Monde Arabe - 17 mars 2011

La démocratie, les droits de l'homme et la liberté - petite réflexion

Par Nadine Acoury

Les discours sur la démocratie, les droits de l'homme et la liberté entonnés ces derniers temps par Moammar Gadhafi ("la France et la Grande-Bretagne sont des puissances impérialistes qui veulent dominer le peuple libyen") sont un exemple frappant de comment le même langage peut être utilisé par les impérialistes et leurs serviteurs locaux, d'une part, et les révolutionnaires qui veulent changer les régimes néocoloniaux arabes, d'autre part. Et pas seulement le langage mais également les politiques qui viennent derrière.

Manama, Bahreïn, 16 février 2011 (photo Joseph Eid, AFP)
C'est ainsi que ces derniers temps aussi, on entend beaucoup les sionistes nous raconter que "des démocraties arabes, c'est bon pour "Israël" parce que c'est bon contre le terrorisme", et que "Israël" lutte pour les droits des peuples arabes contre (dans l'ordre) "le Khamas, le Khezbollah, la Syrie et l'Iran".
 
A Beyrouth dimanche 13/03, la clique des 14Marsiens libanais a rassemblé près de 100.000 manifestants sous les slogans "Le peuple veut faire tomber les armes (du Hezbollah)", "On veut la liberté pas la guerre et le terrorisme", et autres mots d'ordre mettant en avant la paix, la fraternité (sous-entendu avec les sionistes civilisés) et fustigeant la barbarie et le terrorisme (bien entendu de la résistance libanaise et de ses alliés régionaux).

Les discours droitsdel'hommesques de la clique haririste au Liban masquent mal le projet politique prôné depuis la création du pays par découpage de la Syrie par les Franco-Britanniques au début du XXè siècle, à savoir une entité maronite alliée de l'entité sioniste et rempart des lumières contre les Arabes et musulmans obscurantistes, projet toutefois voué à l'échec compte tenu du positionnement de la majorité du pays (maronites y compris) dans le camp de la résistance au sionisme et à l'impérialisme.
 
Port d'attache de la Vème flotte américaine et principal lieu de divertissements pour les Saoudiens très à cheval chez eux sur la moralité, le Bahraïn a fait fort dans la démocratie et les droits de l'homme et de la femme en appointant en juin 2008, Hoda Azra Nounou, première femme ambassadrice arabe aux États-Unis, qui se trouve appartenir à la communauté juive bahraïni (36 personnes), ce qui a déclenché l'enthousiasme des USionistes qui ont relevé le caractère exceptionnel dans la région du niveau de la démocratie et du respect des droits de l'homme de la monarchie bahraïni (qui n'a pas trouvé une seule femme musulmane qualifiée pour le poste ?).

Très liée au mouvement loubavitch ultrasioniste, Madame Nounou a entrepris (en secret quand même) une visite à leur siège l'année dernière à Washington en compagnie de Khaled Ben Hamad Khalifa, ministre des Affaires étrangères bahraïni, en violation (au minimum) des prescriptions de la Ligue Arabe qui interdit les relations entre les pays arabes et l'entité usurpatrice (voir l'article de Al Quds Al Arabi à ce sujet). 
 
Pour rappel, les autorités bahraïnis ont lancé hier les troupes de leurs frères arabes (Arabie saoudite, Koweït et Émirats Arabes Unis) venus à la rescousse, contre les manifestants qui réclament depuis plus d'un mois l'instauration d'un État de droit avec une constitution, des élections parlementaires, un contrôle des finances publiques et l'arrêt de la ségrégation de la communauté chiite, qui compose 70 à 80% de la population bahraïni, laissant trois morts sur le pavé de la Place de la Perle à Manama.
 
On n'ira pas jusqu'à considérer que tous les discours sur la démocratie, les droits de l'homme et la liberté sont des paravents, mais il va falloir dresser l'oreille, ouvrir les yeux  et utiliser son cerveau.




Répression des manifestations place de la Perle à Manama. © Joseph Eid / AFP, Le Point.fr