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ISM France - Archives 2001-2021

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USA -

Est-ce le problème israélien qui décide de la politique américaine ?

Par

> kathy.bill@christison-santafe.com

Bill Christison est un ancien haut responsible de la CIA. Il a servi en tant qu'officier des renseignements nationaux et directeur du bureau de l'analyse régionale et politique de la CIA Kathleen Christison est un ancien analyste politique de la CIA et a travaillé sur les questions du Moyen-Orient pendant 30 ans. Elle est l'auteur de Perceptions of Palestine (Perceptions de la Palestine) et The Wound of Dispossession (Blessure de la Dépossession).

La tragédie de la situation actuelle, c'est qu'il est devenu impossible de séparer les Israéliens des soi-disant intérêts nationaux américains qui sont, non pas ce que devraient être les véritables intérêts nationaux américains, mais "les intérêts nationaux" égoïstes et auto-déterminés du complexe politique-entreprises-militaire qui, en même temps que le Lobby, domine l'administration Bush, le Congrès, et les deux principaux partis politiques.

Est-ce le problème israélien qui décide de la politique américaine ?


Manifestation devant l'hôtel où l'AIPAC tient une conférence, juin 2002, USA

Il y a un quart de siècle, le directeur exécutif de l'AIPAC - l'American Israël Public Affairs Committee - a créé une unité analytique à l'intérieur de l'organisation pour écrire des documents de recommandation détaillés pour les politiciens.

C'était en 1981, le président était Ronald Reagan, et l'AIPAC venait juste de perdre une bataille rudement disputée au Congrès au sujet de la vente de l'avion de surveillance AWACS à l'Arabie Saoudite.

Le chef de l'AIPAC était un ancien conseiller énergique du Congrès appelé Thomas Dine, qui était habitué aux revers dans sa construction de l'AIPAC en une force politique formidable.

Au cours des années à venir, Dine a quadruplé les adhésions à l'AIPAC ainsi que son budget et il a développé de façon agressive les contacts avec le Congrès et les politiciens.

Il s'est mis à fournir aux politiciens des analyses adaptées pour faire avancer les intérêts israéliens, avec une opinion déclarée que toute personne qui écrit des articles lus par des politiciens "posséderait" réellement les politiciens.


C'était un moment important dans la croissance longue de plusieurs décennies de l'influence du Lobby sur la politique américaine au Moyen-Orient, souvent au détriment des intérêts nationaux américains.

Beaucoup ont qualifié la relation entre ce que font les Etats-Unis au Moyen-Orient et ce que le Lobby veut qu'il fasse comme étant le problème israélien qui décide de la politique américaine.

Israël et ses partisans américains, bien que constituant le second partenaire dans la relation, sont considérés comme dictant pratiquement la politique, quelque soit l'administration et le Congrès au pouvoir.

Il y a d'innombrables exemples de cette dynamique, en particulier l'invasion israélienne du Liban en 1982, qui a entraîné les Etats-Unis dans une intervention désastreuse, et l'invasion israélienne de la Cisjordanie en 2002, lors de laquelle le premier ministre Ariel Sharon a défié ouvertement et à plusieurs reprises le Président George Bush qui lui demandait de se retirer.

D'autres maintiennent que c'est l'inverse : les Etats-Unis, en tant que superpuissance, patron d'Israël, et son principal donateur d'aide, sont indéniablement le principal partenaire et que c'est le chien qui remue la queue.

Donc, la question est quelle est la bonne estimation ou est-ce que l'opinion cynique du commentateur israélien Michel Warschawski est correcte, que : "Il n'y a ni chien ni queue, mais une guerre globale de re-colonisation, et un monstre agressif avec deux vilaines têtes."



Silence rompu

En dépit du pouvoir grandissant du Lobby israélien, et de la convergence croissante des efforts israéliens et américains vers une domination globale et régionale du Moyen-Orient, le débat public sur l'étendue et la substance du rôle du Lobby dans l'élaboration de la politique américaine était presque inexistantes jusqu'à ce que deux scientifiques politiques, John Mearsheimer de l'université de Chicago et Stephen Walt de l'université d'Harvard, publient en mars 2006 un rapport de 81 pages analysant la force du Lobby. (lire le rapport)


Mearsheimer, professeur en Sciences Politiques au R. Wendell Harrison Distinguished Service, et Walt, professeur en Affaires Internationales à Belfer, sont les principaux partisans de l'école réaliste de politique étrangère, qui affirme que les Etats agissent pour augmenter le pouvoir militaire et économique au lieu de poursuivre un idéalisme et l'éthique.

Leur rapport a suscité un large intérêt quand il a été publié sous forme abrégée dans le London Review of Books.

Définissant largement le Lobby comme "une coalition peu structurée d'individus et d'organisations qui travaillent activement pour façonner la politique étrangère des Etats-Unis dans une direction pro-israélienne", Mearsheimer et Walt concluent que l'aspect principal de la politique américaine au Moyen-Orient est surtout le résultat des activités du Lobby.

Ils observent que, alors que d'autres Lobbies et groupes d'intérêt ont également démontré une capacité à biaiser la politique, "aucun Lobby n'est parvenu à détourner la politique étrangère américaine aussi loin de ce que suggérerait l'intérêt national américain, tout en convainquant les Américains que les intérêts américains et israéliens étaient essentiellement identiques."

Le rapport a éveillé l'opposition instantanée et bruyante des individus que les auteurs identifiaient comme membres du Lobby.

Le professeur Alan Dershowitz, un professeur de droit d'Harvard, un partisan véhément d'Israël, a traité les auteurs de "menteurs" s'engageant dans une "bigoterie grossière" et a comparé leurs arguments à la propagande Néo-nazie, remplis "d'accusations légèrement voilées de contrôle juif sur la pensée américaine" réminiscentes des Protocoles des Sages de Sion.

Abraham Foxman et son Anti-Defamation League (ADL) ont accusé la principale thèse du rapport "d'être l'incarnation de la théorie classique de conspiration anti-Juive."

Cependant, la plupart des critiques des plus puissantss partisans d'Israël n'abordent pas les principaux points de l'étude de Mearsheimer-Walt : que les éléments influents aux État-Unis – que ce soient les non-juifs ou les juifs – qui ont comme principal objectif la promotion des intérêts israéliens ont obtenu une influence excessive sur la politique américaine au Moyen-Orient et ont utilisé cette influence pour faire pencher la politique du côté d'Israël de façon contraire aux intérêts nationaux américains.

Au lieu de cela, les critiques évitent le sujet, faisant apparaître des hommes de paille qui détournent l'attention de la principale thèse du rapport.

L'accusation que Mearsheimer et Walt sont "anti-sémites" est l'accusation généralement la plus entendue de la part des partisans d'Israël parmi la classe politique.

Ce n'est pas une coïncidence, c'est également une ligne d'attaque utilisée depuis longtemps par le Lobby pour réduire au silence et vraiment attaquer toute personne qui ose remettre en question la politique israélienne ou les liens étroits entre les Etats-Unis et Israël.

La question de l'anti-sémitisme a été abordée lors d'un important débat à New York en septembre qui a opposé Mearsheimer et deux alliés à un ancien responsable israélien et deux politiciens de l'administration Clinton, Dennis Ross et Martin Indyk.

Ces trois adversaires de Mearsheimer, bien que clairement des partisans d'Israël, sont généralement considérés comme des centristes, et non comme des hommes particulièrement durs comme Dershowitz ni appartenant à la Droite dure, mais ils ont tous les trois fait écho à Dershowitz en accusant le rapport "de s'abaisser au niveau de l'anti-sémitisme" ou "d'avoir des connotations anti-sémites", simplement parce qu'il aborde le rôle de certains juifs ayant des postes de pouvoir et d'influence.

Ce débat sur l'anti-sémitisme est une diversion de la question principale et est assurément prévue en tant que telle.

Le panel de New York a passé un tiers de son temps imparti à examiner si Mearsheimer et Walt étaient anti-sémites avant d'arriver à toute analyse substantielle des conclusions et des preuves du rapport.

La critique du livre de l'ancien Président Jimmy Carter, Palestine: La paix et non l'Apartheid, suit le même schéma.

Les critiques accusent le livre de manque de connaissance ou crient à l'anti-sémitisme parce que Carter utilise le terme "Apartheid" pour décrire la politique israélienne dans les Territoires Palestiniens Occupés.

Beaucoup, y compris la direction du Parti Démocrate, ont critiqué le livre, mais peu ont fourni de preuves pour soutenir leurs accusation ou ont sérieusement examiné les preuves derrière la thèse de Carter.

Un membre du Panel de New York qui s'est exprimé en soutien au rapport de Mearsheimer-Walt, le professeur Tony Judt de l'université de New York, a écrit au sujet de l'effet paralysant que provoque la peur pour les Américains d'être qualifiés d'anti-sémite a eu sur le discours public sur tout ce qui concerne Israël et finalement sur la politique.

Pendant le débat du panel, il a souligné le phénomène en observant que, bien qu'il y ait des "centaines de Lobbies déformants" aux Etats-Unis, le Lobby israélien est le seul qui agit énergétiquement non seulement à la poursuite de sa cause, "mais agit constamment et réduit au silence de façon très efficace tout critique de sa cause."

Dans la même veine, Mearsheimer a observé dans une interview avec Mother Jones que la principale raison des fortes affinités entre les Etats-Unis et Israël réside dans l'absence d'un débat franc et ouvert sur le rapport.

Il y aurait beaucoup moins de sympathie pour Israël, dit-il, si les Américains savaient ce que les Israéliens font dans les Territoires Occupés. "Surtout, la relation actuelle de l'Amérique avec Israël ne peut pas résister à un examen approfondi du public."

Le livre de Jimmy Carter fait un gros effort pour fournir plus d'examen approfondi, mais son succès est jusqu'ici incertain.

Scott Ritter, qui a travaillé étroitement avec Israël en tant que officier des renseignements militaires et comme inspecteur sur les armes en Irak pour les Nations-Unies, réitère les observations de Judt et de Mearsheimer dans son nouveau livre : Target Iran.

Alors que de nombreuses nations conservent des Lobbies actifs aux Etats-Unis, écrit-il, aucun n'a "la portée et l'influence" du Lobby israélien et aucun n'agit de "façon aussi effrontée".

Ritter prévoit une confrontation américano-Israélienne potentiellement catastrophique avec l'Iran et il pense que le seul moyen de l'éviter serait d'introduire la nature de la relation américano-Israélienne dans un débat national, de ré-examiner fondamentalement pourquoi les Etats-Unis agissent avec "une faiblesse nationale perpétuelle alors qu'une autre nation, Israël, dicte la politique de sécurité nationale de l'ensemble de l'Amérique."


En 2003, dans une critique d'Israël et de la relation américano-israélienne parue dans le New York Review of Books, Judt avait abordé ce que Mearsheimer et Walt ont plus tard présenté comme étant leur thèse principale.

Judt écrivait qu'Israël continuait à "se moquer de son patron américain" en construisant des colonies illégales même pendant que les Etats-Unis encourageaient le plan de paix "la Feuille de Route" réclamant un gel de la construction des colonies.

Israël a réduit le pouvoir du président des Etats-Unis, dit-il, à la "marionette d'un ventriloque, récitant pitoyablement la position du gouvernement israélien."
Son comportement "a été un désastre pour la politique étrangère américaine". Le soutien inconditionnel des Etats-Unis à Israël "est la principale raison au fait que la majeure partie du reste du monde ne nous crédite plus de bonne foi."


James Abourezk connaît bien le Lobby. Sénateur américain du Dakota du Sud entre 1972 et 1978, Abourezk dit que d'après son expérience au Congrès, "le soutien qu'a Israël dans cette institution est totalement basé sur la peur politique" – craignant que "toute personne qui ne fait pas ce que veut Israël" sera mis en échec par le Lobby.

Abourezk renforce la remarque au sujet des efforts du Lobby pour réduire les gens au silence. "Même une seule voix est attaquée", écrit-il, "parce que si le Congrès est totalement silencieux sur le sujet, la presse n'aura personne à citer, ce qui réduit aussi la presse au silence.
Tous les journalistes ou rédacteurs qui s'écartent de cette ligne sont rapidement maîtrisés par une pression économique organisée sur le journal qui a péché
."


Jimmy Carter a décrit un phénomène semblable dans des récents commentaires, en notant que "les efforts de lobby extraordinaires de l'AIPAC avaient réduit au silence tout débat dans les conseils d'élaboration de politique, au Congrès, et dans les médias concernant la politique israélienne.


Abourezk a décrit la stratégie de pression qui battait déjà son plein avant que l'AIPAC se soit mis à "posséder" des politiciens, et Carter a indiqué clairement que la domination du Lobby sur le discours et sur la prise de décision s'était renforcée.

La tendance pro-Israélienne qui a, à un degré ou à un autre, été la caractéristique de la plupart des administrations et de la plupart des congrès depuis la création d'Israël n'est pas vraiment une invention de Dine ou un phénomène qui a émergé seulement dans les années 80. Mais Dine a institutionalisé le processus, en le renforçant de manière significative.


En 1984, en supplément de l'unité analytique interne, l'AIPAC s'est doté d'une autre institution, le Washington Institute for Near East Policy (WINEP), qui demeure un think tank prépondérant – une institution qui a placé ses analystes dans les travaux d'élaboration de la politique dans plusieurs administrations.

Dennis Ross, qui était l'un des pricinpaux responsables politiques concernant le Moyen-Orient dans les administrations de George H.W. Bush et Bill Clinton, venait de WINEP et y est retourné après avoir quitté les services du gouvernement.

Martin Indyk, à l'origine un membre de l'unité analytique de l'AIPAC et le premier directeur de WINEP, a eu aussi un poste à forte responsabilité dans l'administration Clinton.

Mearsheimer et Walt décrivent correctement les deux hommes comme situés "au cœur du Lobby".

Cette affirmation aborde un aspect critique de la question du Lobby en soulignant la réalité qu'au cours des dernières décennies le Lobby a vraiment fait partie des diverses administrations.

Le Lobby n'est pas également limité aux organisations officielles Juives-Américains telles que l'AIPAC et l'ADL et les think-tanks comme WINEP et JINSA, l'Institut Juif pour les Affaires de Sécurité Nationale, mais il inclut également de nombreux individus qui travaillent pour le compte d'Israël et englobe la très grande Droite Chrétienne fondamentaliste.


La Droite Chrétienne soutient fortement le contrôle continu par Israël de la Cisjordanie , Gaza, et Jérusalem-Est comme chose nécessaire et essentielle au soi-disant Millénium, puisqu'ils pensent que Jésus-Christ réapparaîtra.

En particulier au cours de ces dernières années, la Droite Chrétienne a utilisé son grand nombre de personnes pour inciter l'administration et le Congrès à soutenir la politique d'Israël et s'opposer à toute proposition qui exigerait des concessions israéliennes.

Le genre de pression directe sur les décideurs que décrit Abourezk est seulement une façon dont agit le Lobby organisé. Le lien entre Israël et les Etats-Unis a toujours été autant basé sur de tendres sentiments que sur les dures réalités de stratégie géopolitique.

Au cours des années depuis la création d'Israël, il y a eu une atmosphère générale dans laquelle il est supposé qu'Israël est proche des Etats-Unis, ses intérêts étant tellement étroitement entremêlés avec les intérêts américains, qu'il est presque accepté comme faisant partie des Etats-Unis.

Le Lobby renforce ce sentiment, en le canalisant par des moyens institutionnels en faisant participer les Américains ordinaires dans le soutien à Israël.

Jeffrey Blankfort, un animateur de radio du nord de la Californie et commentateur depuis longtemps sur le conflit Palestino-Israélien et sur d'autres sujets du Moyen-Orient, précise, par exemple, que 1.700 syndicats aux Etats-Unis possèdent plus de 5 milliards de dollars en obligations israéliennes.

Cela oblige d'une façon efficace les syndicats à soutenir Israël, pense Blankfort, faisant ainsi participer le mouvement des travailleurs américains au Lobby.
C'est une raison pour laquelle la Gauche organisée aux Etats-Unis s'est opposé à ce que la question de la Palestine soit intégrée au mouvement anti-guerre.

Beaucoup d'états et d'universités investissent également dans des obligations israéliennes, tout comme dans des entreprises israéliennes, donnant à ces gouvernements locaux et aux institutions un intérêt dans le soutien à la politique israélienne afin de faire fonctionner l'économie israélienne.


La domination de l'influence du Lobby rend la référence de Tony Judt au président américain comme étant "une marionette d'un ventriloque" particulièrement heureuse.

Comme Walt l'a précisé dans une interview avec Mother Jones, peu importe ce que fait Israël, les Etats-Unis continueront à le soutenir. "Ils continuent à établir des colonies bien que chaque président depuis Lyndon Johnson pense que c'est une mauvaise idée. Ils nous espionnent systématiquement. Ils ont donné ou vendu la technologie militaire américaine à d'autres pays.
En outre, ils ont effectué une grande variété de violations des droits de l'homme, mais aucune de ces activités n'a jamais diminuéi le soutien des Américains
. "

Au cours de ces dernières décennies, l'AIPAC s'est fréquemment impliqué directement dans le processus législatif, en écrivant la législation concernant le Moyen-Orient et en appuyant une série de résolutions anti-Arabes et pro-israéliennes qui déclare la position du sénat et du Congres sur diverses questions, telles que la construction du Mur de séparation d'Israël et l'attaque israélienne contre le Liban de l'été 2006. L'AIPAC revendique souvent qu'il contrôle et exerce une influence sur les candidats à la présidence.


Lors de la campagne présidentielle de 2004 quand Howard Dean a publié un appel modéré et apparemment sans controverse pour une politique "équitable" des Etats-Unis au sujet du conflit Israëlo-Arabe, il a été rondement condamné par le Lobby et par ses camarades Démocrates, et il a rapidement laissé tomber l'appel.

Les membres du Congrès en place depuis longtemps qui dévient "du droit chemin" risquent une défaite électorale.

Dans les années 80, le député Paul Findley et le sénateur Charles Percy, qui avaient été élus à nombreuses reprises dans l'Illinois, ont été battus grâce aux efforts de l'AIPAC après qu'ils se soient exprimés tous les deux en faveur de pourparlers avec l'OLP.

Plus récemment, Cynthia McKinney de Géorgie a deux fois été la cible de l'interférence électorale de l'AIPAC . La liste continue.


Israël et son Lobby ont été les initiateurs de la politique, les Etats-Unis le suiveur, dans la guerre d'Israël de 1967, son invasion du Liban en 1982, son invasion de la Cisjordanie en 2002, son entreprise de construction des colonies datant de 40 ans dans les Territoires Palestiniens Occupés, ses attaques disproportionnées contre les Palestiniens, son assaut contre le Liban.

La portée de l'infiltration du Lobby dans les conseils d'élaboration de politique du gouvernement a été sans précédent dans l'administration Bush actuelle, et il y a de fortes preuves que les néo-conservateurs à l'intérieur de l'administration - dont les liens avec la droite dure israélienne sont indéniables -étaient les architectes de l'invasion de l'Irak et de l'encouragement de l'administration à "transformer" le Moyen-Orient et à propager la "démocratie" dans toute la région

Mearsheimer et Walt affirment que la guerre contre l'Irak était "au moins en partie prévue pour améliorer la position stratégique d'Israël" - une réalité qui semblerait se confirmer par le fait qu'une partie de ces même néoconservateurs a écrit un document de stratégie, intitulé "Une coupure nette", au milieu des années 90 pour le premier ministre israélien de l'époque, Benjamin Netanyahu, présentant un plan pour attaquer l'Irak qui a été plus tard encouragée quand les néo-conservateurs sont entrés dans l'administration Bush.


La stratégie a été conçue explicitement pour assurer la domination régionale d'Israël, pour ébranler le processus de paix d'Oslo, et pour soulager Israël de la pression afin qu'il fasse des concessions aux Palestiniens

L'un des auteurs, David Wurmser, est dans le gouvernement en tant que conseiller au Moyen-Orient du vice-président Richard Cheney ; les autres, Richard Perle et Douglas Feith, ont été étroitement impliqués dans la planification de la guerre contre l'Irak comme, respectivement, conseiller du Pentagone et sous-secrétaire à la Défense.

Presque tous les autres néoconservateurs, des juifs et des non-juifs, ont également rédigé de longs rapports de recommandation au nom d'Israël.

Ceux-ci incluent Paul Wolfowitz, Elliott Abrams, John Bolton, et leurs majorettes sur la ligne de touche telles que William Kristol, Robert Kagan, Norman Podhoretz, le défunt Jeane Kirkpatrick, et de nombreux think tanks de droite, pro-israéliens à Washington.

En réponse à la pression du Lobby sur les politiciens et les décisionnaires, les Etats-Unis ont donné à Israël des sommes énormes en aide militaire et économique au cours des années.

Mearsheimer et Walt citent des statistiques de l'Agence Américaine pour le Développement International indiquant qu'entre 1976 et 2003, les Etats-Unis ont donné à Israël un montant total de 140 milliards de dollars en aide.

Un économiste, Thomas Stauffer, qui a longtemps pisté l'aide à Israël, a donné un chiffre bien plus élevé en 2002, en estimant le montant total à 240 milliards de dollars au cours des 30 années précédentes, ajustés sur le prix du dollars actuel.

Israël reçoit maintenant automatiquement entre 2 et 3 milliards de dollars par an en aide subventionnée, la plupart du temps militaire, ainsi que d'importantes augmentations d'aide supplémentaire pour compenser le coût à Israël d'actions comme la guerre au Liban et le retrait de Gaza.



Définir les intérêts nationaux

La partie véritablement importante du débat sur le pouvoir du Lobby tourne autour de la question des intérêts nationaux : Que représente les intérêts nationaux, qui les détermine, et est-ce que le Lobby porte préjudice aux véritables intérêts nationaux ?

Un groupe de commentateurs et d'analystes de Gauche qui critiquent fortement la politique d'Israël n'ont néanmoins fait aucun cas de la notion de l'influence particulière du Lobby sur la politique. Leurs arguments portent sur la question de ce qui constitue réellement les intérêts nationaux des Etats-Unis.

Noam Chomsky a fréquemment indiqué que la politique au Moyen-Orient était déterminée en grande partie par ce qu'il appelle "le lien étroit Etat-Entreprises" où le pouvoir interne est concentré - en d'autres termes, le fonctionnement militaro-industriel complexe en coopération avec le gouvernement, dont les intérêts spéciaux, selon Chomsky, définissent finalement les intérêts nationaux des Etats-Unis.

Le Lobby israélien a un certain impact sur la détermination de la politique dans l'estimation de Chomsky, mais à un niveau bien moindre et généralement seulement si les intérêts du Lobby sont conformes aux intérêts de l'Etat-Entreprises.

Chomsky et les autres critiques de Gauche concernant l'étude sur le Lobby pensent essentiellement que la politique américaine a été toujours dirigée vers la promotion des intérêts impériaux américains et institutionnels, et qu'Israël, loin de mener les Etats-Unis dans des politiques nocives et des aventures étrangères, a toujours répondu aux demandes américaines.

Les Etats-Unis poursuivraient leurs objectifs impériaux même sans Israël, et ils ont poursuivi leurs objectifs dans des régions en dehors du Moyen-Orient, telles que le Chili, l'Indonésie, l'Amérique Centrale, et ailleurs, sans bénéficier d'un Lobby.

Selon ce point de vue, le Lobby israélien fonctionne simplement comme un auxiliaire utile à la politique américaine, et non comme un agent avec un contrôle ou une influence particulière.


Cependant, une chose que cet argument ignore, c'est que le Lobby et ses liens étroits avec les fabricants d'armes aux Etats-Unis renforcent la capacité du complexe militaro-industriel à contrôler ce qui est défini comme étant les intérêts nationaux américains.

Le Lobby israélien a une emprise incontestable sur de nombreux membres du Congrès et fonctionnaires de la branche exécutive, y compris à la Maison Blanche, rendant difficile à qui que ce soit d'influencer les soi-disants intérêts nationaux américains de façon à ce que le Lobby puisse sentir un affaiblissement dans le rapport spécial et unique d'Israël avec les Etats-Unis.

Tout débat impliquant ce sujet tabou, même indirectement, serait presque certainement annulé avant qu'il ait commencé, enterré sous les péans pour Israël, qu'ils viennent des Républicains ou des Démocrates.


Afif Safieh, le chef de la mission de l'Organisation de Libération de la Palestine à Washington, fait une autre remarque.

Il qualifie l'approche de Chomsky et d'autres de Gauche, de vision "mécaniste" qui ne tient pas compte du fait que chaque situation a sa propre spécificité, la spécificité dans ce cas-ci étant que le second partenaire "détourne" souvent et "monopolise" la prise de décision sur les questions du Moyen-Orient.

L'argument de la Gauche vient d'une sorte de déterminisme qui suppose que la politique américaine a rarement dévié d'une stratégie impériale clairement posée conçue pour favoriser les intérêts des entreprises.

Mais le fait que les Etats-Unis aient renversé un gouvernement considéré comme hostile aux intérêts commerciaux américains au Chili ou soutenu un dictateur en Indonésie où l'industrie pétrolière avait des intérêts ne prouvent pas qu'à chaque fois qu'Israël a attaqué des pays Arabes, comme l'Egypte en 1967 et le Liban en 1982, il agissait pour servir les Etats-Unis ou, comme l'a prétendu Chomsky, rendait "un service énorme aux entreprises américano-saoudiennes spécialisées dans l'énergie en écrasant le nationalisme Arabe laïc."

Israël ne sert nullement à assurer l'accès des Etats-Unis ou à contrôler les ressources pétrolières au Moyen-Orient, et il ne travaille pas non plus conjointement avec l'industrie pétrolière.

Il ne s'agit pas de nier les liens étroits et compliqués entre le complexe militaro-industriel-financier américain et les intérêts militaires, industriels et financiers d'Israël, comme l'affirment Chomsky et d'autres personnes de Gauche, mais au lieu de cela il s'agit d'une relation dans laquelle Israël exécute les ordres du groupe Etat-Entreprises américain, en réalité l'enchevêtrement est bien supérieur à celui entre deux joueurs indépendants. Et le Lobby fonctionne essentiellement pour soutenir et manipuler l'enchevêtrement.

Blankfort maintient que l'influence du Lobby "est réellement sous-estimée. Non seulement il garde le Congrès sous l'emprise de ses exigences sur des questions concernant Israël et le Moyen-Orient en général, il sert également, moins clairement, de force de Lobby puissant pour maintenir les niveaux élevés en dépenses militaires des Etats-Unis et pour intégrer l'industrie des armes israélienne à l'industrie des armes étasunienne."

Cette intégration, indique Blankfort, "permet d'expliquer pourquoi il n'y a eu aucune opposition significative au budget militaire annuel de la part de n'importe quel secteur du Congrès."


Israël et son Lobby travaillent main dans la main avec l'industrie de l'armement américaine pour promouvoir leurs intérêts combinés et habituellement compatibles.

Les relativement peu de familles puissantes et riches qui dominent l'industrie de l'armement israélienne sont justes intéressées à encourager de façon agressive les politiques étrangères militaristes américaines et israéliennes comme le sont les présidents des entreprises fabricantes d'armes américaines.

Puisque la mondialisation a progressé, ils ont donc des liens de propriété commune et la coopération financière et technologique des entreprises fabricantes d'armes des deux nations se développe de plus en plus profondément.

La relation est symbiotique, et le Lobby coopère intimement à le maintenir en vie ; les lobbyistes peuvent aller voir de nombreuses personnes au Congrès et leur dire de façon tout à fait crédible que si l'aide à Israël est coupée, des milliers d'emplois dans l'industrie de l'armement dans leurs régions seront perdus.

Le Lobby ne soutient pas simplement passivement les désirs du complexe militaro-industriel. Il tord activement des bras au Congrès et dans l'administration pour perpétuer l'acceptation de certains "intérêts nationaux" que beaucoup d'Américains pensent faux.




Un monstre à deux têtes

Comme Tony Judt le remarquait, maintenant une grande partie du reste du monde "ne nous crédite plus de bonne foi."

Le fort soutien fort des Etats-Unis à Israël a longtemps troublé l'opinion publique Arabe, mais depuis l'effondrement du processus de paix et le début de l'Intifada palestinien et la dure répression israélienne en septembre 2000, les sondages d'opinion dans les pays Arabes et Musulmans ont montré à plusieurs reprises une forte méfiance croissante à l'égard des Etats-Unis, liée principalement au soutien des Etats-Unis à l'oppression israélienne des Palestiniens et plus récemment à la guerre contre l'Irak.

Les attitudes hostiles atteignent un niveau de 70 à 80% dans de nombreux pays Arabes. De façon identique, et bien que ce ne soit pas aussi fort ou dominant, la méfiance à l'égard des Etats-Unis émerge dans les sondages en Europe

Le sentiment anti-américain croissant résultant du lien étroit entre les Etats-Unis et Israël est un accent important dans le rapport de Mearsheimer-Walt.

Les auteurs précisent dès le début de leur rapport que la politique de l'administration Bush, fortement influencée par le Lobby israélienne, ont aidé à produire "une insurrection résiliente en Irak, une forte augmentation des prix du pétrole dans le monde, et des attaques terroristes à Madrid, à Londres, et à Amman".

Le soutien "constant" des Etats-Unis à Israël, écrivent-ils, a "enflammé l'opinion arabe et islamique et compromis la sécurité des Etats-Unis."
Ils croient que les Etats-Unis ont mis réellement de côté leur propre sécurité pour promouvoir les intérêts d'un autre état.

Le résultat évident a été plus de terrorisme contre les Etats-Unis et leurs alliés.

Les videos et les déclarations enregistrées d'Oussama Ben Laden des années 90 parlent des Palestiniens et de sa colère contre les Etats-Unis en raison de son alliance avec Israël.

Sa colère et celle d'autres Islamiste radicaux sont exprimées au nom des Musulmans qui ont été tués et exploités par les Etats-Unis, Israël, et l'Occident pendant des décennies, et les Palestiniens sont peut-être les plus importants parmi ces derniers.

Sa colère est partagée par des millions d'opprimés, et il peut attirer les radicaux dans sa lutte sur la base de sa position en tant que défenseur des Palestiniens et de tous les Musulmans opprimés.
C'est un danger pour les Etats-Unis, résultant directement des liens étroits entre les Etats-Unis et Israël et des efforts laborieux du Lobby pour le soutenir, cela ne doit pas être sous-estimé.

La tragédie de la situation actuelle est qu'il est devenu impossible de séparer les Israéliens des soi-disant intérêts nationaux américains qui sont, non pas ce que devraient être les véritables intérêts nationaux américains, mais "les intérêts nationaux" égoïstes et auto-déterminés du complexe politique-entreprises-militaire qui, en même temps que le Lobby, domine l'administration Bush, le Congrès, et les deux principaux partis politiques.

Les groupes spécifiques qui dominent maintenant le gouvernement sont l'industrie financière, l'industrie de l'énergie et l'industrie de l'armement mondiales, et l'ensemble des institutions militaires , des groupes américains et israéliens qui ont presque littéralement détourné le gouvernement et l'ont dépouillé de la plupart des vestiges de la démocratie.

"Le monstre agressif à deux vilaines têtes" dont parlait Michel Warschawski est une réalité.

Cette convergence d'"intérêts" manipulés a un effet profond sur les choix de politique américaine au Moyen-Orient.

Si les Etats-Unis ne sont pas capables de faire la différence entre les besoins du monde ou ses propres besoins réels de ceux d'un autre Etat et de ceux du Lobby de cet Etat, alors ils ne peuvent tout simplement pas dire qu'ils agissent toujours dans leurs propres intérêts.

Face aux violations massives des droits de l'homme qui sont commises contre des Palestiniens aujourd'hui, ne pas reconnaitre cette réalité comme ceux qui déprécient le pouvoir du Lobby et acceptent la politique américaine au Moyen-Orient comme étant simplement une partie inchangeable d'une stratégie de longue date est particulièrement dangereux.


Source : Adbusters n° 70 de Mars/Avril 2007

Traduction : MG pour ISM

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