Gaza - 23 août 2006

Tuer la bombe

Par Mazen Shaqoura

Comme vous devez le savoir, les Forces de l'Occupation Israéliennes ont commencé à téléphoner à certains chefs de famille pour les informer d'évacuer leurs maisons qui vont ensuite être détruites.
Il y a deux jours, quelqu'un a reçu un appel téléphonique d'un inconnu, se présentant comme étant le porte-parole des services de renseignements israéliens, l'informant qu'il avait 24 heures pour évacuer sa maison et qu'il devait informer (X) et Raeed de faire la même chose. Fin de conversation.

Le dernier mentionné habite en face de chez moi et il est venu m'informer dès qu'il a eu l'information.
Quoi faire ?

Etait-ce un véritable appel ou est-ce que quelqu'un bluffe ?
Qu'est-ce qui est le plus important : la richesse ou la santé ?
Qu'est-ce que je dois évacuer : nous ou les meubles ?
Y a-t-il une façon ou un moyen de s'assurer que l'appel téléphonique est vrai ?

Toutes les organisations des droits de l'homme m'ont dit que ce n'était pas possible ! ! !

Et ils étaient pleins de sympathie en espérant que c'était faux, en particulier parce qu'ils me connaissent et qu'ils savent à quel point j'ai investi dans la maison.

Toutes ces questions me bombardaient la tête. Spontanément, comme tous les réfugiés, j'ai décidé que la santé était plus importante que la richesse, que tout le monde devait quitter la maison et prendre quelques vêtements et quelques documents personnels avec eux.

En moins de 30 minutes, les cinq familles ont quitté la maison ainsi que tous les gens du quartier (11 maisons).

Nous avons laissé le béton, les meubles et les autres matériels électriques de maison qui sont devenus inutiles depuis le 25 juin dernier après le bombardement de la centrale électrique de Gaza pour affronter notre destin.

Les enfants étaient tout excités en pensant qu'ils allaient passer un bon moment chez leurs grands-mères.

Nous avons gardé nos téléphones portables branchés la première nuit, en priant que rien ne se produirait.

Avec le lever du soleil, nous sommes allés contrôler si les maisons étaient toujours à leur place.

Rien n'était arrivé, les Forces de l'Occupation ne sont pas pressées parce qu'elles ont une longue liste de maisons. Les mettent-ils les unes à la suite des autres ?
Si oui, selon quels critères ?
Est-ce une liste alphabétique ? Encore des millions de questions se bousculent dans mon petit cerveau sans réponses.

A la tombée de la nuit, nous avons pris d'autres vêtements pour le lendemain et nous nous sommes éloignés en laissant tout ce qui nous appartenait entres les mains d'une intervention divine et en regardant nos montres tout en comptant les minutes et les secondes car l'ultimatum était à 22 h.

Nous avons encore laissé branchés nos téléphones portables en se disant que "Pas de nouvelles, bonnes nouvelles" et en essayant de nous convaincre que ce n'était pas vrai et que quelqu'un nous faisait une blague ! ! !.

Une seconde journée et une nuit se sont passées, mais aucune nouvelles.

Encore des millions de questions se bousculaient dans ma tête : Devions-nous adapter notre mode de vie à cela : Dans les bureaux pendant la journée et réfugiés ou un certain temps pendant la nuit ? Devions-nous ? Devions-nous ? D'infinies questions sans réponses puisque je suis désormais un objet et plus un acteur.

L'ultimatum est passé et il n'y a eu aucune bombe.

Lors du précédent Intifada, les Palestiniens avaient créé trop de manières et de jeux pour tuer le temps, mais pendant cet Intifada, je cherche des moyens pour tuer les bombes ou peut-être es missiles.

Le niveau des dégâts dépend du type d'avion de combat qu'ils vont utiliser.

Si ce sont des F16, alors le quartier entier sera rasé.
Nous prions et implorons la volonté divine qu'ils utilisent des hélicoptères ainsi le résultat dépendra de la qualité du ciment israélien que nous avons acheté il n'y a pas si longtemps ! ! !

C'est très étrange que personne parmi nous n'ait rêvé qu'il n'y avait pas de bombes, ou qu'ils ne soient que des tortionnaires et qu'ils gardent leurs promesses ?

Chers amis, je pourrais raconter beaucoup de détails drôles que sont survenus chaque nuit passée sans bombe, mais croyez-moi, quand la bombe arrive, c'est bien mieux que la période avant son arrivée.