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ISM France - Archives 2001-2021

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Naplouse -

Une lettre du camp d’Askar (Naplouse) : Amjad raconte son arrestation.

Par

"...Le mois dernier je suis resté en France presque un mois et j’ai vu comment les Français vivent librement, sans occupation, ce que les valeurs humanistes veulent dire...
Je suis rentré au camp avec une vision renouvelée, positive et de bons souvenirs... Malheureusement les soldats israéliens ont détruits les souvenirs fabuleux de notre voyage, ce 8 février 2006. [...]
Je suis rentré chez moi effondré, que vais-je dire à mes parents ! Que vais-je dire à la femme de mon frère ! Comment vais-je convaincre mes enfants d’aimer la paix !"

Je suis Amjad, je suis directeur du Centre de développement social au camp d’Askar.
Ce centre me permet de faire découvrir aux enfants la culture palestinienne et de leur enseigner la tolérance et le partage et la culture de la paix.

Je suis allée en Suède l’an dernier pour participer à une conférence pour parler de la paix et du rêle des mères dans la famille pour transmettre une culture de la non-violence.

Le mois dernier je suis resté en France presque un mois et j’ai vu comment les Français vivent librement, sans occupation, ce que les valeurs humanistes veulent dire et quel est son visage. (la visite en France)


Je suis rentré au camp avec une vision renouvelée, positive et de bons souvenirs.
Mon projet était d’éduquer les enfants leur donnant une perspective sur le monde, ainsi de les encourager à espérer vivre en paix et à espérer en un avenir meilleur, de construire le pays avec une résistance non violente.

J’ai commencé avec mes enfants en leur montrant les photos, et en leur expliquant les lois et les façons de fonctionner de ces pays. J’ai demandé à ma fille Rasan qui a douze ans de raconter à ses frères son expérience en Norvège et sa rencontre avec les enfants norvégiens.

Malheureusement les soldats israéliens ont détruits les souvenirs fabuleux de notre voyage en France, en Norvège et en Suède ce 8 février 2006.

J’étais connecté sur internet et discutais avec des amis là-bas, blaguant, discutant de nos vies, du futur, de la façon dont on peut se soutenir pour améliorer la situation des Palestiniens.

Une de mes amies m’a demandé de faire attention à moi, me disant que j’étais cher à ses yeux. J’ai senti que l’esprit humain était précieux pour eux, quand ici il ne valait rien.

J’ai pris congé de tout le monde, pensant à la valeur de la vie, les mots de cette amie française dans la tête. Il était alors une heure du matin. Je suis allé me coucher, fatigué après les réunions de la journée et le travail au centre où je cherche à améliorer notre quotidien.

A trois heures du matin, j’ai été réveillé, assourdi par des pierres lancées sur ma fenêtre, comme des bombes assourdissantes. Ma femme s’est mise à crier en serrant mon fils Yasser Arafat, en disant : "Des soldats encerclent la maison, j’ai peur."

Je l’ai rassurée.

Des hauts parleurs nous demandaient de sortir de l’immeuble. Je suis sorti sur le palier et ai demandé aux soldats ; "Que voulez-vous ? Il y a des enfants ici".

Ils m’ont demandé d’évacuer la maison, ce que j’ai fait immédiatement. Je ne pouvais pas imaginer la scène effrayante que j’allais voir.

Des soldats armés partout, entourant la maison. Un soldat m’a ordonné d’enlever mes vêtements. Ils pointaient un faisceau lumineux sur moi.

J’ai demandé à mes parents, mes frères, ma femme et mes enfants de sortir.

Les soldats m’ont emmené à leur jeep, j’ai parlé aux soldats en arabe, mais ils ne m’ont pas compris, alors j’ai parlé en anglais.

Ils m’ont demandé quel était mon nom et mon métier tandis que mes enfants hurlaient.

J’ai souhaité n’avoir jamais vu le jour pour vivre ça tant c’était difficile et humiliant, nous étions traités comme des animaux. Un coup de feu a été tiré au loin sur les soldats. Ils se sont mis à l’abri, et nous sommes restés au milieu de la rue. J’ai crié à un soldat qui était à l’abri : "Pourquoi nous laisser sous les tirs ? Notre vie aussi est précieuse"

Il nous autorisa à nous mettre à l’abri.
Les soldats ont pris ma fille Rasan, je l’ai vue pleurer en voyant les armes.
J’étais assis par terre les mains dans le dos, j’ai demandé aux soldats de la laisser, j’étais en colère, j’aurais préféré mourir que de les laisser la maltraiter.

Je leur ai dit "Vous pouvez faire ce que vous voulez de nous, les hommes, mais ne touchez pas à nos filles."
Le soldat m’a ordonné de rester assis mais j’ai refusé de laisser ma fille avec eux.

Ils ont amené ma femme près de la jeep. Un soldat lui a demandé le nom de notre famille. J’ai demandé aux soldats d’arrêter.

Nous sommes restés là une heure. Je leur ai demandé de laisser ma belle-sœur rentrer, car elle a accouché il y seulement quelques jours.

Après discussion ils ont accepté.


Ils m’ont dit que moi et mon frère nous étions arrêtés, m’ont bandé les yeux, m’ont fait monter dans la jeep. Je n’avais pas peur jusqu’à ce que nous passions par le camp de Balata et que j’entende des tirs provenant de combattants palestiniens.

J’entendais les tirs croisés tout proche de nous, je sentais le danger, une heure pleine d’horreur et de peur. Les soldats ne m’ont pas touché mais ma tête cognait contre la têle à chaque changement de direction de la jeep.

Je pensais à mes enfants qui ont tout vu, à comment ils pourront croire à la paix avec les soldats israéliens.

Ils m’ont emmené au camp militaire de Huwara, des soldats se moquaient de moi me demandant si j’étais du Hamas ou du Djihad islamique.

J’ai vu un médecin qui a été très gentil avec moi. Ils m’ont enlevé le bandeau sur les yeux. J’ai vu un des soldats qui m’avaient arrêté, je lui ai dit qu’il avait effacé tous les espoirs qui étaient né de mon voyage en France, tout était effacé de ma mémoire.

Je lui ai dit que j’enseignais à mes enfants d’aimer la paix.
Que leur dire en rentrant chez moi ? Il m’a demandé de ne pas lui parler de politique, je lui ai dit que ce n’était pas de la politique mais plutêt de l’humanisme...

Il m’a autorisé à fumer, je pensais à mon frère qui avait les yeux bandés et les mains liées, et notre avenir incertain. Un soldat gradé m’a demandé mon nom, puis m’a demandé mon point de vue sur la situation dans le pays. Je lui ai répondu que la situation était grave, l’occupation et l’instabilité sans trêve. Il m’a dit qu’il était désolé, qu’il allait me relâcher.


Je lui ai expliqué « Que vais-je dire à mes enfants qui ont vu leur père les yeux bandés et les mains liées. » Je lui ai demandé : "Pensez vous qu’ils seront des défenseurs de la paix ? Vous semez la violence par vos actions".

Il m’a dit, c’est bon, on vous relâche.

Ils m’ont séparés de mon frère, ils l’ont incarcéré et m’ont relâché, j’ai eu l’impression que j’allais perdre l’esprit, je me suis rappelé la torture qui se pratique sur les détenus. J’ai demandé au gradé de pourvoir lui dire au revoir, il m’a autorisé à lui serrer la main.

Je suis rentré chez moi effondré, que vais-je dire à mes parents ! Que vais-je dire à la femme de mon frère ! Comment vais-je convaincre mes enfants d’aimer la paix ?

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