akram n'était pas un habitant typique de Jénine, un Mucheiemi typique, mais il n'était jamais trop extrème.
Il était fidèle au Fatah, mais il ne détestait pas le Hamas.
Il était membre de la Force 17 d'Abu Mazen, mais il respectait les milices.
Il avait cette hospitalité Arabe typique, mais vous n'aviez pas à vous excuser de refuser un café. Il y a quelques années, les Israéliens ont détruit sa maison, mais il ne détestait pas ceux qui ont à nouveau transformé sa famille en réfugiés.
S'ils me donnent Mucheiem, je suis heureux, m'avait-il dit un jour en parlant d'un futur Etat palestinien. Et si vous le connaissez, vous savez que ce n'était probablement pas loin de la vérité.
Akram était un homme heureux. Il était heureux en tant que mari, heureux en tant que père de quatre enfants et tout simplement heureux d'être assis derrière son grand bureau dans son petit magasin de DVD.
Maintenant des dizaines d'autres affiches ont été ajoutées aux milliers d'autres sur les murs des maisons de Jénine. Et maintenant Akram repose ici, à côté de tous les autres dans le cimetière des martyrs du camp de réfugiés de Jénine.
L'occupation n'est pas excitante. L'occupation n'est pas une accumulation de situations quotidiennes bizarres. Et même si la situation semble absurde, elle n'est jamais drôle. Pas même le fait qu'elle dure 60 ans. L'occupation signifie la souffrance et la mort chaque jour.
Mais s'il reste quelque chose sous cette occupation, il y a au moins l'amitié. Dans Mucheiem Jenine, on peut difficilement trouver quelqu'un qui puisse être considéré comme un ami par autant de gens.
C'était un grand ami.
Salamat sahbi Akram.
Source : http://www.palsolidarity.org/
Traduction : MG pour ISM
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